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![]() ![]() ![]() ![]() Mon douar
est un petit patelin perdu dans les méandres de l'isolement et de l'oubli
injuste. Ma bourgade poussiéreuse est méprisée parce qu'elle n'a pas de
véritables tuteurs qui la défendent. Elle étouffe depuis des lustres du déficit
de projets concrets et des inégalités sociales. L'injuste déséquilibre imposé
par le système l'a écartée des grands projets de modernité urbaine. Pour faire
taire les voix, on a construit hâtivement des cages-dortoirs tout autour de mon
douar qui ont détruit tout le beau paysage d'antan et
puis, ils les ont distribuées avec le tintamarre populaire habituel. Ces
extensions immobilières ont saturé la fluidité de la circulation est causé
beaucoup d'autres contraintes au bien-être des citoyens. Cela fait des
décennies que les portes du progrès ont été fermées sur mon douar, qui demeure
comme un rescapé figé d'un autre temps. Mon douar n'a pas l'allure d'une cité
moderne comme celles qui ont changé le monde. Ses routes et ses murs sont
délabrés et repoussants. Le creusement de la chaussée n'a pas cessé depuis le
jour du cessez-le-feu avant l'indépendance du pays. Dans mon douar, on suffoque
sous le poids de la médiocrité des gestionnaires municipaux qui ont peu
d'estime pour l'aisance du citoyen. Les morts-vivants qui habitent dans mon
douar, et qui n'ont pas la langue très remuante, sont insensibles à la quiétude
et à la qualité de vie qui leur sont imposées. Ils
sont sournois et pas très audacieux dans leurs actions de changement de
mentalités toujours stériles. Les gens de mon douar, sont un peu morts
moralement et physiquement depuis très longtemps. Seul le corps inerte, rode du
matin jusqu'au soir dans les espaces vides abandonnés au vent chargé de
poussière. Les cafés sont remplis de flâneurs, du matin au soir à la recherche
de la vivacité qui a quitté ces lieux, pour de meilleurs endroits. Les gens de
mon douar ressemblent à des zombies d'un autre temps. Ils marchent sans raison
précise dans les coins et les recoins du douar, d'où la vie heureuse s'est
échappée. Ils sont absents et perdus dans leur propre douar, qui ressemble à
une zone en quarantaine permanente. Les gens de mon douar, ne causent pas dans
un langage sensé et poli, quand ils conversent. Ils ne sourient pas entre eux
lorsqu'ils parlent de choses amusantes. Ils fument beaucoup pour noyer leur
tristesse morbide. Ils chiquent et crachent impoliment en face de leurs
semblables qui se désintéressent de toute civilité. Ils ne lisent pas beaucoup
de livres, ni de journaux, et ils ne vont pas dans des salles de spectacles
pour se défouler. Les « douaristes » sont fatigués de
cette vie qui ne veut pas changer du bon côté. Dans mon douar, il y aussi
beaucoup de voyous qui font la loi, ils se comportent étrangement quand ils se
battent entre eux, en gesticulant et en vociférant des insultes en public. Les
gens honnêtes de mon douar ont appris les leçons du passé, ils se taisent parce
qu'ils ont peur des représailles. Ils font le dos rond et s'occupent de leurs
affaires. Ici dans le douar, on ne cause pas beaucoup de choses taboues qui
peuvent engendrer des ennuis. Ils savent tenir leur langue quand il le faut.
Ils n'aiment pas montrer leur franchise, de crainte de rendre des comptes
devant ceux à qui cela ne plaît pas. Ceux qui n'ont pas accordé leurs violons,
et ceux qui les ont déjà accordés, ne se reniflent pas à cause des fausses
notes répétées dans ce grand orchestre qui tambourine pour les sourds et qui
danse pour les malvoyants. La vie burlesque dans mon douar a toujours été faite
ainsi, dans ce grand contenant de gens incompris par les « souloutate
» d'un autre temps. Ce douar est le mien, et c'est ma terre natale, j'y habite,
depuis ma naissance et je ressens les mêmes sentiments d'injustice que les
acteurs de ce texte...
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