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Défaitisme

par Mahdi Boukhalfa

A tous les niveaux, c'est un effroyable climat de sinistrose, qui semble broyer autant les Algériens que leurs institutions, les partis et au-delà les centres de décisions. Les derniers événements qu'a connus le pays, à l'instar de la manifestation mardi à Béjaïa contre les investissements bloqués, ces cris de colère des jeunes contre la mort de harraga, les critiques des experts sur la politique économique sans âme du gouvernement, ou ces «warnings» de PDG sur la situation financière de leurs entreprises, montrent à quel point le pays a besoin de «redémarrer» sur de nouveaux objectifs politiques, sociaux, économiques également.

Sinon de faire le point, en urgence, sur une situation catastrophique à tous les points de vue, autant sur le plan économique avec un arrêt inquiétant de la croissance, politique avec la dangereuse tournure qu'est en train de prendre la prochaine élection présidentielle, et social avec un pouvoir d'achat laminé par une inflation et une sourde baisse du niveau de vie des Algériens. Le pays donne cette dramatique impression qu'il évolue au ralenti, qu'il vit une transition qui tarde à s'achever, et, surtout, que les décisions politiques pour passer au plus vite cette traumatisante période tardent à être prises. Le gouvernement, en cachette, a recouru encore au financement non conventionnel, sans avertir l'opinion publique, comme s'il est acculé par une situation financière catastrophique. Sur le front politique également, aucune embellie. Pis, les horizons se sont assombris avec ces appels du pied insistants de partis de la majorité pour un report de la prochaine élection présidentielle. Comme s'ils ont le droit d'aller à une éventualité, qui n'a pas été prise en compte par la Constitution, ou prendre en otage une opinion publique, qui ne croit plus depuis longtemps aux miracles, encore moins les partis de l'opposition, tiraillés entre le devoir de protester, ou adopter la politique ambiante, celle d'un grand et pathétique nihilisme, qui a submergé tous les pans de la société algérienne. Le climat social et politique est tellement stressé, angoissé, que pratiquement un Algérien sur trois ne se projette plus dans le pays, alors que les partis, dont c'est le rôle de mobiliser, restent absents, tétanisés par une actualité politique qui a dérouté tous les scenarii. Penser à reporter une échéance politique aussi importante qu'une élection présidentielle, c'est prendre en otage tous les acteurs politiques et sociaux, les mettre devant une évidence pas tellement rassurante. Et, surtout, qui a la fâcheuse perspective de maintenir plus qu'il n'en faut dans la position «pause» le pays. Le rappel des troupes au sein du FLN, l'appel à une conférence nationale pour le consensus, ou celui pour reporter l'élection présidentielle, sont des signes qui ne trompent pas sur le fait que le pays tourne en rond, sans trouver une voie, une issue, qui balise la voie à un atterrissage en douceur, après le 19 avril prochain.

D'autant que les clignotants sur le plan financier ne sont pas au vert, loin s'en faut, et le calme relatif à ce niveau n'est assuré que par la «planche à billets». Et, pour corser l'addition, un fort marasme social balaie le pays, au point que les jeunes et les diplômés ne s'y projettent plus. Ce qui est fatalement dommageable pour une politique sociale désastreuse du gouvernement et ceux qui l'ont précédé, et surtout, un avertissement aux partis et aux politiques que le pays a un besoin urgent de sursaut, d'une reprise en main, qui ramène la confiance, et débloque les horizons des Algériens. Loin des querelles de chapelle autour de la prochaine présidentielle, qui ne devrait pas servir d'alibi pour alimenter ce climat de défaitisme.