Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le foot : surpolitisation ? surpopulisme ?

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Il y a de cela quelques années, un chef d'Etat africain avait «gardé à vue» toute l'équipe nationale de football (dont des professionnels sous contrat à l'étranger) qui avait enregistré, lors d'une compétition internationale, de mauvais résultats. Il y a peu, un autre avait, non pas souhaité de bons résultats ou de faire bonne figure, mais plutôt enjoint aux joueurs de remporter le trophée. Sinon... ! Les plus anciens se souviennent peut-être de l'histoire tragique du congolais Pierre Ndaye Mulumbula qui avait marqué 9 buts dans l'édition de 1974 en Egypte. Un record, toujours inégalé, récompensé en 1994 par une médaille de la CAF pour récompenser l'ensemble de sa carrière (avec une CAN remportée et une qualification à la Coupe du monde 74).

Le dictateur de l'époque, Mobutu (Zaïre), exige que Mulamba lui remette cette médaille à son retour à Kinshasa. Face au refus de l'ex-international, le dictateur envoie ses porte-flingues à son domicile. Il est sauvagement agressé par les hommes de mains du pouvoir qui le laissent pour mort après avoir assassiné son fils sous ses yeux. Il est contraint d'abandonner sa famille et de s'exiler. Réfugié en Afrique du Sud, où il est quasiment réduit à la mendicité, avant de s'éteindre en 2019.

Dans notre pays, il fut un temps où les dirigeants suprêmes eux-mêmes se sont (en plus de la fameuse «Autorisation de sortie du territoire national») permis d'interdire tout départ à l'étranger de joueurs pourtant capables d'être parmi les meilleurs d'Europe. Seuls exemptés, car mission accomplie, les joueurs de l'équipe nationale du FLN-historique.

Aujourd'hui, en raison de la pandémie de la Covid-19 qui empêche les supporteurs d'aller au stade se «défoncer» ou se défouler (contre les joueurs, contre l'entraîneur et les dirigeants en cas de défaite ou de nul, contre les visiteurs qui ont eu le malheur de «gagner», contre le Beylik et ses représentants, contre leur voisin, contre leurs copains...), et en raison de la «mort» (ou l'assèchement ou le repos forcé ou la fatigue ou...) du Hirak, ce grand fleuve tumultueux ayant charrié librement jusqu'à l'anarchie, toutes les expressions, celles des rues comme celles des stades, on s'est massivement rabattu sur les exploits et le dernier échec (?) de Belmadi et de ses Fennecs (ces animaux ayant traversé des siècles de dunes et de chaleur, transformés en «guerriers du désert», une appellation belliqueuse, que l'on veut imposer à la «vox populi» pour des raisons d'ego surdimensionné, par des communicants au cul bien calé dans leurs fauteuils) qui se devaient de gagner à tout prix toutes les rencontres. Tout ou... la potence ! Car, si défaite (ou «déroute», comme lors de la récente CAN, due bien plus au trop-plein de victoires, aux conditions de préparation et de déroulement des compétitions et à la lourdeur de la «mission imposée» par la vox populi -dont les médias- nationale) il y a, comme d'habitude, les éternels critiques et autres contempteurs, lesquels projettent leurs échecs personnels sur l'absence de réussite des autres. Belmadi a bien résumé la situation :» Nous avons cette fâcheuse habitude d'aller chercher les coupables, ce n'est pas de cette manière que ça fonctionne». Habitude est un mot bien trop gentil.

Car, c'est un véritable virus qui ronge notre société ! Un virus qui ne partira ni avec une qualification à la Coupe du monde 2022, ni avec des victoires sur des clubs européens. Peut-être avec la Victoire en finale au Qatar ? Pas si sûr ! Un long chemin pour la guérison. Un vaccin : dépolitiser (à partir des clubs et de la base) pour «dépopulariser» (au sens populisme). Hélas, il y a tellement d'anti-vaccin et de charlatans.