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Europe- Brexit: le choix du «concubinage»

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

  A défaut d'un divorce immédiat, la Grande-Bretagne et l'UE se sont entendues pour un régime transitoire de «concubinage». A quel prix ?

Finalement le divorce entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne (UE) se termine en une sorte de concubinage afin de préserver l'essentiel: la rente du patrimoine accumulé durant 45 ans de vie commune pour les deux parties. Ainsi donc, Britanniques et Européens continueront sur le même régime d'échange et coopération économique et financière jusqu'en 2020 -22, le temps de négocier de nouvelles règles d'échange commercial et financier et les droits de circulation et d'établissement des citoyens de part et d'autre de la Manche. Le futur du cadre de coopération entre les deux parties ne peut échapper à la logique libérale du marché mondial au sens capitalistique du terme, où le dernier mot revient aux entreprises, trusts, multinationales et banques en tout genre et en tout domaine. Au bout du bout du feuilleton du divorce ou «Brexit», rien ne changera pour les agents économiques en termes de rentabilité parce que tous les risques de pertes de plus-value pour les entreprises seront reportés sur les prix à la consommation des citoyens britanniques et européens. Autrement dit, les futures taxes douanières payées aux Etats seront reportées sur les prix à la consommation. Par conséquent, les Britanniques qui croyaient gagner plus en quittant l'UE paieront plus et se retrouvent victimes de leur gourmandise et égoïsme. Les Européens en pâtiront moins parce qu'à vingt-sept membres, la charge des taxes sera moins pénible et mieux partagée et diluée dans leur marché commun.

Paradoxalement, la question migratoire, qui a été la raison principale qui a poussé les Britanniques dans l'aventure du divorce parce que, croient-ils, mal gérée par l'UE et coûteuse à leur économie et pouvoir d'achat, leur revient comme un boomerang et certainement avec plus de dégâts dans leur porte-monnaie et leur confort de vie. Par ailleurs, en élevant une barrière économique avec l'UE, la Grande-Bretagne ne sera pas à l'abri des vagues migratoires qui écument ce vaste monde.

Les projections de tous les organismes internationaux de gestion de la migration indiquent une amplification des déplacements des populations du sud vers le nord. Le dérèglement climatique, l'échange inégal, les guerres et conflits, la misère et les violences que subissent bien des pays de l'hémisphère sud mettront des millions de personnes sur les routes de l'exil. Pour le seul horizon de l'an 2050, l'Organisation internationale de la migration (OIM), organe de l'ONU, estime à plus de 250 millions de déplacés et de migrants qui erreront vers le nord à la recherche de la sécurité. Aucune barrière naturelle ou humaine ne pourra stopper ce mouvement de populations, y compris les remparts de l'île britannique. Ayant saisi l'échec de leur projet de divorce sur le moyen et long terme, ses promoteurs et partisans, notamment les nationalistes et extrémistes de droite, déplacent la responsabilité de cet échec sur la négociatrice en chef, Mme Theresa May. Pour des raisons de politique interne et de course à l'audience électorale, des députés de son propre camp du parti conservateur lui collent l'échec sur le dos. Conservateurs, travaillistes et bien sûr l'extrême droite du UKIP (parti indépendantiste à l'origine de la revendication de divorce) font mine d'ignorer que dans ce divorce il y a les 27 autres Etats européens qui n'ont pas l'intention de céder aux seules conditions britanniques. L'UE a averti la Grande-Bretagne que l'accord sur le divorce entériné par le Conseil européen de dimanche dernier est définitif et non négociable. En cas de son rejet par le Parlement britannique, ce sera la séparation pure et dure, le «No Deal». La Grande-Bretagne ne pourra se permettre une telle issue sous peine de vivre une crise multiforme aux conséquences encore plus catastrophiques pour elle. Dos au mur, le Royaume-Uni n'a plus de choix: accepter la période de «concubinage» économique avec l'UE avant de trouver une autre forme de coopération avec l'UE. Mais quel que sera le futur cadre de vie avec l'UE, le Royaume-Uni ne sera pas plus heureux et surtout pas plus à l'abri de la problématique de la migration, c'est à dire la raison de sa fuite de la maison commune européenne.