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RENAISSANCE HUMAINE

par Abdou BENABBOU

Le Ramadhan est à nos portes. Il nous rejoint dans quelques jours dans notre embrigadement sans que nous sachions quelle nouvelle dimension il donnera à notre confinement. En fait, l'inqualifiable pandémie avait déjà suspendu sur les têtes, à mesure qu'elle progressait, un grand air ramadhanesque élargissant déjà le sens de la pénitence et de la retenue. Omra et pèlerinage cloîtrés, il est déjà dit que les longues psalmodies nocturnes seront envoyées aux calendes grecques et les fidèles jeûneurs se demandent comment, un mois durant, ils vont tuer leurs nuits.

Le plus embêté sera le gouvernement. Il lui sera difficile d'imposer à la population un état de siège qui ne dira pas son nom pour éviter qu'une large contamination ne prenne place et il est à craindre avec la bigoterie généralisée du moment que les demeures ne se transforment en mosquées. A la vérité et quand la panoplie des interdits où s'entremêlent dès la naissance les empêchements gravés par la culture, les us, les rites et les obligations imposées de tourner en rond, le confinement prend parfois un sens dérisoire. Si la misère et les difficultés de l'existence se joignent au lot, il perd n'importe laquelle des significations. Satané virus qui est allé jusqu'à barricader les temples de prières devenus pour de nombreux humbles des exutoires pour se rincer des mauvais et reprochables expédients ! Pourtant ce que l'on a convenu d'appeler le 19-7 heures doit tenir bon pour une tentative presque désespérée de sauver le maximum de ce qu'il y a à sauver. Aléatoire commandement au goût amer pour l'adolescent fils de chômeur qui n'a qu'un gourbi parental comme niche et qui doit, le soir venu, se concilier avec la rue et sa lune pour se réfugier dans la fumée des premières cigarettes. Nous comprenons et nous compatissons devant la fantastique entorse présente qui plus qu'elle ne ricane face à l'embarras sans demi-mesure des plus humbles se fait dénommer Méphistophélès. Diable invisible qui ne peut être combattu que par l'invisibilité de l'homme. Une mort d'un nouveau genre imposée mais qui peut semer l'espoir et l'envie d'une nouvelle renaissance humaine.