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La galère de l'ONU en Libye

par Abdelkrim Zerzouri

La complexité du dossier libyen est bien étayée depuis le décrochage, au début du mois de mars, de l'ex-envoyé spécial de l'ONU, le Libanais Ghassan Salamé, le sixième consumé à ce poste sans permettre d'imposer l'agenda onusien, plaidant pour un règlement du conflit d'une manière politique, pacifique. Trois mois après son départ, l'ONU patine. Elle n'arrive toujours pas à désigner son successeur. Suivant le même scénario qui a abouti à sa désignation à ce poste au mois de juin 2017, après des mois de désaccord sur plusieurs candidatures entre les quinze pays membres du Conseil de sécurité, le successeur de Ghassan Salamé n'est pas encore connu.

Cinq jours seulement après la démission de Ghassan Salamé, le secrétaire général de l'ONU, a proposé l'ancien ministre des Affaires étrangères algérien Ramtane Lamamra, mais sa candidature, qui a fait consensus un temps, a été éloignée suite à un veto émis par un membre du Conseil de sécurité. Lequel veto « obéirait (...) à des considérations intérieures servant certains régimes, qui n'ont aucun intérêt dans le règlement du problème du peuple libyen », selon le porte-parole de la présidence de la République, Belaïd Mohand Oussaïd. Depuis c'est la galère de l'ONU. Le nom du Slovaque Miroslav Lajcak a été ensuite avancé, mais sans succès, car l'ONU a été devancée par l'Union européenne qui le nomme envoyé spécial pour le dialogue entre la Serbie et le Kosovo.

Deux autres noms de personnalités originaires de pays arabes circuleront dans les couloirs de l'ONU avant de tomber en disgrâce, celui du Jordanien Samir Habashneh et du Tunisien Khemaies Jhinaoui (ancien ministre des Affaires étrangères). Il y a eu également le nom du Mauritanien Ismail Ould Cheikh, ancien envoyé spécial de l'ONU au Yémen, qui a circulé comme potentiel successeur de Ghassen Salamé, mais le concerné a démenti et le gouvernement mauritanien a nié sa démission de son poste de ministre des Affaires étrangères en avril dernier. Et, dans le cours des évènements, il n'y a que les partisans de la guerre qui tirent leur épingle du jeu en Libye, «devenue un champ de bataille où un certain nombre d'acteurs extérieurs se servent des locaux pour faire avancer leur propre agenda national», selon le constat effectué par Smail Chergui, commissaire à la paix et à la sécurité de l'Union africaine.

Hors quelques intermèdes, marqués par de brèves trêves, la parole en Libye est aux crépitements des balles et des tirs de canons depuis 2011. Et, selon un avis du dernier envoyé spécial en poste, « la violence aux abords de Tripoli n'est rien d'autre que le début d'une guerre longue et sanglante sur les rives sud de la Méditerranée, qui met en danger la sécurité des voisins immédiats de la Libye et de la région dans son ensemble ».

Ces derniers jours, un nouveau nom proposé à ce poste semble trouver consensus au sein des membres du Conseil de sécurité, celui de la Ghanéenne Hanna Tetteh, actuellement représentante spéciale de l'ONU auprès de l'Union africaine. La confirmation de ce septième envoyé spécial en Libye sera-t-elle la bonne carte ? Réussira-t-on à débarrasser la Libye des immixtions étrangères perfides ? La mission reste des plus ardues.