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Le sixième candidat

par El Yazid Dib

Les cinq proclamés officiellement tant par l'instance que par le Conseil constitutionnel ne vont pas disputer seuls ou entre eux le match qui va se dérouler dans un mois. Il y a, derrière, à l'avant, en leur sein, un autre plus global, plus confus. A lui seul demeurent dévolus et soumis l'avenir, son soleil et ses nuages.

Tous sont connus. Fichés et affichés. Les uns, en leur majorité, ont un âge qui chevauche les deux siècles. L'autre, le sien est une complétude, un perpétuel infini. Il a vu l'éternité naitre et était témoin du partage des continents.

En termes d'âge, les cinq s'associent pour avoir un capital chronologique ne dépassant pas les trois siècles et demi, tout an confondu, alors que lui se joue des enfances, des adolescences tout en apposant à ses actes de naissances l'éphéméride et toutes ses annales. Il est le temps, il est autre chose.

Ces candidats s'avancent dans des programmes dont le plus long ne peut se résoudre que dans un quinquennat, deux au plus, l'autre prend le sien, question durée dans les balbutiements de l'histoire et les racines du temps. Touts ces candidats, avenir national oblige, font le menu quotidien des palais, des chaumières, des rumeurs, des rubriques, des arrêts de bus et des secrets d'Etat. Chacun des cinq a ses porte-voix, ses amplificateurs, il a autant de critiques et de contradicteurs. L'on dit de l'un ou de deux être le poulain du système, des autres leurs sosies. Des fétiches de satisfaction d'un pouvoir en fin de jubilation. Qu'ils sont là pour entériner une parenthèse de l'histoire algérienne à vite oublier. Cette année-là, 2019, aurait été une déchirure dans le silence subi et une éclaircie dans les ténèbres provoquées. La décennie dite noire, la double décennie incolore mais douloureuse, frauduleuse, ne vont pas quitter de si tôt les mémoires éplorées, ni permettre à ces candidats de pouvoir réparer les affronts, les viols, les vols, l'esbroufe, le mépris et les œuvres maléfiques du clan.

Hormis l'ardeur timide de leurs fervents adeptes d'entre familles et proximité, il n'y a pas d'autres amours qui leur sont déclamées. L'opération d'enrôlement peine à entraîner des essaims ou re-convaincre des militants. Seuls quelques ternes biographies peu communes et sans s'empresser regagnent docilement certains quartiers généraux du groupe des cinq. Malgré l'annonce de quelques saveurs pour sauver la demeure, ces éléments d'un famélique menu électoral à la limite forcé par l'absence d'ingrédients forts, n'éveillent pas l'engouement vers le service à manger où nul appétit n'est ressenti.

Rien n'est dit dans leurs premiers verbes sur les aptitudes du hirak, ni sur la gabegie législative du gouvernement, sur la complaisance parlementaire, sur la justice des juges. Juste de la promesse de revoir le tout et de la critique à moitié mot du régime qu'ils croient abattre ou faire disparaître. Oubliant au passage ce sixième candidat.

Ce candidat-là n'a déposé aucun dossier. Il est sain d'âme et d'esprit, possède tous les diplômes imaginables, a participé à toutes les révolutions, les guerres, les révoltes, les soulèvements, les séditions, a combattu les envahisseurs et tous les conquérants. Il n'a pas rassemblé autant de souscriptions. Son CV n'est pas transcrit sur une feuille volante que l'on fait enjoliver par des légendes tirées par les cheveux.

Il est la légende.

Eux vont certainement débuter leur pèlerinage de campagne par des coups de charme et des yeux bleus. User d'un langage usuel, de paraboles obsolètes et de syntaxe plus vieille que le mode numérique. Si cela serait facilité toutefois par les caprices de la météo populaire qui reste imprévisible en pareils rendez-vous saisonniers. Tout se produirait dans des enclos comme un show privé. La politique des salles fermées, des rencontres ceinturées. Lui n'ira nulle part, il est partout, en plein air, car partageant toutes les portions du pays. Nonobstant sa candidature non déclarée, il est cependant en possession de sa carte d'électeur, de sa biométrie. Plus que ça, il est le fichier électoral, le registre de tout l'état civil. Il survivra au 12 décembre et debout le dépassera. Il est le peuple. Le candidat vainqueur des temps et de toute élection.