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A la bourse des passeports !

par Abdelkrim Zerzouri

Comment le passeport, ce document de voyage presque quelconque, au regard du droit qui l'accorde à tout citoyen, a-t-il pris de l'importance et se hausser au rang des sociétés les plus cotées à la bourse? En fait, il existe bien depuis quelques années, une bourse des passeports qui ne dit pas son nom et qui a pris une grande importance ces derniers temps, à telle enseigne qu'on recourt à un classement mondial par pays, allant du « plus puissant » au «plus faible » passeport, selon le nombre de pays à travers lesquels peuvent voyager librement les détenteurs de ce document de voyage.

Le dernier classement, du 5 janvier 2021, établi par le Henley Passport Index, classe le passeport japonais, qui donne accès à 191 destinations sans avoir à faire des visas, en haut du tableau pour la quatrième année consécutive, alors que l'Afghanistan (110ème place) occupe la queue du peloton. Le passeport algérien est classé parmi les plus faibles au monde, occupant la 92ème place, qui ouvre aux Algériens 51 destinations sans faire de visa, et encore les destinations en question restent hors de la zone d'intérêt des voyageurs.

On ne peut pas prêter attention à ce classement, pourtant il est d'une importance cruciale, reflétant en cela la cote d'un pays « X » aux yeux des autres Etats de la planète. Comment accéder aux premières places, du moins occuper une place respectable parmi les pays dont les passeports sont considérés comme les plus puissants au monde ?

A regarder de près la liste du haut du tableau, on constate que le secret réside dans la stabilité socioéconomique et politique, la sécurité, le degré de développement, ainsi que d'autres paramètres qui inspirent le respect et la confiance à l'égard d'un pays et des ses ressortissants, particulièrement la tentation de l'émigration clandestine. Un pays où les habitants sont plus attachés à rester chez eux que d'aller s'installer ailleurs, même dans des conditions légales, est plus respecté qu'un autre où les populations cherchent la moindre occasion pour « brûler » les frontières. En conséquence, on n'a pas besoin de restreindre la circulation de voyageurs arrivant de pays stables et sûrs, et qui retourneraient, sans aucun doute, chez eux, à la fin de leur séjour dans un pays étranger. Ils auront, ainsi, des passeports parmi les « plus puissants », qui ouvrent la voie à de nombreuses destinations, sans passer par les formalités administratives pour l'établissement du visa. Le citoyen, en tant qu'ambassadeur de son pays à l'étranger, contribue grandement à donner du poids à son passeport ou le rendre très faible. De ces considérations en a résulté cette bourse des passeports. Car, certains pays en butte à des difficultés économiques, dont les passeports sont classés parmi les plus puissants au monde, permettant ainsi à son détenteur de voyager à travers un grand nombre de pays sans demander préalablement une quelconque autorisation ou visa, ont ouvert un marché de vente de la nationalité, avec objectif d'obtenir le fameux et puissant passeport.

Aujourd'hui, certains pays font miroiter leur puissant passeport pour vendre la nationalité aux riches investisseurs arrivant de pays, dont les passeports sont classés « faibles », et qui constituent un handicap pour leurs déplacements internationaux. Combien d'Algériens ont acheté la nationalité de ces pays, en consentant des investissements en dizaines de milliers de dollars.