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Au souk populaire

par Hamid Dahmani

Il est connu de tous, que c'est dans les souks populaires qu'on peut faire de belles affaires. Tout le monde est unanime, pour dire que c'est réellement un grand plaisir pour les coutumiers que de vadrouiller, une torche électrique à la main, dès les premières lueurs de l'aurore au cœur de ce souk démesuré. Faire un saut au souk, pour les uns est une corvée, pour d'autres c'est un régal et un bonheur à ne pas rater. Aller au souk est une bouffée d'oxygène pour faire dégager l'ennui qui nous tracasse toute la semaine. Il y a une expression bien de chez nous qui dit : «Soug yeglaa el harga», le souk efface la brûlure. Le souk est le lieu de toutes les trouvailles, un marché hebdomadaire qui ressemble à une caverne d'Ali Baba. Le souk est toujours surprenant, et avec de la chance et de la patience on peut trouver tout ce qu'on cherche au milieu de ce décor. Dans le marché étonnant de Boukader, il y a un peu de tout, aux prix de l'occasion.

Il faut seulement se lever très tôt, avoir un œil perçant et des jambes solides pour résister à la fatigue et le va et viens qui éreinte au milieu des étals des vendeurs qui ont vidé leurs fourgons et déballé leurs marchandises diverses. Le souk est domicilié sur un terrain vague sur une grande surface avec des étals par terre des deux côtés, sur une longue distance. Les cris des «guérisseurs» mêlés à ceux des vendeurs de friperies fusent dans un tohu-bohu dès l'aube pour attirer les acheteurs et faire des affaires. Sur notre chemin notre attention est attirée mon ami et moi par un habitué du souk, un vendeur enturbanné et édenté assis devant un tas d'objets hétéroclites. Je me penche et je prends une figurine en bronze et je lui demande en même temps, quel est son prix. «Ch'aal khouya ?» il me répond d'un ton sec, «thelthe miya !» (Trois mille dinars). Je dépose l'objet et j'en prends un autre (un réveil), et je lui demande son prix «ch'aal hadhi khouya ?» la réponse ne se fait pas attendre «thelthe miya !». Mon ami, me regarde et me lance un clin d'œil avec un sourire et lui réplique : «Haw n'ta koulchi thelthe miya ?». Le vendeur occupé avec un autre acheteur nous toise et ne nous répond pas. «Et la canne à peche, c'est combien ?» «Thelthe miya !», avec dédain et le nez levé. Cela me rappelle la scène du film de l'inoubliable apprenti avec l'inspecteur Tahar, déguisés pour la circonstance en femmes de ménage, «em'ya we seta !». Mon ami m'interpelle et nous continuons notre marche sans avoir rien acheté chez ce vendeur. Au souk de Boukader, on fait affaire, juste pour un coup de cœur.

Des curiosités et des objets de collection font le charme de tous ces étals, relevant de l'horlogerie, des figurines, des jouets et des objets publicitaires d'un autre temps. Les vieux objets qu'ils soient métalliques ou de vieux papiers sont des traces de l'histoire. L'heure de plier bagages ayant sonné, nous avons jugé utile de faire un petit saut chez notre sympathique vendeur, pour «un dernier pour la route». Notre bonhomme était toujours là avec ses affaires éparpillées sur le sol. «Ch'aal souara ?» quelle est le prix de l'appareil photo s'il te plait. «Aati soumtek», donne-moi un prix, me répond-il, «miyat elf», je lui lance timidement. «Tch,tch,tch» me dit-il du bout de la langue, ce qui veut dire non. «Hamala goulna ch'aal ?». Il nous répond sèchement : «thelth miya»...