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Tolérance «zéro» ?

par Abdelkrim Zerzouri

Fini la tolérance face aux manifestations populaires ? Si l'on se fie aux arrestations et les présentations devant les tribunaux de nombreuses personnes qui ont tenté de réchauffer la rue à travers plusieurs villes du pays, après une longue trêve imposée par la crise sanitaire, on ne peut que déduire un profond changement dans la manière de gérer le mouvement populaire, ou « Hirak ». Les pouvoirs publics ne s'en tiennent plus, apparemment, au rôle d'accompagnateur « passif » des manifestations populaires « pacifiques », comme ce fut le cas juste avant le confinement, à la mi-mars dernier, où les foules battaient le pavé sous la surveillance des cordons de services de sécurité déployés tout au long des parcours des marches. Maintenant, les services de sécurité adoptent une autre attitude, empêchant les marcheurs de se regrouper et d'investir la rue. Plusieurs tentatives de marches à travers quelques villes ont été empêchées par les policiers, qui ont opéré des arrestations dans les rangs des marcheurs qui défiaient les consignes de dispersion des rassemblements. D'ailleurs, toutes les personnes arrêtées, relaxées ou condamnées à des peines de prison ferme ou avec sursis au bout des procès ont comparu devant les tribunaux en citation directe sous les charges d'attroupements ou incitation à attroupements non autorisés, en sus d'autres griefs retenus contre certains, accusés d'émeute et affrontement avec les services de sécurité. On ne sait pas si ce durcissement est dû aux mesures préventives sanitaires, qui n'autorisent pas les rassemblements, ou s'il s'agit d'une position musclée et tranchée face au « Hirak », même avec la levée de l'urgence sanitaire ? Les prochaines semaines ou les prochains vendredis nous renseigneront là-dessus. Mais, si les signes d'un durcissement durable et déterminé de la position des pouvoirs publics face au « hirakistes » sont bien évidents, il resterait encore à connaître le développement de la situation sur le plan des mesures d'apaisement du climat social initiées par la présidence, dont la libération des détenus. Difficile d'envisager l'instauration d'un climat de détente quand ceux qui demandent la libération des détenus finissent par les rejoindre dans leurs cellules pour les mêmes motifs qui ont conduit à leur incarcération.

L'autre inconnue reste liée à la réaction des citoyens, seront-ils toujours nombreux à adhérer aux marches ou leur nombre enregistrerait-il une réduction qui signerait la fin du « Hirak » comme on l'a connu avant la crise sanitaire, pour ne rester qu'à ce stade de l'évaluation de la participation citoyenne ? L'engagement ou le désengagement des citoyens est un paramètre déterminant dans la réponse aux questionnements que suscite la poursuite du « Hirak » tel qu'il a été connu jusque-là, ou sa transformation en force « tranquille » d'opposition et de force de proposition.