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A chacun sa vérité ?!

par Abdelkrim Zerzouri

En temps de conflits armés, l'information et la communication, en général, se retrouvent forcément sous le contrôle des plus hautes autorités politiques qui, en collaboration avec les QG militaires, mettent en œuvre une stratégie digne des champs de bataille. Et, parce qu'ils voient la vérité d'un bord ou de l'autre des camps antagonistes, les médias perdent ainsi de leur indépendance, pour se transformer, souvent, en véritables machines de propagande, à l'avantage d'un camp ou de l'autre, parfois à l'avantage d'un camp au dépens de l'autre, si ce dernier n'est pas assez fort sur le plan de la communication moderne. C'est une vérité aussi vieille que les guerres, mais ce conflit en Ukraine a fait resurgir une nouvelle dimension de ce visage médiatique. Habituellement, les plus faibles subissent le diktat informationnel des plus puissants, à l'exemple de la guerre contre l'Irak de Saddam Hussein, où la terrible machine médiatique américaine et occidentale a convaincu le monde avec de fausses vérités à propos de la possession de Saddam d'armes de destruction massive, puis en inondant littéralement la communication par des images transmises en exclusivité par les médias américains. On savait que ce n'est pas juste d'avoir un seul son de cloche, mais personne ne pouvait faire quelque chose contre. La force de la machine médiatique américaine et occidentale broyait toutes les informations qui ne correspondaient pas à leur version des faits. Aujourd'hui, la situation n'est plus la même, car les Occidentaux ont en face une autre machine médiatique russe assez puissante pour déranger leur plan. Résultat, les Occidentaux se retrouvent dans la contrainte de fouler aux pieds une sacro-sainte de leurs valeurs, et recourir à ce qu'ils dénoncent sans répit, la censure des médias russes. Sans état d'âme, trois jours après l'éclatement de la guerre en Ukraine, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a considéré qu'il était impératif de lutter contre ce qu'elle appelle «la machine médiatique du Kremlin». Deux ou trois jours plus tard, les médias d' ?Etat Russia Today' et ?Sputnik' ainsi que leurs filiales ont été interdits de diffuser leurs contenus en anglais, allemand, français et espagnol sur les réseaux de télévision et sur Internet. Une décision «expéditive», applaudie par tous les hommes politiques occidentaux et appliquée illico presto. Une décision qui porte atteinte à la liberté d'expression et une violation de l'Etat de droit, tel que dénoncée par les responsables russes et des médias touchés par cette interdiction ? Non, se défendent les Occidentaux qui expliquent leur décision par l'impératif de bloquer «les mensonges des médias en question pour justifier la guerre de Poutine et pour semer la division dans les rangs de l'Union européenne (UE)». Mais, quand le Mali a ordonné, jeudi 17 mars, la suspension de la diffusion de RFI et France 24, après la diffusion par ces médias français d'informations selon lesquelles l'armée malienne est impliquée dans des exactions contre des civils, la réaction de l'UE fait un changement de cap de 180 degrés, jugeant «inacceptable» cette décision sur la base d'«accusations infondées». Le Mali soutient de son côté que «les agissements de RFI et France 24 ressemblent» aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio ?Mille Collines', qui avait encouragé le génocide au Rwanda en 1994. A chacun sa vérité ?!