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Emploi : l'affaire de tous

par M .T. Hamiani *

L'impératif catégorique auquel doivent répondre les économies en développement est indubitablement celui de relever le défi de créer des emplois décents et durables pour le grand nombre de jeunes qui arrivent sur le marché du travail.

Le gouvernement qui partage ce souci majeur, a placé l'emploi au cœur de sa politique économique et sociale. Réaffirmant à chaque opportunité d'adresser aux jeunes la nécessité de la valorisation du capital humain, il s'est toujours engagé à soutenir toutes les stratégies et initiatives pertinentes visant à assurer aux forces juvéniles des possibilités réelles d'emploi productif. Ni la pauvreté, ni le chômage ne sont une fatalité.

Cette conviction qui doit être générale, n'a de sens que s'il existe une volonté politique à même d'inventer un avenir qui la confirme et qui dessine des perspectives heureuses en matière d'emploi et de formation dans les sillons des voies de l'espérance.

Elle a encore plus de sens si elle se dévoile et se traduit en actions ou actes concrets, lisibles et visibles, mis en œuvre sur une période déterminée et déterminante. Dès lors la nécessité d'une politique nationale de l'emploi s'impose et son opérationnalisation en découle.

Nul ne l'ignore, personne ne le nie, le chômage et particulièrement celui des jeunes constitue l'un des problèmes les plus aigus auxquels notre pays est confronté.

L'on sait aussi que non seulement l'emploi est un aspect fondamental de la lutte contre la pauvreté, mais aussi que l'accès à une source de revenus reste jusqu'à présent un mode d'insertion privilégié de la jeunesse dans la vie sociale et économique. Examiner en toute rigueur et lucidité les facettes de la situation de l'emploi et de la formation des jeunes dans notre pays, croiser et confronter les regards et les expériences, parvenir à dégager des orientations et des stratégies pour la mise en œuvre d'actions concrètes à la mesure des défis à relever, telles sont les ambitions de la politique de l'emploi appelée stratégie de l'emploi. Il ne s'agit en aucun cas d'un catalogue de recettes absolues à la question de l'emploi qui du reste n'est pas celle du risque du cercle. La complexité et la diversité du phénomène de chômage rendent illusoires tout ce qui s'apparenterait à des solutions définitives.

l Améliorer l'employabilité

L'employabilité revêt une triple dimension :

- la possibilité de s'insérer dans une entreprise qui a besoin de compétences ;

- la possibilité de créer son propre emploi, grâce à des compétences acquises dans un métier ;

- la possibilité d'être plus efficace et/ou plus productif dans l'exercice d'un emploi.

La question centrale qui est posée en terme d'action est de savoir comment le dispositif d'enseignement et de formation technique et professionnelle, envisagé dans sa globalité, répond à ces trois dimensions de l'employabilité. Comment faire en sorte qu'il y réponde mieux ? Les réponses à ces interrogations sont capitales pour la politique nationale de l'emploi.

En outre, le problème fondamental est celui de son adéquation avec les besoins d'emploi, actuels et potentiels, dans toute leur diversité. Dans cette perspective, la formation professionnelle et l'enseignement, à travers la formation initiale la formation continue, doivent obéir à deux principes :

l être accessible à tous, à la fois aux jeunes, aux femmes, aux personnes handicapées, aux chômeurs, aux analphabètes, aux déscolarisés, Ce qui implique une structuration pertinente et adaptée;

l répondre à tous les besoins que les formes et les situations d'emploi requièrent, au présent comme au futur : les métiers ruraux ou urbains, industriels ou commerciaux, les petits métiers, les différentes fonctions d'entreprise.

Accroître l'offre de formation

L'objectif d'accroissement de l'offre, pour être bien mené et correctement ciblé, implique de répondre à deux exigences :

- l'identification des besoins ;

- la connaissance de la demande.

L'identification des besoins est un instrument qui permet de définir la politique de l'éducation et de l'enseignement en termes d'efforts à entreprendre au niveau de l'offre quantitative, mais aussi qualitative. L'adéquation concrète et productive de la formation aux besoins des activités existantes passe par l'expression d'une demande à laquelle on peut répondre.

Améliorer l'offre de formation

L'offre de formation ne remplit sa fonction qu'à deux conditions :

- si elle est capable de doter le pays de compétences et de qualifications diversifiées qui permettent une dynamique de développement et d'émancipation par le travail ;

- si elle est en mesure de répondre dans de bonnes conditions de spécialité, de niveau, de qualité, de lieu aux besoins d'emploi actuels et potentiels tels que l'on a pu les repérer ou tels qu'ils se manifestent.

- La nomenclature algérienne des métiers et des emplois et la nomenclature de la formation professionnelle doivent servir le même déversoir : celui de l'emploi et de recrutement.

A cet effet, il sera nécessaire de se pencher sur les actions et avancées déjà entreprises et leurs enseignements de manière à en capitaliser les résultats.

Améliorer l'organisation et le fonctionnement du marché de l'emploi

L'amélioration du cadre social du travail constitue une des voies de concrétisation du principe de travail décent et participe au réalisme et à l'attractivité de cette politique.

Dès lors, la mise en conformité de la législation et des pratiques nationales avec les normes internationales du travail est une démarche sociale d'excellence ouverte sur de réelles potentialités partenariales. Les démarches d'amélioration du cadre social du travail devront épouser des approches valorisant les complémentarités entre les différents acteurs de la vie économique et sociale en Algérie.

Améliorer la gouvernance du marché de l'emploi

La gouvernance du marché de l'emploi transite principalement par trois canaux : la réglementation du travail, l'intermédiation entre l'offre et la demande d'emploi et le système d'information sur l'emploi et la formation.

Le cadre réglementaire édicte toutes les régulations, tous les droits et obligations des partenaires sociaux dans le travail, toutes les procédures à respecter. Il concerne essentiellement trois domaines : les règles sur les relations individuelles de travail, les règles sur les relations collectives de travail et enfin les règles établissant la sécurité sociale.

Il a une influence sur la dynamique des initiatives et des activités du secteur privé, mais également sur la productivité dans l'emploi, la qualité des emplois, l'équité de la gouvernance et la redistribution des richesses quand il est respecté. Mais il demeure largement un facteur parmi tant d'autres, spécialement pour ce qui concerne la dynamique du secteur privé.

Le code du travail à la faveur d'un processus participatif a pour objectif de l'adapter aux évolutions économiques et sociales du pays. Mais, en tant qu'outil de gestion du marché de l'emploi, le code du travail, même révisé, continue d'alimenter des points de vue divergents sur :

- le rôle des régulations ;

- l'impact de certaines dispositions, notamment celles qui touchent au recrutement, au licenciement ou à l'aménagement du temps de travail, dans l'optique de son influence sur la dynamique des activités et de l'emploi ;

- l'incitation aux affaires ;

- l'attractivité de l'Algérie pour les investissements surtout étrangers.

L'organisation de l'intermédiation

Même dans l'économie formelle, le placement organisé jouait un rôle très faible, en dehors du processus de recrutement dans la fonction publique. L'Agence Nationale de l'Emploi (ANEM) qui est la principale institution dont le rôle majeur est le placement, contribue de façon très évolutive au rapprochement de l'offre et de la demande.

L'ANEM développe à côté des activités de recrutement, d'autres activités connexes telles que la mise en œuvre du dispositif d'aide à l'insertion professionnelle.

Elle, au regard de ses attributions et de son implantation dans toutes les régions devrait pouvoir jouer un rôle plus important dans l'intermédiation. Les difficultés d'ordre règlementaire, organisationnel, et financier qu'elle connaissait ont pratiquement disparu après sa mise à niveau réussie.

L'intermédiation relève aussi de l'activité des agences de placement privées.

Evoluer vers le travail décent

Le concept de travail décent auquel la communauté internationale a adhéré dans le cadre de l'OIT est considéré à la fois comme un instrument de développement, un moyen d'épanouissement de l'individu au travail et un facteur de réduction de la pauvreté.

La politique en question est l'occasion de favoriser le respect des droits au travail, la protection sociale et le dialogue social qui sont les trois autres objectifs du travail décent.

Le renforcement et l'amélioration du système administratif et judiciaire pour le contrôle de l'application de la législation du travail

Globalement, le système administratif et judiciaire devra prendre en compte et accélérer la restructuration et le renouvellement des concepts en ce qui concerne la compétence de l'inspection du travail ; cela consiste à adapter l'organisation et la méthode à l'évolution générale des conditions de travail et des options économiques mais aussi, dans des aspects plus spécifiques, à l'application de la stratégie de l'emploi.

L'administration devra redéfinir le programme de formation des nouveaux inspecteurs et le programme de mise à jour des capacités d'adaptation et d'anticipation qu'exigent :

- de nouveaux types d'emploi (conditions de travail, poste et rémunération, contexte d'hygiène et de sécurité, horaires de travail, nouvelles formes de précarité) ;

- l'évaluation de la valeur fondamentale du travail (notion d'égalité de rémunération entre genre pour un travail de valeur égale, critères et méthodes de fixation des salaires minima, suivi de l'évolution du temps de travail et des heures supplémentaires dans l'intérêt de l'emploi).

La mobilisation des ressources tripartites, incluant les inspecteurs du travail, en vue d'assurer une mise en conformité de la législation nationale et de la pratique existante avec les normes internationales en matière d'inspection du travail, devra être engagée parmi les actions prioritaires.

L'administration en charge de l'inspection du travail devra adopter une approche systémique pour reformuler et résoudre le problème qui se présente actuellement comme une arithmétique sans issue d'effectifs et de moyens.

Travail décent

Le travail décent est au cœur du progrès économique et social. Il résume les aspirations des êtres humains au travail.

Il regroupe divers éléments : possibilité d'exercer un travail productif et convenablement rémunéré, sécurité au travail et protection sociale pour les familles, amélioration des perspectives de développement personnel et d'intégration sociale, liberté d'exprimer ses préoccupations, de s'organiser et de participer à la prise des décisions qui influent sur sa vie, égalité des chances et de traitement pour l'ensemble des femmes et des hommes.

Le renforcement de la protection sociale des producteurs et des groupes vulnérables

Dans le contexte actuel de précarité de l'emploi aggravé par la problématique d'accès aux ressources productives et aux services sociaux de base, la conception et la mise sur pied de nouveaux dispositifs de protection sociale ont leur place parmi les interventions entrant dans le cadre de la politique socio -économique du pays, surtout en faveur des groupes vulnérables.

Ainsi, il est opportun d'envisager et de prioriser les actions liées à :

- l'appui aux organismes existants pour mieux adapter leurs produits face à l'évolution du marché.

- la conception de nouveaux dispositifs de protection sociale en direction des communautés de base.

- le renforcement des actions de prévention contre les maladies en milieu de travail.

- Le gouvernement doit convoquer et parrainer une table ronde multisectorielle composée d'employeurs issus de divers secteurs afin de se donner un objectif ou un défi d'embauche, particulièrement à l'intention des jeunes vulnérables.

Les autres composantes du système formel, telle que la CNAS, n'en sont encore qu'à une couverture partielle des besoins du monde de l'emploi.

Les salariés temporaires et la majorité des saisonniers agricoles ainsi que les travailleurs du secteur informel, qui sont pourtant majoritaires dans l'effectif total des travailleurs, ne sont que faiblement touchés par des systèmes de protection sociale, Malgré un développement certain depuis des années, la population couverte reste encore faible et les systèmes sont confrontés à de multiples difficultés.

Devant une telle situation, il est primordial d'envisager l'élargissement du système de protection sociale. Une stratégie nationale de gestion des risques et de protection sociale est à élaborer et visera d'une part, à renforcer les régimes formels et d'autre part, à appuyer l'extension de la protection sociale vers les populations de l'économie informelle.

Ce faisant, il faudra tenir compte de la politique de généralisation en vue de toucher le monde rural et se concentrer sur la création de nouveaux produits par les organismes de sécurité et de protection sociale.

La consolidation du dialogue social, source d'efficacité de la politique de l'emploi

Le dialogue social est à la fois partie intégrante du travail décent et en même temps le cadre le plus approprié pour le faire avancer.

Le dialogue social est de pratique courante et l'Etat y est attentif. Il est un mécanisme efficace permettant de résoudre de manière concertée les problèmes au sein de la société. Cette politique devrait favoriser le dialogue social et contribuer à le conforter.

Outre tous les thèmes et interventions de cette politique qui pourraient nourrir le dialogue social, différentes questions, qui ont un lien avec la problématique de l'emploi, pourraient faire l'objet d'un dialogue social et/ou de mesures allant dans le sens d'un renforcement du dialogue social. A cet égard différentes questions sont évoquées soit par les organisations syndicales soit par les employeurs.

Il appartient à l'Etat, à travers les autorités concernées et en consultation avec les partenaires sociaux, de prendre les initiatives nécessaires et consensuelles pour consolider les questions évoquées, et la coopération tripartite.

Toutefois le dialogue social doit être l'occasion de traiter des questions socio -économiques qui gravitent autour du travail et de l'emploi et de formuler des options dans des démarches ou des mesures, notamment en relation avec les objectifs de la stratégie de l'emploi. Pour cela il est nécessaire de renforcer les capacités des partenaires sociaux par des actions d'information et de formation.

D'aucuns reconnaissent la faiblesse des capacités en matière de dialogue social qui est à l'origine des appréhensions et des divergences entre les partenaires sociaux. Cette faiblesse est particulièrement marquée dans plusieurs régions, aggravée par le manque crucial d'accès à l'information et l'insuffisance de communication entre les partenaires.

Le renforcement des capacités, la dotation d'outils institutionnels et la réalisation de campagnes de communication et d'information de proximité deviennent nécessaires pour l'amélioration du dialogue social en vue de permettre aux partenaires sociaux de réaliser leurs missions dans la mise en œuvre ultérieure de toute politique d'emploi.

Toutefois, ces appuis nécessitent au préalable le décloisonnement du secteur public, l'approche globale pour cerner les problématiques et une bonne coordination entre les différents secteurs. Pour permettre la maîtrise de la complexité de la problématique de l'emploi, il y a lieu de considérer le dialogue social comme un « principe de gouvernance » et de l'instaurer au niveau des ministères.

L'implication de tout le monde pour une meilleure représentativité dans le dialogue social permettra sans nul doute de renforcer les liens et les tissus entre les différents types d'entreprises (micro, petites, moyennes et grandes entreprises), en vue de mieux organiser les forces économiques et sociales dans la création de conditions de travail décent.

De nombreux programmes et mécanismes de soutien ont été mis en place pour aider les jeunes. Toutefois, l'offre n'est pas toujours aussi forte que la demande. Trouver les ressources adéquates dans le système peut demander beaucoup de temps et de connaissances.

Les processus d'aide à l'emploi demandent la collaboration de tous les secteurs, des employeurs, des syndicats, des établissements d'enseignement et de formation. La coordination est déficiente entre ces entités, et certains programmes se chevauchent et présentent des lacunes.        

Toute nouvelle stratégie aura comme mission d'aider les jeunes à obtenir l'information et à acquérir les compétences et l'expérience de travail nécessaires pour trouver une source de revenu stable et satisfaisante mais surtout repenser l'exécution des programmes actuels.

*Cadre du secteur de l'emploi