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Les dessous d'une réconciliation

par Abdelkrim Zerzouri

La crise dans le Golfe, qui opposait le Qatar à ses voisins, l'Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, Oman et le Koweït, en sus de l'Egypte, est-elle définitivement passée ? Les voyants sont au vert avec ces embrassades entre le prince héritier de l'Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane, et l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, lors de sa descente de l'avion à l'aéroport de Riadh, mardi 5 janvier, pour prendre part aux travaux du 41e sommet annuel regroupant les dirigeants des pays du Golfe au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Ainsi que cette déclaration du prince Fayçal ben Farhane Al-Saoud, en marge de ce sommet, révélant qu' « il a été décidé aujourd'hui (ndlr, mardi 5 janvier), grâce à la sagesse de dirigeants du Golfe et de l'Egypte, de tourner la page et de rétablir toutes les relations diplomatiques » avec le Qatar et autre approbation de l'Arabie Saoudite de rouvrir au Qatar son espace aérien et ses frontières terrestres et maritimes.

Fini, donc, le « blocus » imposé au Qatar en juin 2017. Reste seulement à connaître les dessous du désamorçage de la crise pour bien voir si la tempête est bien passée ou s'il s'agit uniquement d'un règlement conjoncturel qui pourrait s'avérer conventionnel, obéissant au développement des facteurs qui l'ont imposé. Il est clair que les Etats-Unis ont joué un rôle clé dans la résolution de cette crise, exerçant une pression sur tous leurs partenaires dans la région pour renouer avec le Qatar, pour soustraire ce dernier pays à l'influence de l'Iran, préférant isoler ce dernier pays plutôt qu'un pays allié comme le Qatar, comment alors envisager ou imaginer l'avenir des relations entre l'Arabie Saoudite, les pays du CCG et le Qatar si des changements interviennent dans les relations entre les Etats-Unis et l'Iran ?

Certains observateurs n'excluent pas que cette volonté US de réunir en un seul les pays CCG vise également une proche normalisation « groupée » des relations avec Israël.

On veut pour preuve le ballet diplomatique effectué dans la région ces derniers jours par le gendre et conseiller de Trump, Jared Kushner, véritable architecte de la normalisation des relations de pays arabes avec Israël. Est-ce à dire que le Qatar va rompre avec l'Iran et accepter d'exécuter les 13 conditions formulées par l'Arabie Saoudite avant toute levée du blocus et reprise des relations, dont la fermeture d'Al-Jazeera et la fermeture d'une base militaire turque sur son sol ? Le Qatar ne s'est jamais plié à ces conditions au pire moment que lui a fait subir le « blocus », comment le ferait-il aujourd'hui qu'il a pu se remettre debout malgré l'adversité de ses voisins ?

Autre indice qui fragilise ce rapprochement, hormis les avances positives des Saoudiens, les autres pays du CCG gardent encore un silence embarrassant. On pense que ces derniers finiraient par suivre le grand allié saoudien, mais cela n'est pas un acquis affirmé, surtout quand on sait que le Qatar ne veut rien céder et que les Emirats Arabe Unis ou Bahreïn continuent encore de le voir sous le mauvais angle de ses contacts intimes avec la confrérie islamiste des Frères musulmans. En somme, les points de discorde entre les quatre pays qui ont rompu leurs relations avec le Qatar, en l'occurrence l'Arabie Saoudite, les EAU, Bahreïn et l'Egypte, sont toujours de mise et la réconciliation répond à plus d'un égard à un desideratum US, qui a un agenda commun dans la région mais pas forcément dans l'intérêt de tous.