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Peut-on balayer un escalier par le bas ?

par El-Houari Dilmi

Le «dangereux virus de la rumeur» fait l'objet du prêche de vendredi dans les mosquées du pays. Alors comme ça, six décennies après le retour du soleil de la liberté sur le pays, personne n'a encore trouvé le moyen de tordre le coup à la rumeur, cette «seule» diseuse de «choses vraies» ! Favorisée par l'atmosphère anxiogène qui plane sur le pays et la formidable « force de frappe » des réseaux sociaux, la rumeur enfle jusqu'à nous faire prendre un nématocère pour un redoutable avion de chasse ! Parce que le «politiquement correct» est le chemin le plus court vers la vérité «aseptisée», comment faire pour que le pays apprenne à se parler à lui-même, sans passer par des «voix d'orfraie», d'ici et d'ailleurs ? De nos peurs ataviques de nous dire la Vérité en face à cette manie tenace de croire que le «vrai» vient toujours d'ailleurs, comment veut-on qu'un peuple-électeur sous-informé ou mal informé échappe au piège «imparable» des grilles de lecture formatées en officines clandestines, pour inoculer une «info», clefs en main, à une opinion publique qui veut simplement comprendre ce qui se passe dans son propre pays et exercer son droit (qui reste à reconnaître) à être informé sur la gestion des affaires publiques de la nation? Pourtant, combien de vérités «toutes crues» sont parvenues aux oreilles, et surtout à la conscience «écorchée» des Algériens, par le canal tortueux de la rumeur, ou de ce que d'aucuns continuent à appeler prosaïquement «radio-trottoir»? L'on se souvient, encore, qu'à chaque fois que la vox populi se faisait l'écho de «nouvelles fraîches», les gens qui gardent toujours la main solidement accrochée au gouvernail s'empressent d'apporter un démenti dit «catégorique», un peu comme un contre-feu allumé pour oublier un grand incendie. Montrant tout le fossé qui sépare encore la communication dite «officielle» et la langue officielle de communication, l'absence du président de la République et la communication, avec parcimonie, sur son état de santé, ne sont pas faites pour rassurer les Algériens, et encore fermer la porte devant la rumeur, ce plus vieux media du monde ! Mais toutes les «rumeurs», sont-elles toutes fausses sous nos latitudes «spécifiques» ? Il semblerait que le nombre des milliardaires que compte le pays augmente plus vite que le taux de croissance démographique : rumeur. Notre garde-manger national serait menacé par des mains baladeuses : ragot. Notre projet du siècle (autoroute Est-Ouest) serait le plus grand scandale du siècle : commérage. De gros capitaux en devises fortes seraient transférés en sous-main en terre étrangère : poisson d'avril. La corruption dans le pays mériterait de construire des dizaines de prisons : bobard. L'on dit que dans pas très longtemps, le pain, la semoule, le lait, le sucre, l'huile ne seront plus subventionnés par l'Etat-mamelle : brouhaha. Et la liste est encore longue, assez longue au point que pour l'Algérien de la rue, la Vérité, (à lui), peut être partout, sauf là où tout le monde pense qu'elle se trouve. Aujourd'hui, arrachés à leurs rêves «éveillés» pour se réveiller en plein cauchemar, les Algériens découvrent, estomaqués, que pendant 60 ans ou presque, la rumeur était et est encore et toujours la seule diseuse de choses vraies... Aussi vrai que la nature ne s'accommodera jamais du vide, un escalier ne peut jamais être balayé par le bas !