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Les journaux ont jusqu'au 31 décembre pour s'y conformer: 15 critères pour bénéficier de la pub de l'Etat

par G. O.

En attendant la promulgation d'une nouvelle loi, les éditeurs de journaux ont pris, hier, connaissance des critères «transitoires» que l'ANEP leur imposera à partir du 1er janvier 2021 pour pouvoir bénéficier de la publicité.

L'entreprise nationale de communication, d'édition et de publicité (ANEP) a présenté, hier, aux patrons de la presse écrite «les critères transitoires d'attribution de la publicité » pour, dit son PDG, «un nouveau partenariat ». Les propos du ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement sont plus clairs au sujet du fonctionnement de l'ANEP. En précisant que le ministère n'est pas la tutelle de l'entreprise, Belhimer affirme toutefois que «nous sommes le seul propriétaire d'une entreprise autonome responsable juridiquement de ce qu'elle prend comme décisions ». L'ANEP, dit-il, « est le régisseur exclusif de l'Etat dans un pays où la demande publique représente le premier moteur de l'investissement et de l'activité économique ». Il estime que « c'est à travers la liste du produit publicitaire que se précisent le rôle et la place des appels d'offres et des transactions publiques ». Il explique qu' «à partir du 1er janvier prochain entrera en vigueur une mesure d'échange commercial et de partenariat nouveau dans un cadre juridique obligatoire ». Cadre qui codifie, selon lui, la relation contractuelle entre l'ANEP et les éditeurs de journaux sur la base de trois facteurs, « tout est possible dans le cadre de la loi au regard de l'article 59 du code civil qui stipule que le contrat conclut des volontés concordantes sans porter atteinte aux règles juridiques; la pratique sereine des libertés grâce à la réhabilitation du concept de responsabilité, le passage immédiat de la presse papier vers la presse électronique ». Le ministre a noté que « de 2010 à ce jour, on a enregistré 80% de baisse en papier journal au niveau des imprimeries, parce qu'entre 17 à 21 millions lisent les journaux sur internet ». Il dénonce au passage « la vente au kilo de certains journaux à l'intérieur même des imprimeries (...) ». Il pense que « si nos universités sont mal classées c'est parce qu'elles n'ont pas de plate-forme numérique pour publier leurs recherches ».

«Conditionnalités» pour la publicité à la presse écrite

Le ministre rappelle qu'il a remis au gouvernement un projet de loi relatif à la presse électronique et un autre sur l'élargissement des prérogatives de l'ANEP (à la presse électronique).

Le ministre a fait savoir que « l'ANEP a fini hier (dimanche) d'apurer ses dettes qu'elle avait vis-à-vis des journaux, elle a procédé à l'assainissement de toutes ses créances qu'elle détenait sur les journaux». Il prévient que « nous continuerons à assainir ce secteur sensible pour mettre un terme aux pratiques en contradiction avec la profession(...), notre objectif est que le journalisme soit pratiqué par des journalistes ». Le PDG de l'ANEP avoue qu' « on vit une situation financière difficile (...), les caisses sont presque vides mais on a fait des efforts pour apurer nos dettes ».

Qualifiés de « conditionnalités » par Belhimer, les critères édictés par le gouvernement aux patrons de la presse écrite pour prétendre à la publicité sont au nombre de 15 à savoir «avoir un registre de commerce, disposer d'un agrément du ministère de la Communication, déclaration d'existence/impôts, extrait drôle apuré (trois mois), attestation NIS/NIF (numéros d'indentification statistique et fiscale), situation vis-à-vis de la CNAS, tirage, la nature du journal (local, régional ou national), création de journaux (un seul pour une même personne morale), corruption «la poursuite du directeur de la publication pour corruption peut engendrer la suspension de la pub pour le même motif (article 9 du code pénal) », prête-nom, diffamation « ne pas faire l'objet d'une condamnation infâmante (article 23 du code de l'information), taux de la publicité attribué à une édition « qui ne peut dépasser le 1/3 de pages de l'édition article 28 du code de l'information), respect de l'éthique, publication des comptes sociaux annuels, nature de l'édition qui «ne doit pas être d'un parti ou de toute organisation partisane ou associative ».

Après lecture de ces 15 critères par Larbi Ounoughi, PDG de l'ANEP, certains éditeurs de presse (qui étaient au nombre de 17 pour cette première conférence sur la publicité) ont réagi parfois étonnés.

«C'est de la censure»

C'est le cas de Ali Djeri qui a lancé « c'est une relation commerciale ce n'est pas une aide, les institutions et les d'entreprises sont libres de placer leur pub là où elles veulent, vous dites que ce sont des critères transitoires mais ils posent un problème, je ne comprends pas pourquoi la pub est interdite en cas de diffamation par le journal, il y a des institutions qui sont chargées de réagir à la diffamation, pas l'ANEP (...), je ne vois pas non plus la relation entre la pub et l'éthique ». Hada Hazem ira dans le même sens en estimant que « pour moi, il faut supprimer tout ce monopole que détient l'ANEP sur la pub et laisser chacun travailler comme il l'entend ». Belhimer réagit « le monopole a été supprimé, aujourd'hui nous voulons organiser le secteur public dans un cadre concurrentiel, on doit rationnaliser les ressources publiques, il y a 50% de trabendo dans le secteur de la presse, on doit mettre fin à cette anarchie, on veut interdire l'attribution de la pub sur la base de relations personnelles, du clientélisme (...) ». Hazem revient à la charge «dans l'ANEP, il y a aussi du copinage (...) ». Djeri reprend la parole et persiste en soutenant que «il y a la responsabilité personnelle de l'éditeur et la responsabilité morale du journal, pourquoi quand un éditeur est condamné pour diffamation, le journal n'a pas droit à la pub, en quoi les journalistes sont responsables des dépassements de leur patron, pourquoi vous sanctionnez toute l'entreprise? Qui détermine quoi, la justice, le responsable politique ? Une dictature c'est mieux qu'une anarchie totale mais c'est une forme de censure, il y a une arrière-pensée, on a remplacé l'acte politique de censure par cette méthode ». Belhimer répond « ce sont des dispositions juridiques légales, le casier judiciaire de l'éditeur compte ».

Les journaux ont jusqu'au 31 décembre pour se mettre « à niveau » de ces critères. « On n'est pas contre les bailleurs de fonds mais l'agrément doit être au nom d'un homme de la presse », donne comme exemple Ounoughi. « Avant, vous ne pouvez pas me demander des comptes sur la pub, aujourd'hui, on vous en donne les moyens que ce soit pour le public ou le privé ». Le ministre a prévenu que la prochaine étape « d'assainissement » concernera les agences privées de publicité. « Nous voulons éviter le monopole et préserver un marché de publicité ouvert pour une concurrence loyale, on a aussi besoin d'une pub de proximité, ou spécialisée », a-t-il dit.

Le ministre a, par ailleurs, fait savoir aux éditeurs que « les tarifs de la pub vont être unifiés pour éviter les combines ». Les éditeurs de presse sont tenus de renouveler leurs conventions à partir de bases tarifaires qui leur ont été fixées sur trois paliers. «Le 1er palier est constitué de journaux qui ont moins de 4 ans d'existence ininterrompue, le 2ème inclut les journaux qui ont 5 à 15 ans d'existence et le 3ème inclut les journaux ayant 15 ans d'existence ». Le document remis aux éditeurs leur explique la nouvelle tarification de la pub et autres « délais de paiement, création d'une structure de photocomposition, relance des agences de publicité(...) à partir du 1er janvier 2021 ».