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Présidentielle: Un vrai spectacle de clownerie de cirque «Amar» à ciel ouvert

par Hakem Bachir

« Vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps. Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps. Mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps. » Abraham Lincoln

Commençons par énoncer les lois constitutionnelles d'éligibilité du président de la République algérienne.

Art. 86. - Le président de la République exerce la magistrature suprême dans les limites fixées par la Constitution.

Art. 8732. - Pour être éligible à la présidence de la République, le candidat doit :

- ne pas avoir acquis une nationalité étrangère ;

- jouir uniquement de la nationalité algérienne d'origine et attester de la nationalité algérienne d'origine du père et de la mère ;

- être de confession musulmane ;

- avoir quarante (40) ans révolus au jour de l'élection ;

- jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ;

- attester de la nationalité algérienne d'origine unique du conjoint ;

- justifier d'une résidence permanente exclusive en Algérie durant un minimum de dix (10) années, précédant le dépôt de la candidature ;

- justifier de la participation à la Révolution du 1er novembre 1954 pour les candidats nés avant juillet 1942 ;

- justifier de la non implication des parents du candidat né après juillet 1942, dans des actes hostiles à la Révolution du 1er Novembre 1954 ;

- produire la déclaration publique du patrimoine mobilier et immobilier, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Algérie. D'autres conditions sont prescrites par la loi organique.

Art. 88.33 - La durée du mandat présidentiel est de cinq (5).

À la lecture de ces articles, 70 % d'Algériens ne peuvent accéder à ce poste car l'une des conditions nécessaires est d'avoir plus de 40 ans donc tous ceux qui ont moins de cet âge ne peuvent prétendre à devenir président de la République algérienne (article discriminatoire pour les plus de 18 ans). (combien d'Algériens ont plus de 40 ans ?), ajouter à cela ceux qui n'ont pas la nationalité d'origine, ceux qui ont des conjoints étrangers, ceux qui ont un des parents étrangers et ceux qui ont plusieurs nationalités. Et sans risque de se tromper, seule une petite minorité de citoyens peut satisfaire à ces conditions d'éligibilité au poste de président de la République. Cela n'explique pas cet engouement de personnes inconnues, la plupart du temps, venues de nulle-part, sans aucun passé politique ou syndical ou intellectuel, inconnues même sur la scène nationale et souvent comiques à la prétention de devenir président de la République algérienne. C'est un véritable carnaval auquel on assiste, en Algérie, pour la première. Notre pays continue à être la risée du monde devant cet engouement. Notre pays, terre d'un million et demi de martyrs, l'Algérie ne mérite pas cela. Des questions se posent :

Qui sont ceux qui veulent insulter la mémoire de nos martyrs ?

Qui sont ceux qui veulent rabaisser le niveau politique du pays ?

Qui sont ceux qui veulent ridiculiser et banaliser notre plus haute magistrature ?

Qui sont les Algériens qui sont derrière cette mascarade ?

Qui sont ceux qui ont poussé le citoyen lambda au nom des critères de notre Nation qui sont : république Algérienne Démocratique et Populaire à se présenter.

Veut-on nous montrer que des élections libres et démocratiques, en Algérie, sont incontrôlables et donnent ces profils de prétendants à la présidence ?

Veut-on à travers ce folklore de prétendants à la présidence toucher au niveau de crédibilité de l'élection présidentielle?

Ce cinéma est le pire scenario auquel les Algériens pouvaient s'attendre. Personne ne pourra croire que ces pitres prétendants à la présidence l'ont fait de leur propre gré. Le rêve de devenir président est permis, mais oser se présenter sans programme, ni personnalité militante ni bagage politique et inconnu sur la scène nationale n'est pas un signe de démocratie pour le pays, mais plutôt d'insulte à celle-ci. On ne peut pas, du jour au lendemain, devenir président de la République. Il faut réunir quelques conditions indispensables, dans le but de devenir le futur président de la République et de disposer d'un solide bagage intellectuel et d'un diplôme pour se présenter aux élections présidentielles. Plusieurs études permettent d'accéder à la fonction suprême de chef de l'État.

Regardons le parcours de certains présidents français que tout le monde a connus :

Le parcours de François Hollande

Son parcours ne le prédestinait pas à devenir le septième président de la République. Il est passé par les écoles les plus prestigieuses, bien avant d'obtenir le poste de premier secrétaire du Parti socialiste. En effet, il a obtenu son diplôme à l'Ecole des Hautes Études Commerciales (HEC) Paris et à l'Institut d'Études Politiques de Paris. François Hollande est devenu le premier président issu d'une école de Commerce. Ses aptitudes au management et à la finance lui ont permis de rejoindre la plus haute fonction de l'État. Rares sont les énarques à avoir suivi des études à HEC.

Les études à HEC Paris

HEC Paris est une véritable institution : l'établissement appartient au cercle fermé des Business Schools les plus réputées dans le monde. Elle forme les futurs dirigeants de grandes entreprises en mesure d'influencer leur environnement.

Le parcours de Valéry Giscard d'Estaing

Les études supérieures de Valéry Giscard d'Estaing débutent par son entrée dans une classe préparatoire au Lycée Louis-Le-Grand. Il participe à la Libération de Paris et préfère effectuer des études à Polytechnique avant d'intégrer un nouvel établissement appelé École Nationale d'Administration (ENA), sans passer de concours. Sorti sixième de l'ENA, promotion Europe, il entre à l'Inspection Générale des Finances et poursuit pendant un temps une carrière administrative.

Les études à l'ENA

L'ENA est une école qui se donne comme vocation de former les hauts fonctionnaires de l'État français. L'établissement représente une véritable institution depuis sa création, en partie due à son concours d'entrée et la création d'un classement entre les étudiants.

Les autres anciens présidents passés par l'ENA

Voici la liste des autres anciens présidents de la République passés par l'ENA :

François Hollande (promotion Voltaire)

Jacques Chirac (promotion Vauban)

Le parcours de Georges Pompidou

Georges Pompidou commence ses études supérieures en rejoignant les classes préparatoires littéraires à Toulouse puis Paris. Il intègre l'École Normale Supérieure (ENS) et devient cacique en étant reçu premier à l'agrégation de Lettres. Cette distinction le fait hésiter entre une carrière dans la haute Fonction publique ou dans les Lettres (il a exercé le métier de professeur d'hypokhâgne). Une amitié créée pendant sa formation à l'ENS lui offre un poste de chargé de mission pour l'Éducation nationale et devient « l'agrégé de Lettres sachant lire et écrire » du Général de Gaulle.

Les études à l'ENS

ENS est un établissement supérieur d'élite et constitue un haut lieu de la recherche. Cette grande école forme les meilleurs enseignants-chercheurs et prépare les normaliens à un large choix de carrières dans les secteurs public ou privé.

Le parcours de Charles de Gaulle

Charles de Gaulle est le premier président de la Ve République à commencer ses études en se dirigeant vers une carrière militaire. Il rejoint l'École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, prestigieuse école qui forme l'élite des officiers de l'Armée de Terre. Charles de Gaulle opte pour l'infanterie et fait partie de la promotion Fez. Ses premières expériences militaires le conduisent à devenir un élève officier du 33ème Régiment d'infanterie d'Arras sous les ordres du colonel Pétain. Il abandonne progressivement les armes en s'intéressant aux affaires de l'État et aux liens qui unissent l'armée et la politique. Il est ensuite affecté au secrétariat général de la Défense Nationale.

Les études à l'ESM St-Cyr

Les étudiants issus d'ESM St-Cyr sont destinés à diriger des unités opérationnelles de l'Armée de Terre. L'enseignement proposé par cette grande école allie une formation humaine, militaire et académique.

Le parcours de Nicolas Sarkozy

L'ancien chef du gouvernement Nicolas Sarkozy a obtenu une maîtrise de droit privé à l'Université Paris X Nanterre. Titulaire de ce diplôme, il décroche son certificat d'aptitude à la profession d'avocat puis un diplôme d'études approfondies (DEA) dans son domaine de prédilection : les sciences politiques. Il décide de passer le CAPA (certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat). Son penchant pour la politique va couper court à sa carrière d'avocat qu'il exercera pendant une courte période. Nombreux sont ceux à s'être intéressés au domaine juridique et qui sont ensuite devenus présidents de la République.

Les études à l'université de Droit

La faculté de Droit permet aux étudiants de découvrir progressivement l'univers juridique. Elle dispense un apprentissage de la méthodologie inhérente aux disciplines juridiques. Après une première année de licence, il faudra faire un choix entre le Droit privé et le Droit public.

Les autres anciens présidents passés par l'université de Droit

Voici la liste des autres anciens présidents de la République passés par l'université de Droit :

Raymond Poincaré

Adolphe Thiers

Paul Doumer

Jules Grévy

René Coty

J'ai pris comme exemples certains présidents français, car c'est l'histoire qui nous a montré qu'on s'est toujours référé sur ce pays sauf en ce qui concerne le point le plus important celui de président de la République. Aujourd'hui, il n'existe pas de prétendant à la présidence, moudjahid et diplômé ayant moins de 80 ans. (car avoir 20 ans en 1954, c'est être âgé en 2019 de 85 ans).

Donc comme on peut le constater, en France pour accéder à la présidence, il faut avoir un bagage intellectuel et un vrai diplôme. Alors que dire chez nous, plus de 99 % des prétendants à la présidence en Algérie n'ont aucun bagage intellectuel, ni de grands diplômes de grandes universités ou de grandes écoles, ni de programmes sur la base, ils peuvent être élus.

Aujourd'hui, en 2019, 57 ans après notre indépendance n'a-t-on pas droit enfin à un président issu d'une grande Ecole internationale, militant, politicien né après 1962, n'ayant pas mangé dans la grande soupe, capable de faire la rupture, présentant un vrai programme algérien sur l'Economie, l'Agriculture, les Finances, la Santé, l'Education et la Défense, n'ayant jamais fait, un jour, partie du système ni enfant de celui-ci, pouvant nous faire rêver les générations à venir et faisant revenir les enfants de l'Algérie qui ont quitté leur pays. Cet engouement de n'importe qui vers la présidence est un autre moyen de pousser les quelques nationalistes qui restent dans le pays, à le quitter, car le changement n'aura pas lieu. Tous les optimistes de l'élection de 2019 pour une Algérie nouvelle, ouverte, riche, démocratique, contre le régionalisme, de rupture avec les méthodes du passé, sans l'oublier, forte économiquement et politiquement commence à en douter fortement. Nous avons besoin d'un président capable de rassembler tout le monde idéologiquement et régionalement. Nous n'avons pas besoin d'un arabe contre l'amazigh ou d'un amazigh contre l'arabe, nous avons besoin d'un président au service du peuple avec toutes ses couleurs régionales, religieuses, linguistiques, jeunes capables de faire rêver toutes les générations, capable de faire la rupture avec la légitimité historique, car celui qui est né en 1962 a 57 ans,aujourd'hui.

C'est cette légitimité historique, portée par les plus de 70 ans et utilisée par certains qui a barré la route à des centaines de milliers de personnes compétentes algériennes plus nationalistes que celles qui prétendent être plus légitimes, de quitter leur pays et qui n'ont jamais changé leur nationalité. Alors messieurs, prenez tout l'argent que vous voulez, toutes les richesses, mais laissez-nous l'Algérie pour qu'on puisse la bâtir sur de vraies bases, mais non sur des mensonges, laissez-nous choisir, un président digne de plus de 42 millions d'habitants ou plus de 80 % sont nés après 1962. Une minorité ne peut diriger une majorité, ne nous traînez pas dans la mare avec cette élection présidentielle, laissez-nous rêver et ne nous décevez pas, encore une fois. La mer a avalé beaucoup de nos jeunes compatriotes et vous en êtes responsables. Ayez pitié de ces mères qui pleurent leurs enfants morts en mer, de ces jeunes Algériens sans toit, ni soins, ni éducation. L'histoire ne pardonne pas et notre destinée est tracée alors si vous ne pensez pas à nous, pensez à vos enfants, car tout l'or du monde que vous laisserez ne remplacera pas les écrits ou les racontars qu'ils liront ou entendront. Arrêtez de banaliser et de ridiculiser le pays, à travers des personnages prétendants à la présidence sans aucun profil. C'est un vrai spectacle de cirque Amar' auquel ont eu droit les Algériens.

Dès l'annonce, c'est une ruée de prétendants de tous profils. Chômeur, fonctionnaire, cadre, commerçant, ingénieur, président de partis sans adhérents, entrepreneur? Soit au total, plus de 60 prétendants à la candidature de président de la République se sont déclarés. Nous avons eu droit à un vrai spectacle de clowns, avec tous mes respects pour ces artistes, qui est présenté aux Algériens, qui ne croient pas à leurs yeux. Comment peut-on tomber aussi bas ? Est-ce que le peuple mérite de voir une telle clownerie ?

Conçue comme un rêve pour certains, une aspiration pour d'autres, la présidence de la République constitue la plus grande instance de pouvoir dans un Etat de droit. Mais, aujourd'hui, nous sommes en train d'assister à une sinistre farce télévisée rassemblant des centaines de prétendants qui n'ont :

Aucun projet de nouveau modèle de société ou de gestion rigoureuse et pragmatique.

Aucune qualification de base telle que : la maîtrise de tous les grands sujets politiques et économiques (la culture) ainsi qu'une expérience de l'exercice du pouvoir.

Aucune expérience pour faire face à une situation grave et imprévue (troubles sociaux, terrorisme de masse), car un dirigeant doit y être capable de le faire .

Ces critères de choix ne sont certainement pas suffisants, mais ils permettent de faire un tri efficace. La saison des prétentions de candidatures à l'élection présidentielle est ouverte. Pour l'instant, on n'a pas réussi à voir surgir les vraies raisons d'être de ces prétendues candidatures, sinon des ambitions personnelles, ou un soi-disant dévouement à la cause nationale. Mais ces personnes ne savent même pas que choisir un candidat, c'est choisir un programme et un profil psychologique. Un président de la République incarne la Nation, doit sans cesse penser à la trace de son action dans l'histoire de l'Algérie, passée et future, doit avoir un caractère solide, une grande capacité de travail, s'habiller de façon élégante, s'exprimer dans une langue nationale officielle sans faute, parler au moins parfaitement plusieurs langues étrangères, avoir une capacité à ne pas mentir à lui-même, à garder un secret, à travailler en équipe, mais à décider seul, sans le faire en fonction de ses intérêts propres ou de rancunes personnelles ; doit être capable de ne pas se mêler des détails, s'en tenir à de grandes directives, et seulement corriger les ministres quand ils s'écartent de la ligne qu'il a tracée pour le pays, doit avoir aussi une grande connaissance des sujets les plus essentiels pour l'incarnation de la Nation (problèmes militaires, financiers, éducatifs et sociaux), devra être capable de créer un consensus avec l'opposition sur les grands sujets de Défense et de Finances publiques, doit avoir une grille de lecture des événements qui nous attendent, et en particulier des conséquences de la crise financière, qui ne peut manquer de revenir, et qui exigera des décisions, nécessairement, impopulaires.

Un président, aujourd'hui qui ne saurait répondre lui-même à ses e-mails, envoyer un tweet ou naviguer sur Google serait, aujourd'hui, incapable de comprendre le monde. Pour avoir ses qualités, un candidat à la présidence de la République ne doit, donc, pas nécessairement avoir été ministre. Au contraire, même, cela pourrait fausser ses réactions, en le ramenant à des considérations de détail. Il doit être jeune pour être supporté par toutes les générations, pour suivre tous les développements technologiques et être à jour. Alors peut-on donner les rênes d'une nation à n'importe qui. Nous avons l'impression que cette caricature de prétention de candidature à l'élection présidentielle n'est pas innocente, mais ne devrait pas nous surprendre, il suffit de voir le niveau des députés qui siègent dans nos assemblées populaires, dans les communes ou les wilayas ou même dans l'APN ou au Sénat. Ce spectacle de cirque nous interpelle sur les droits de démocratie et de liberté des élections. L'espoir de jours meilleurs en Algérie, est-il fini en Algérie ? La joie vécue par l'annonce de la date de l'élection présidentielle s'est transformée en tristesse.

« Pauvre Algérie ». L'élection présidentielle est une occasion pour le peuple, car c'est le seul moyen de changement. Nombreux sont ceux qui ont pensé que le flambeau allé être remis par les moujahidines à la nouvelle génération, mais le scénario auquel nous avons assisté, est décevant. Par respect au peuple, les chaînes de télévision pouvaient se passer de présenter ces personnes, au moins jusqu'au jour où elles auront réuni les 60.000 signatures. Cette clownerie poussera encore plus le peuple à se désintéresser de cette élection et le retour de confiance du citoyen au politique est reporté aux calandres grecques. Le prix de cette clownerie coûtera cher car nous aurons sûrement plus de 100 prétendants qui utiliseront chacun au minimum 60.000 formulaire à raison de 5 DA l'un, c'est-à-dire par une simple opération arithmétique, représentera 60.000 x 100 x 5=30.000.000 DA au minimum avant le début des élections et d'ici le 03 mars 2019, ce chiffre est appelé à augmenter. Combien de prétendants à la présidence seront-ils d'ici le 03 mars 2019 ? 100, 200, 300, 1000? Telle sera la question, mais rien ne doit plus nous surprendre, car nous n'avons plus aucun repère aussi bien politique, social que de citoyenneté. C'est l'anarchie à tous les niveaux en l'absence de tout principe. Le poste de président de la République obéit partout dans le monde à certains critères qu'on ne peut ignorer.

« L'honnêteté, la sincérité, la simplicité, l'humilité, la générosité, l'absence de vanité, la capacité à servir les autres - qualités à la portée de toutes les âmes- sont les véritables fondations de notre vie spirituelle. » Nelson Mandela