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A ceux et à celles qui, du haut de leur donjon, méprisent leurs semblables

par Farouk Zahi

«Tirer vanité de son rang, c'est avertir qu'on est au-dessous.» (Marie Leszcynska)

Le courriel ci-après, adressé par le service social d'un grand  hôpital parisien à une maman algérienne et dont l'enfant malade était attendu pour hospitalisation, laisse rêveur. Nous citons :

«Le 29 août 2017 13:59, «Maison des Familles Necker» <mf-necker75@orange.fr> a écrit :

Chère Madame?

Vous allez donc arriver sur Necker le dimanche 3/9 prochain pour séjourner à la maison des familles 2 nuits. Merci de noter la procédure pour arriver chez nous : notre bureau est ouvert dimanche de 17h à 20h, la responsable sera là pour vous accueillir : code porte entrée MF 2426.

Si vous arrivez avant 17h ou après 20h, il faudra passer à la loge voitures (entrée voitures de Necker) et dire au gardien qui ouvre la barrière que vous avez une réservation à la maison des familles en donnant votre nom.

Demandez lui aussi un plan pour mieux vous orienter dans l'hôpital, nous sommes tout en haut derrière le bâtiment Robert Debré.

Mais si vous prenez la chambre avant 17h, n'oubliez pas de passer au bureau pour dire que vous êtes bien arrivée, faire votre dossier et le paiement! Dans la chambre, on vous fournit draps et serviettes, salle de bain wc privés dans la chambre... vous partagez cuisine commune avec tout l'équipement pour cuisiner, étagère dans le frigo... vous verrez, vous serez très bien!

Bon voyage et à bientôt!». Fin de citation.

A la lecture de ce texte précis et clair comme l'eau de roche, l'aimable lecteur aura remarqué la simplicité du propos qui dénote du respect fait à la personne humaine et l'approche didactique à l'effet de rompre toute appréhension, somme toute légitime, générée par l'immersion dans un nouvel espace qui n'est naturellement pas le nôtre. S'agissant d'un jour férié, le service est quand même délivré et quelle que soit l'heure d'arrivée de la ou des personnes attendues. Qu'aura-t-il fallu à ce correspondant pour orienter à distance ses hôtes, une petite connexion Internet et beaucoup de savoir-faire et de savoir-être. Cette banale introduction d'apparence, nous permettra la comparaison avec des comportements antinomiques infligés par des personnels publics ou privés et vécus amèrement et quotidiennement par le concitoyen. Nous n'en donnerons que quelques exemples illustratifs pour faire mesurer aux uns et aux autres l'état de décomposition d'une société jadis donnée en exemple pour sa défense des causes nobles, telles que la justice sociale et l'équité. Et qu'on ne vienne, surtout pas, nous susurrer que c'est le Système qui a voulu ça et autres balivernes. Cette fuite en avant ressemble à si méprendre à plainte contre x à l'effet de dédouaner nos consciences de toute responsabilité.

La narration des méfaits infligés par de pseudo-cadres formés onéreusement par la collectivité nationale, commence par ce commandant de bord de notre vénérable compagnie aérienne nationale qui, au départ d'Oran, aurait été pris d'une hystérique agitation dont personne ne saisissait le motif. Il se serait focalisé sur une dame qui fixait la scène sur son portable et sur un sujet britannique qui faisait partie du voyage sur la capitale. Pour arriver à ses fins, il aurait fait appel à la police de l'aéroport qui pria la dame d'effacer le contenu de sa prise de vue numérique, chose à laquelle il accéda. En dépit de la satisfaction de ses caprices, il persistait à ne pas décoller. De guerre lasse, le chef d'escale n'eut pour seul recours que le vol d'Annaba qui venait d'arriver pour faire embarquer les passagers pris en otages. Il était 21h30 déjà. Comme une guigne, le deuxième incident dû aussi à un autre commandant de bord, probablement le même, s'est passé à l'aéroport d'Alger sur le vol de Tlemcen qui était en retard de plus de 3 heures sans explication aucune de la compagnie. Enfin embarqués, les passagers s'impatientèrent encore une fois de plus en constatant que l'avion n'était pas prêt à décoller. Ils apprirent par l'une des hôtesses qu'on faisait le plein en carburant, chose qui fit sortir un des passagers de ses gonds. Informé, «le capitaine du navire» fit débarquer tous les passagers qui furent dirigés, une nouvelle fois, vers les salles d'attente. L'équipage refusait d'assurer le vol Alger-Tlemcen et sans appel. Faut-il refaire leur éducation civique à ces hauts cadres dont certains sont bardés de diplômes d'écoles prestigieuses internationales ? Faut-il leur rappeler que leur hypertrophique égo peut influer négativement et durablement sur le cours d'une vie. Un rendez-vous médical, un concours de recrutement, une échéance bancaire ou tout autre motif du déplacement ratés par ce «misérable passager» seront à inscrire au palmarès, peu reluisant, d'un commandant de bord en mal de despotisme.

Voilà en quelques mots les maux dont s'auto-flagelle la société livrée pieds et poings liés à des énergumènes? oui ! Car la civilité ne leur sied point. S'il est communément admis que des préoccupations d'ordre socioprofessionnel peuvent générer des situations conflictuelles, l'usager ne doit jamais être pris pour cette tête de Turc sur lequel s'abat toujours le lourd maillet. Le combat est ailleurs.

Une deuxième catégorie d'individus sévit impunément, cette fois-ci non pas sur des personnes valides mais des êtres rendus vulnérables par la maladie. Deux exemples illustreront des comportements indignes de cette prestigieuse corporation médicale. Le blanc cheptel aura toujours des moutons noirs. Au lendemain de l'Aïd El Adha, un adulte d'une cinquantaine d'années est évacué d'un lointain hôpital du Sud pour brûlures graves. Admis au service des urgences médicochirurgicales d'un grand établissement hospitalier spécialisé de la banlieue d'Alger, ses accompagnateurs furent éconduits par un assistant qui refusait son hospitalisation pour le motif suivant : «Je ne peux rien faire pour lui?vous devez retourner là d'où vous venez !». La sentence était sans recours. Il aura fallu des supplications pour que le patient soit enfin hospitalisé. La deuxième galère fut celle d'une parturiente, mais cette fois ci au Sud, qui après avoir perdu ses eaux s'entend refuser l'admission en maternité, non pas par une sage-femme, mais par une praticienne médicale. La maman qui accompagnait sa fille insista pour que celle-ci soit assistée au plutôt, sa longue expérience ne pouvait la tromper. Décidée à faire taire la vieille maman qui aurait pu être sa propre génitrice, notre femme-médecin n'eut recours qu'à cette cinglante et humiliante répartie : «Ferme ta gueule, c'est moi le médecin !». Cette réplique dénote à elle seule l'état d'esprit de certains membres de corporations qui se croient investis d'un droit de vie et de mort sur leurs semblables. Ce dernier incident est condamnable à plus d'un titre quand on sait que l'affaire dite «Parturiente de Djelfa» et qui n'est pas encore jugée, a fait les choux gras de la presse pendant plusieurs semaines depuis sa survenue. En dédaignant les leçons à tirer d'évènements tragiques pour changer positivement de comportement, on ne fait qu'affirmer une désinvolture à la limite de l'inconscience. A ce titre, il nous vient à l'esprit cette réflexion rabelaisienne qui disait déjà : «La sagesse ne peut pas entrer dans un esprit méchant, et science sans conscience n'est que ruine de l'âme».

Que ces dames et ces messieurs, filles et fils de ce peuple descendent de leur tour d'ivoire et se fondent dans cette masse qui est la leur. L'histoire ancienne et même contemporaine nous apprend que l'esprit et la science ne s'accommodent pas de sang bleu, mais de gens bien nés.