C'est jour
de paye, tous les jours à la poste et ses sous-traitants. Et chaque jour qui se
lève dans cette contrée qui évolue avec l'expression populaire « avancez à
l'arrière ! », le paysage postal demeure mélancolique. Il reste figé dans son
passé routinier. C'est la même « bosta » de jadis,
puisqu'elle n'a pas changé dans son image avec le temps qui s'écoule lentement
devant ses portes, avec toujours les mêmes files d'usagers qui ne cessent de
s'allonger et de se prolonger dans la durée pour les utilisateurs de cette
institution étatique. Les malheureux usagers sont obligés de poireauter en se
rangeant dans de longues colonnes de personnes et attendre leur tour pour
retirer leur argent mouillé par la sueur. Les usagers ne savent plus à quel
saint se vouer ni sur quel pied danser. Mais en attendant, tous les jours, ils
font le pied de grue devant la poste pour espérer retirer leur argent avec
grande angoisse. Les distributeurs (DAB) de billets de banque de la poste ou
des banques privées ou publiques sont pris d'assaut par les lève-tôt. Les
guichets automatiques sont à sec et ils sont fâchés avec leurs utilisateurs qui
les accablent. Les machines sont submergées. Les files se faufilent en spirale
tout le long des murs et elles se croisent aux coins des différents
distributeurs. Des chaînes qui avancent en parallèles sur plusieurs mètres sur
les trottoirs et qui ferment et bloquent le passage aux piétons. Une chaîne
humaine constituée de vieux retraités, de jeunes fonctionnaires et de femmes de
tous âges sont au garde-à-vous dans ces files qui n'ont pas de fin. On trouve,
au milieu de ces files, des gens usés par le travail, des malades qui marchent
à l'aide de béquilles ou de cannes, de vieilles femmes au bord de
l'évanouissement, des gens qui râlent au milieu de la file d'attente, parce que
la chaîne n'avance pas rapidement. Ces chaînes sont multidimensionnelles. Faire
la chaine, c'est prendre son mal en patience et attendre calmement son tour au
bout d'une file d'attente paresseuse pour être servi. Généralement la chaîne
administrative nous accueille dès que l'on franchit le seuil de la porte
d'entrée. Juste avant d'arriver au guichet immédiat. Pour cela, avant de faire
la queue, il faut faire un petit tour d'horizon avec les yeux discrètement,
faire un balayage, pour choisir la file la plus courte et celle qui avance le
mieux. Aussi, il y a des gens qui ne sont pas très respectueux de cette
organisation et se croient être plus malins que les autres, contournant ce
passage obligé. Ces individus n'hésitent pas à utiliser tous les subterfuges
pour être servis avant les autres. Voir une chaîne d'usagers, dehors, devant un
établissement ou à l'intérieur d'un service public est un constat amer et un
signe d'échec dans l'organisation et le fonctionnement de l'administration.
Les portes
d'accès principales de la poste sont closes depuis que cette crise de
liquidités s'est installée. Seule une petite porte est ouverte pour laisser
passer au compte-gouttes les usagers dans une sorte de goulot d'étranglement.
Pour encaisser son argent, il faut passer par deux chaînes pour arriver devant
le guichet payeur de la poste. Une première file d'attente externe le long du
mur de la poste et une deuxième file interne devant les guichets immédiats. Les
usagers ont appris la leçon par cœur, ils sont patients devant les guichets et
les distributeurs même si les caisses sont vides. Devant cette malchance qui
nous poursuit durablement dans le temps, les gens sages se sont toujours
contentés de : « Wine ma l'hague
kheir yenfaa ».