Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le flux et le reflux humain

par Abdou BENABBOU

Ce qui est drôle et nouvellement incongru dans la coulée folle du coronavirus est que des pays censés former ensemble une seule entité soient amenés à interdire mutuellement l'entrée à leurs ressortissants respectifs dans chacun de leurs pays. L'espace Schengen donne l'impression de rétrécir, et dans bien des régions il est drastiquement réduit au périmètre de chaque maison.

L'implacabilité du virus avec les angoisses et les drames qui l'accompagnent prête à constater une incroyable donnée inattendue, recommandant à un petit pays africain d'interdir l'entrée dans son territoire à tout Européen. Sauf vilaines cachoteries et rétentions de la vérité et de mauvaises nouvelles de la part des gouvernants d'Afrique, on est tenté de penser que l'exode infernal vers le Nord risque d'inverser le sens de son parcours et aussi incliner le président turc de tempérer sa véhémence dans le chantage qu'il déploie avec l'immigration. Les autorisations de circuler changent de mains et les visas d'entrée se perdent en conjectures pour dénicher d'autres raisons d'être. Ne voit-on pas déjà pointer une accalmie des expéditions des harraga, une mer Méditerranée ranger ses colères mortelles et les rives de la ville italienne de Lampedusa s'apprêter à somnoler ?

Dans son étalement pervers, le coronavirus aura le mérite de démontrer que toute l'espèce humaine est égale et qu'elle est assise sur un même parterre. S'il n'est en aucun cas ni séant ni intelligent de se réjouir devant le chagrin et les ennuis des autres, il faut bien reconnaitre que l'érection des murs et des barrières entre les hommes n'est que déraison face à la force de la nature et ses implacables raisons.

Le virus vient de prouver que limiter le sens accordé à la globalisation dans une espèce de carapace économique est un leurre, et que limiter la géographie au tracé des frontières est une hérésie. Il prouve que le contour des territoires n'est que virtuel, et l'évidence frappante démontre qu'il ne pouvait être que dans les cœurs.

Le flux et le reflux des humains est inscrit dans leurs gènes. Le monde depuis qu'il est monde a toujours été fidèle à son nom. Il ne doit sa raison d'être que dans la permanence de la transhumance de ceux qui l'habitent. Virus ou pas.