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Petite bouffée d'oxygène pour la recette communale: Réouverture du marché des véhicules en attendant sa mise en adjudication

par Houari Saaïdia

A tous les égards, l'aménagement en 2018 par l'APC d'Oran du site jouxtant les abattoirs municipaux de Saint Hubert en marché de véhicules était un choix judicieux. La commune aura fait d'une pierre deux coups : créer une ressource tout en sauvant un foncier de 23 ha qui faisait saliver d'envie plus d'un. Mais le plus dur reste à faire: rentabiliser ce projet.

La décision du gouvernement portant reprise des marchés de voitures d'occasion à peine sèche, l'APC d'Oran a mis en place toutes les mesures réglementaires et logistiques pour la réouverture de son propre marché. Le dispositif ayant été déjà fin prêt, la division des affaires économiques (DAE) n'a eu qu'à appuyer sur le bouton pour relancer l'activité suite à l'annonce par le Premier ministre de la réouverture des marchés automobiles dédiés à la vente des véhicules usagers à raison d'une fois tous les quinze jours, créneau qui était suspendu depuis le 17 mars 2020 pour limiter la propagation de l'épidémie de la Covid-19. Le marché a donc été remis en service après presque une année de fermeture forcée. Evidemment, comme on pouvait s'y attendre, ça ne se bousculait pas au portillon, vendredi. C'est la même situation à l'échelle nationale: les marchés de voitures d'occasion qui autrefois regorgeaient de monde dès l'aube à chacune de leurs ouvertures une fois par semaine sont peu fréquentés à l'heure actuelle. La rareté de l'offre en raison du gel de l'importation et l'arrêt de l'activité du montage local y sont pour beaucoup. Le coronavirus, lui, a bouclé la boucle. L'annonce par le gouvernement d'un prochain retour à l'importation des véhicules neufs, avec à la clé une libération du créneau, dans le but de répondre aux besoins du marché national, en octroyant les premières autorisations prochainement aux concessionnaires retenus, n'a eu pour l'heure aucun effet sur le marché de vente de voitures d'occasion. On a toujours au menu une hausse fulgurante des prix et une pénurie persistante du produit. Ce ne sont pas seulement les surfaces de vente automobile à l'air libre qui sont quasiment désertés, mais aussi les plateformes électroniques et les réseaux sociaux qui affichent une régression signifiante dans ce registre.

TROP TOT POUR SE PRONONCER

Mais c'est trop tôt, trop téméraire aussi, pour dire que la réouverture des marchés hebdomadaires automobiles est un coup d'épée dans l'eau. C'est un peu tiré par les cheveux comme raisonnement. Beaucoup sont les citoyens qui se réjouissent, en tout cas, de cette réouverture des marchés, estimant que cette décision d'ouverture des marchés, même si elle a tardé à arriver, représente une opportunité pour acquérir ou changer de voiture. De plus, certains d'eux pensent que cela pourra contribuer à la longue à la baisse des prix des voitures. L'APC d'Oran, elle, n'a pas perdu son temps à couper les cheveux en quatre et a saisi la balle au rebond en rouvrant son marché de voitures au premier vendredi ayant suivi l'annonce du Premier ministère. « Suite à la décision des pouvoirs publics de la réouverture des marchés de vente de véhicules d'occasion, faisant partie d'un ensemble de mesures d'allègement des restrictions liées au confinement partiel, nous avons rouvert notre marché communal après avoir mis en place toutes les mesures règlementaires, dont celles liées à la prévention et la protection sanitaires», indique Abdelwahed Aziz, le directeur de la DAE de la commune d'Oran.

Ouvert depuis à raison d'une fois toutes les deux semaines, ce marché disposant d'une capacité d'accueil de 600 véhicules toutes catégories confondues est autogéré actuellement par l'APC via sa division DAE. Pour inciter les clients à y venir, un tarif forfaitaire de 200 DA, droit d'entrée, est appliqué.

Le même responsable fait savoir qu'un arrêté portant ouverture de ce marché 7 jours sur 7 a été signé par le président de l'APC qui en a bien entendu sursois la mise en application à l'après-déconfinement, et ce dans un double objectif de rentabiliser au maximum cet espace commercial et d'éradiquer les points de vente informel, au premier rang desquels figurent les sites de l'Hippodrome et Castors, dont les comités de quartiers respectifs ont été d'ailleurs inclus à juste titre par le maire Nouredine Boukhatem dans cette démarche citoyenne. Cependant, la finalité du projet sur le plan gestion est d'aller vers la concession de cet espace par voie d'adjudication, au plus offrant s'entend. Une procédure qui est en cours de préparation au niveau de la commission des marchés, précise le DAE, avec entre autres actes à accomplir, l'élaboration d'un cahier de charges et la fixation d'une mise à prix par le biais des services des Domaines.

L'AUTOGESTION EN ATTENDANT L'ADJUDICATION

On note que ce marché réalisé en régie communale, durant l'année 2018, au moyen de recoupements financiers issus de différentes divisions, au niveau de l'assiette foncière attenante aux anciens abattoirs municipaux de Saint Hubert qui tenait lieu de marché à bestiaux, était depuis en service avant que la décision de fermeture pour raison de pandémie du Covid-19 n'intervienne. La mise en service de ce marché avait été précédée, pour rappel, d'une réactivation des arrêtés d'interdiction de vente de voitures dans nombre de points informels à travers la ville. Tout avait été réglé alors en vue de la mise en fonction de ce marché : régulation de la circulation à l'entrée/sortie, perception du droit d'accès au poste, la sécurité interne, le service de contrôle, les commodités, la prestation des différents services pour le bien-être des clients? Bref, le « basique » avait été bien mis en place. En attendant bien sûr de parfaire cette plateforme commerciale par la mise en place d'une barrière électronique assortie de distributeur automatique de tickets pour garantir la rentabilité et surtout la bonne comptabilité dans ce site qui devait drainer du monde, ainsi que par des caméras de surveillance, des panneaux publicitaires et autres enseignes lumineuses et davantage de commerces et de services annexes.

A juste titre, la commune avait opté pour une phase transitoire « autogestion ». « Nous gérerons ce marché par nous-mêmes par le biais de la DAE, à titre temporaire. Si l'APC trouve ses comptes, le mode de gestion directe ou en régie communale sera maintenu. A défaut, il y aura une concession par adjudication. Dans tous les cas de figure, le régime expérimental nous permettra d'estimer le marché à sa juste valeur économique et le chiffre d'affaires qu'on pourra en tirer. Le choix du mode de gestion sera quant à lui en fonction de ses paramètres et selon les résultats de la soumission, si on venait à décider de faire appel à un concessionnaire », avait indiqué au « Quotidien d'Oran » le P/APC lors de la séance de travail ayant précédé une sortie sur site.

C'EST AUSSI ET SURTOUT UNE AFFAIRE DE FONCIER

A la décharge de la commune, si on devait lui faire quelques reproches par rapport à l'absence d'une étude globale et intégrée du site de 23 ha tous compartiments et lots compris, sa volonté de sauver ce site qui se trouvait au centre de toutes les convoitises et qui attisait singulièrement l'appétit des prédateurs du foncier, ce qui expliquerait en partie son empressement à lancer le chantier en grillant les étapes, avec l'idée de rectifier le tir au fil et à mesure. Les bonnes idées ne manquaient pas pour autant, comme celle d'un espace de restauration spécialité viande et grillade à l'entrée du marché, les anciens locaux intérieurs à réhabiliter et à mettre en location pour le commerce et les services, la mise en place d'antennes pour la carte grise et l'assurance auto, la transformation d'un ancien enclos en bloc administratif, la mise à profit du mur de clôture pour les prestations de publicité, la mise en place de postes de police à l'entrée-sortie, l'installation de caméras de télésurveillance couvrant tout le périmètre. Les ex-Abattoirs, datant de 1950, et qui font office, également, d'un point de vente à portée régionale, étaient devenus un site autant obsolète qu'encombrant. Ce lieu situé en plein tissu urbain, devenu complètement inapproprié pour une telle activité qui requiert un emplacement extra-muros de par le trafic de poids lourds qu'elle génère et les exigences sur le plan hygiène et environnement qui s'y rapportent, a fait l'objet d'une délocalisation vers El Kerma, il y a plus de six années. La réouverture, quoiqu'au compte-gouttes, du marché de voitures d'occasion intervient dans un contexte financier et budgétaire très délicat pour la plus grande commune du pays.

TRESORERIE COMMUNALE: DES RECETTES TRES LOIN DU COMPTE

En effet, les recettes propres de la commune au titre de l'année 2021 s'élèvent à seulement 824,5 millions de DA (0,82 milliards de DA), quant aux subventions de l'Etat, elles s'évaluent à 54 millions de DA (0,05 milliard de DA). Les dépenses prévisionnelles de la commune au titre du BP 2021 consistent en 3,83 MDA, 0,18 MDA et 0,34 MDA pour respectivement : les charges obligatoires, le fonctionnement et l'équipement. A l'évidence, le gros du budget de fonctionnement est bouffé par la masse salariale (8/12 mensualités seulement), 2,57 MDA, soit 67%. Les quatre EPIC publics, dont les contrats-programmes sont devenus «problématiques» aux yeux de l'exécutif communal qui parle ouvertement d'«une sous-traitance imposée» et d'«une source de surendettement», s'emparent au titre de subventions de la part de l'APC d'un montant de 150 millions de DA (15 milliards de cts): 4 millions de DA pour les trois EPIC «Oran Vert», «Ermes Oran», «Oran Propreté» et 3 millions de DA pour la quatrième EPIC «Oran CET». Avec, par ailleurs, comme indice révélateur: zéro équipement neuf en 2021, les quelque 300 millions de DA alloués au titre du programme d'équipement aux divisons DTNM, DMMG, DHA, DVC, DPE, DAS, Sport, Culture, DAE, DUP, et DRG sont réservés quasi exclusivement à la maintenance et la réhabilitation des infrastructures et à l'entretien de la voirie urbaine, les VRD, les espaces publics, l'acquisition de matériels d'hygiène et d'assainissement, le contrôle et le suivi de projets communaux en cours, etc. Or si l'équipe de Boukhatem a donné plusieurs tours de vis à son budget d'autogestion (gestion des structures internes, prélèvement et équipement et autres dépenses), à la faveur de plusieurs acrobaties, elle avait par contre pieds et poings liés devant «l'incompressible» masse salariale.