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Silence ! On tourne?.

par Farouk Zahi

En ce 8 mars printanier, le ciel bas sur Djelfa laissait sourdre une fine pluie de bon présage. Cette bruine printanière s'étendait de Mouileh, à une encablure sur la nationale 46 venant de Biskra, jusqu'au col des Caravanes (1200 mètres), sur la nationale 1 menant vers le grand Sud.

Au terme de la lecture d'un texte de Mohammed Abbou, intitulé : «Identité magnétique et identité nationale», publié par Le Quotidien d'Oran du jeudi 1er avril 2010, une sensation d'étouffement par de l'ouate se saisit du lecteur. Se pourrait-il que l'incurie ait atteint de pareilles cimes ? Au cas même, où cette histoire serait de la pure fiction, elle donne le vertige nauséeux. La déconfiture est bien là. On ne sait par quel mauvais génie, sommes nous inspirés, pour jouer tous à la comédie. ? Rien n'est sincère et rien n'augure de lendemains meilleurs. Le factice se substitue au naturel et le mensonge à la vérité. La scène, est cette immense Algérie où tout le monde semble improviser son propre jeu de rôle en l'absence d'un meneur de jeu. La gesticulation, sous les projecteurs, est telle la chorée dont les mouvements trémulants vont dans tous les sens. Hors champ, notre silence coupable est pesant. Les fables d'Ibn El Mouqaffa' ou de La Fontaine, selon la langue d'apprentissage, semblent être nos seuls livres de chevet. Chacun se complait à faire non pas ce qu'il peut, mais ce qu'il veut.L'applaudimètre, étant le seul paramètre d'évaluation, il ne peut lui être opposé aucune norme technique ou même logique. Orwelliens, nous nous arrimons à un Big Brother de notre seule invention. Et même s'il existait, nous lui donnerons l'épaisseur qu'il n'a jamais imaginée. Sans censure décrétée, nous usons d'autocensure pour mieux mystifier et survivre d'expédients. Une large partie de la presse dite indépendante et au lendemain de son vingtième anniversaire, n'a pas trouvé mieux que de passer sous silence, les échauffourées qui ont émaillé le premier festival de la chanson de Tikjda dans la wilaya de Bouira. Bonne leçon de rétention de l'information !

 Lorsque des chantiers de nettoiement jalonnent la route, un matin que l'on croyait ordinaire, un événement majeur est entrain de survenir. Les sirènes hululantes le confirmeront plus tard. Il faut voir aussi, ces agents chargés de la sécurité de l'illustre personnage, bondir comme des fauves et bousculer tout sur leur passage. L'objet principal de leurs préoccupations sécuritaires, est lui-même surpris par tant de précaution. Lui, qui il n'y pas si longtemps, était un individu normal doté d'un anonymat sidéral. Maintenant qu'il est sous les feux de la rampe, il jubile de voir des gens dits importants, l'aborder avec grande déférence et s'écraser comme des limaces baveuses. Il rira sous cape de ses années faméliques où il donnait du « Monsieur » à son supérieur hiérarchique. L'œil impatient, il cherchera l'objectif de la caméra, la presse écrite ou parlée lui importe peu, se disant que les gens ne lisent pas ou n'écoutent pas tout, mais qu'ils voient beaucoup. Il n'ira pas jusqu'à les traiter de voyeuristes quand même ! Il n'a, à l'esprit, qu'un seul spectateur : Le Big Brother. Face à la caméra, on sent à travers les propos tenus, que l'on tente d'abord de justifier son salaire. Il semble même que la voie télévisuelle soit l'unique canal de communication par lequel, sans coup férir, on peut rendre compte. Le visage amène et la langue onctueuse, on découvre des vertus au « mouatane » (citoyen) qui devient subitement l'objet de tous les soucis. Au niveau local, la donne est différente ; les projets sont sériés selon leur importance stratégique. Il y aura les projets qui seront versés dans l'escarcelle de la probable visite de « travail et d'inspection » et les autres. Ces derniers, auront plus de chance d'être mis rapidement en service et fonctionnalisés. Les premiers, attendront, certainement longtemps, l'hypothétique et illustre visite. Il est des cas avérés de projets finis qui attendraient une prestigieuse inauguration depuis un quinquennat.

 Que dire encore, des locaux professionnels destinés aux jeunes et dont les bénéficiaires ont bien vieilli dans l'attente, de l'attribution qui ne vient pas. Entre-temps, beaucoup de ces édifices sont livrés à la déprédation. D'autres, par contre, implantés en rase campagne, n'auront certainement aucune chance d'ouvrir leurs portes pour le simple motif, qu'il n'y a personne autour. Cet exemple n'est pas exclusif aux seuls locaux commerciaux ; des maternités, des écoles et bien d'autres projets implantés sans discernement, sont livrés à la nature. Réalisés sous la pression d'élus peu soucieux de l'intérêt public, ces pertes sèches seront inscrites dans le registre de l'apprentissage pour éviter doctement le vocable de gabegie. Il se trouve malheureusement, que l'évaluation des hommes se fait, encore, à travers une interminable nomenclature de projets inscrits et réalisés. Le coût, la faisabilité et la retombée socio économique ne semblent pas être l'exigence première de la viabilité de l'objet inscrit. Si l'avant scène urbaine est peinturlurée et enguirlandée, les coulisses, elles, sont dans un état repoussant. Elles semblent appartenir à d'autres territoires. L'édile, lui, il végète à l'ombre d'un Big Brother local qui ne fait que dicter des instructions venues d'en haut. Pratiquement effacé dans la vie quotidienne de la Collectivité, il est imparablement là, lors des cérémoniaux et autres inaugurations. Il pratique le coude à coude pour ne pas se laisser distancié. Il hoche vigoureusement la tête aux propos du chef quitte à ne saisir que des bribes du monologue. Car, il ne s'agit souvent que de monologue sans contradicteur. Certaines séances dites de travail, éprouvantes et interminables, ne sont en fait que des «one man show» prenant l'allure de parodie. La composante de la galerie comptera beaucoup dans les motivations présidant à la réunion. L'assistance religieusement muette, sera presque recueillie sur les premières rangées. Quelques-uns uns, s'évertueront à mettre en évidence le calepin sur lequel, ils prennent des notes inspirées des paroles ointes de vérité. La partie centrale, le regard lointain, se demande peut être pourquoi est -elle ici au lieu de faire œuvre utile ailleurs ? Celle du fond, aura choisi consciemment cet emplacement stratégique, pour pouvoir vaquer subrepticement à ses occupations. On ne cherche pas à susciter le débat pour mieux éclairer et impliquer d'avantage le plus de personnes dans le projet débattu; on «injoncte», on fixe des délais et on appréciera le moment venu. Il s'agit de discipline de groupe, elle ne doit souffrir d'aucune carence dut-elle être motivée. Il est pour le moins surprenant que des gens de la presse écrite désignent du doigt, de temps à autre, un membre du gouvernement lorsqu'il décline, un avis contraire à celui de ses homologues dans un domaine précis. Et ce sont, malheureusement, ceux là mêmes, supposés libérés de la chape de la pensée unique qui conceptualisent la notion de solidarité gouvernementale. Sinon, à quoi pourrait servir la divergence d'opinion et la couleur politique ? Il est vrai aussi que l'autoritarisme ambiant qu'il s'agisse du milieu familial, professionnel ou politique a laissé de profonds stigmates réactionnels dans le subconscient collectif. Faute par nous de se faire violence, pour changer de comportement, on se complait à faire dans le cinéma.