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La facture s'alourdit pour le royaume: Le Maroc joue et perd

par R. N.

La décision prise mercredi dernier par le Haut Conseil de sécurité va obliger le Maroc à faire des détours contraignants et onéreux pour atteindre les destinations des aéroports étrangers qu'il a l'habitude de desservir en Afrique et au Moyen-Orient en traversant l'espace aérien algérien.

Prise mercredi dernier après une réunion du Haut Conseil de sécurité, la décision du président de la République de «fermer immédiatement l'espace aérien du pays à tous les aéronefs civils et militaires marocains, ainsi qu'à ceux qui portent un numéro d'immatriculation marocain», outrepasse le «diplomatiquement et le politiquement correct» pour (s') écraser encore une fois sur le monde économique du Maroc. Des agences de presse étrangères rapportent que des responsables de la compagnie aérienne marocaine estiment que cette interdiction algérienne aura « un impact minime » puisqu'elle ne concerne qu'une quinzaine de vols hebdomadaires reliant le Maroc à la Tunisie, à l'Egypte et à la Turquie(...), qui seront détournés au-dessus de la Méditerranée». Pourtant ce n'est pas aussi simple que l'avancent ces sources tant le refus algérien de survol de ses territoires, oblige les avions marocains à faire de longs détours qui les contraignent à perdre plus de temps, d'argent et d'énergie à leurs équipages et à leur clientèle en particulier étrangère.

Une carte des liaisons aériennes marocaines élaborée par la RAM peut en déterminer de prime abord le nombre de vols concernés par cette interdiction puisqu'elle affiche ses vols réguliers avec le Mali et la Côte d'Ivoire en survolant Tindouf, ceux avec le Nigeria, le Cameroun, la République démocratique du Congo et la Centrafrique qui transitent par l'espace aérien de Bordj Badji Mokhtar et de Tamanrasset, ceux vers le Niger, le Kenya et la Tanzanie en survolant Bechar, le Soudan et le Tchad en passant près d'In Amenas. En plus de ses vols traversant le littoral oranais, algérois et annabi, la Tunisie, on constate que pour la Libye et l'Arabie Saoudite, la compagnie marocaine doit survoler Ghardaïa et pour l'Egypte et le Moyen-Orient, elle passe par Ouargla. Ce sont donc toutes les liaisons aériennes marocaines avec l'Afrique et le Moyen-Orient qui vont devoir être détournées. Il est évident qu'une telle décision d'interdiction a placé en point de mire les liaisons (aériennes) marocaines avec l'entité sioniste. Il est impossible pour l'Algérie de laisser passer des avions qui font le va-et-vient entre Rabat et Tel-Aviv sans qu'elle ne craigne pour la sécurité de ses territoires et de ses installations stratégiques.

Rabat perd lourdement au change

Les avions marocains devront se conformer à cette interdiction de survol, à défaut, et selon les spécialistes, ils vont être interceptés par des appareils (chasseurs) militaires de reconnaissance, «soient escortés pour une reconduite aux frontières ou en cas de transgressions répétées seront saisis ».

Au-delà des circonvolutions aériennes désormais à charge des compagnies marocaines, Rabat perd déjà lourdement au change depuis la fermeture des frontières ouest et aussi la mise à l'arrêt du gazoduc algérien desservant l'Espagne par un contrat qui arrive à terme en octobre prochain alors que le Maroc percevait jusque-là d'importantes royalties (plus de 160 millions de dollars, en plus des prélèvements de l'ordre de 800 millions de m3 de gaz).

Ainsi, après sa rupture des relations diplomatiques avec le Maroc depuis le 24 août dernier comme annoncée le même jour par le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger (MAECNE) lors de la longue conférence de presse qu'il a animée au CIC, Alger avance sérieusement dans la prise de sanctions que les autorités militaires ont arrêtées au titre de «la révision des relations bilatérales» entre les deux pays. Une révision couplée à «l'intensification des contrôles sécuritaires au niveau des frontières ouest», prises les deux en même temps le 18 août dernier par le HCS en raison, avait souligné la présidence, «des actes hostiles incessants menés par le Maroc à l'encontre de l'Algérie». Derniers actes hostiles en date, les menaces du MAE israélien à partir de Rabat contre l'Algérie parce qu'elle entretient des relations diplomatiques avec l'Iran, la distribution par le représentant du Maroc aux pays des non-alignés en réunion à New York d'une requête appelant à l'indépendance de la Kabylie, et il y a 24 heures, récidive de responsable israélien, accusant l'Algérie d'abriter des camps d'entraînement des éléments du Hizbollah à Tindouf.

Fortement inquiète des conséquences de la normalisation politique, civile, militaire et sécuritaire, officielle et soutenue, entre le royaume du Maroc et l'entité sioniste, sur ses frontières, ses territoires et la région tout entière, Alger refuse de badiner avec des relations bilatérales que le Makhzen malmène depuis son déclenchement de la guerre des sables en 1963. L'équipement israélien Pegasus utilisé par le Makhzen pour espionner l'Algérie en est une démonstration alarmante.

Des hostilités marocaines, « l'Algérie en a vu de très dangereuses et a fermé les yeux pendant longtemps » selon les propos du MAECNE.

La décision de la fermeture des frontières terrestres entre les deux pays depuis 94 sur décision de l'Algérie n'a pu d'ailleurs être annulée en raison de la montée incessante de ces hostilités et notamment le refus du Maroc d'examiner d'une manière bilatérale l'ensemble des questions sécuritaires qui entravent cette ouverture et les échanges en général entre les deux pays.

Les activités «au pas de charge» de Lamamra

Le secrétaire général de l'Onu, Antonio Guterres s'est dit mercredi dernier «fermement convaincu qu'il est important pour les deux pays d'engager un dialogue positif pour résoudre leurs problèmes en suspens au regard de leur importance dans la région», comme rapporté dans une conférence de presse par son porte-parole Stéphane Dujaric.

Ceci étant dit, Lamamra martèle à chaque fois que l'occasion lui est donnée que la décision algérienne de la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc est «souveraine, définitive et irréversible» refusant ainsi toute sorte de médiation de quelque partie qu'elle soit. Il l'a répété à New York où il mène depuis lundi dernier au pas de charge des démarches pour démontrer que l'Algérie veuille « à instaurer la stabilité dans son environnement régional et international, en faisant prévaloir les valeurs de dialogue et en proposant des solutions pacifiques aux questions et conflits internes ». La participation de Lamamra à New York aux travaux de la 76ème session de l'Assemblée générale de l'ONU laisse entendre qu'il arpente depuis lundi en long et en large les passages de la diplomatie internationale pour rappeler les positions de principes de l'Algérie sur les conflits arabes, régionaux et internationaux.

Il persiste et signe que «l'Algérie continuera à défendre les causes justes des peuples qui luttent pour le recouvrement de leurs droits fondamentaux et l'exercice de leur droit à l'autodétermination, à leur tête la cause palestinienne». Il déploie de grands efforts pour relancer l'initiative de paix arabe présentée en 2002 au sommet de Beyrouth et convaincre de l'application de la résolution 242 relative au principe de « la paix contre la terre », appelant ainsi la communauté internationale, notamment le Conseil de sécurité, à «assumer ses responsabilités historiques et juridiques et à contraindre Israël à se conformer à la légalité internationale en mettant fin à son occupation des terres palestiniennes». Pour faire adhérer le plus de monde possible aux positions de l'Algérie, le chef de la diplomatie a eu des discussions avec de hauts responsables onusiens et ses homologues de plusieurs pays. Hier, il a rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov avec lequel il s'est entretenu, nous dit-on, « sur des questions stratégiques ». Il a, en outre, tenu une réunion en tant que président du mécanisme des pays voisins de la Libye avec le Comité de haut niveau de l'Union africaine pour la Libye. Il est évident que la question de l'annulation du statut de membre observateur accordé à Israël au sein de l'UA soit mise sur la table des discussions.