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Mourad Preure, expert international en énergie: «La non-reconduction du contrat du GME, un acte souverain»

par El-Houari Dilmi

  «Arrivé à son terme le 31 octobre dernier, le non-renouvellement du contrat du gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui alimente l'Espagne via le Maroc, est d'abord un acte souverain mais aussi un acte responsable pour un pays producteur de gaz qui doit veiller à sécuriser les approvisionnements de ses clients, l'Espagne en particulier», a indiqué, hier mercredi, Mourad Preure, expert international en énergie.

Intervenant sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio nationale, Mourad Preure s'est interrogé sur les conséquences sur les clients de l'Algérie de la reconduction du GME, si la situation venait à s'aggraver avec le voisin de l'Ouest», a-t-il dit.

Au sujet des critiques émises au sujet de la non-reconduction du contrat du gazoduc (GME), l'expert international a tenu a rappelé que les plus hautes autorités algériennes «ont rassuré l'Espagne quant à la sécurité des approvisionnements via le Medgaz qui relie Beni-Saf à Almeria, et dont la capacité a été portée de 8 à 10,5 milliards de m³, sans parler des 8 méthaniers dont nous disposons qui cumulent une capacité considérable d'enlèvement de GNL vers l'étranger», a-t-il précisé. «Même durant les années de terrorisme, il n'y a jamais eu de ruptures des approvisionnements en gaz de l'Europe, ce qui fait de l'Algérie une source fiable pour l'ensemble de ses clients», a encore affirmé Mourad Preure. Parlant de «choc gazier», l'expert algérien a évoqué une «situation de jamais vu puisque les prix du gaz ont augmenté de 600%, en une année sur le marché spot (à court terme), ceci pour plusieurs raisons dont le renouvellement des stocks en gaz par plusieurs pays européens et la Chine surtout qui a acheté de grandes quantités de gaz», a-t-il souligné.

«L'Algérie a une longue tradition en matière de production de gaz, la preuve, la première usine de liquéfaction au monde a été construite à Arzew (Ndlr : La Camel) en 1965», a encore rappelé l'invité de la Radio.

Concernant la «clause de destination», c'est-à-dire que l'Espagne ne pourra pas revendre du gaz algérien au Maroc au risque d'être confrontée à cette clause, Mourad Preure a expliqué que «d'abord, cette opération de flux inversé n'est pas simple sur le plan technique», et que «la décision du chef de l'Etat de ne pas renouveler le contrat «GME» reste une décision politique salutaire, surtout pour la sécurité de nos clients en matière d'approvisionnements en gaz», a-t-il affirmé. Toujours selon l'expert international, l'Algérie «doit reprendre ses investissements dans le domaine de l'exploration et des forages, abandonnés depuis vingt ans, améliorer l'exploitation des gisements gaziers existant en utilisant les nouveaux procédés technologiques comme l'imagerie du sous-sol et le réservoir engineering, mais aussi développer le domaine minier national qui reste très en-deçà de ses capacités réelles», a-t-il expliqué.

«L'instabilité du cadre juridique, ajouté au ralentissement des investissements dans le domaine de l'exploration-production et la difficulté à attirer des partenaires étrangers, a eu pour conséquence directe la baisse de nos exportations, qui sont passées de 60 à 41 milliards de dollars ces dernières années, sans parler de la demande interne qui a explosé», a également argumenté Mourad Preure, ajoutant que «la consommation énergétique nationale a augmenté de 59% entre 2010 et 2019, ce qui est énorme», a-t-il révélé.

«Nous consommes deux fois plus d'énergie que les pays de l'OCDE, ce qui est insoutenable sur le long terme», a-t-il affirmé, d'où «l'urgence absolue d'engager au plus tôt le vaste chantier de la transition énergétique, dont la locomotive doit être la compagnie nationale Sonatrach», a-t-il conclu.