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La vérité, tout simplement

par Mahdi Boukhalfa

La situation économique du pays est difficile, délicate. La confidence sinon cette sentence est d'Ahmed Ouyahia, qui l'avait déclarée à huis clos jeudi dernier lors de sa rencontre avec le patronat et l'UGTA. Avec les patrons, Ouyahia aurait troqué la langue de bois contre le langage de la vérité sur la situation financière catastrophique du pays. Et, dès lors, aurait demandé au patronat de s'impliquer pratiquement dans une mission impossible: participer au sauvetage du pays de la banqueroute. Le Premier ministre, débarrassé de sa casquette de chef de parti, aurait tenu des propos inquiétants sur l'extrême fragilité de l'économie algérienne. Il a surtout balayé d'un revers de main les «assurances» de Sellal qui avait déclaré à plusieurs reprises que l'Algérie a les moyens et la capacité de s'en sortir.

Aujourd'hui mis dans le cockpit, le chef du RND adopte une tout autre posture et pense vraiment que les choses vont mal, très mal. Les caisses de l'Etat sont-elles vraiment en train de se vider à une vitesse folle ou est-ce que l'argent des Algériens est consommé là où il ne le faut pas ? Le Premier ministre, en réalité, sait mieux que tout autre que la situation globale du pays est intenable, ingérable, que l'état des finances du pays est insoutenable. Alors, d'où sort-il à ce moment précis ces avertissements, ce climat anxiogène et cette sinistrose qu'il tente de transmettre à l'opinion publique via les partenaires sociaux ? Pourtant, il y a lieu de s'interroger sur le mutisme d'Ouyahia en 2015 et surtout à la fin de 2016, juste après la signature de la loi de finances 2017, truffée de nouvelles taxes, dont la hausse de deux points de base de la TVA, lorsque Abdelmalek Sellal affirmait que «tous les indicateurs macroéconomiques montrent qu'on maîtrise les choses pour que les Algériennes et les Algériens soient tranquilles. Dans beaucoup de domaines, il y a une amélioration».

Une année auparavant, le même Sellal soutenait que «l'Etat algérien maîtrise la situation. Les Algériens doivent se rassurer définitivement parce que la politique du président de la République est contre l'immobilisme». De la fumée, tout simplement. Le reproche que l'on peut faire à Sellal, même s'il n'est plus comptable de ses errements et de ses mauvaises décisions économiques, c'est d'avoir berné les Algériens durant toutes ces années. Par contre, pour Ahmed Ouyahia c'est différent. En tant que premier responsable du second parti du pays, il aurait dû intervenir du temps de Sellal pour donner une autre vision, politique celle-là, de la situation catastrophique à laquelle courait le pays. Etait-il de mèche avec Sellal ? La question mérite d'être posée, car l'actuel chef de gouvernement avait, faut-il le rappeler, vivement réagi et attaqué de front, de face et de profil Abdelmadjid Tebboune, après que celui-ci ait exposé son plan d'action.

C'est à ce moment qu'Ahmed Ouyahia avait dénoncé la «démagogie» et le «populisme» dans la conduite des affaires du pays. Après, il s'est justifié et avait expliqué qu'il ne visait pas Tebboune alors Premier ministre. Avait-il voulu faire d'une pierre deux coups en réglant de vieux comptes avec Sellal ? Rien n'est moins sûr. Mais, ce que l'on peut dès maintenant reprocher à cette posture frileuse d'Ouyahia par rapport aux énormes défis qu'il doit affronter, dont celui de maintenir un fragile équilibre dans les caisses du pays, c'est de continuer, lui aussi, de mentir, sinon de cacher la vérité aux Algériens sur leur avenir. Pourtant, l'occasion est propice pour qu'il puisse «laver ses os» et s'attirer la sympathie des Algériens en leur disant ce qu'ils doivent savoir. Ni plus ni moins sur l'état réel de leur pays dans lequel il l'a (re)trouvé.