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Le Premier ministre limogé: Ouyahia remplace Tebboune

par Moncef Wafi

Scénario à l'algérienne, Abdelmadjid Tebboune vient d'être limogé, sans autre forme de procès, de son poste de Premier ministre. Dans un laconique communiqué de la présidence de la République, repris par l'APS, on apprend que le président de la République a mis fin hier aux fonctions du Premier ministre «en application de l'article 91, alinéa 5 de la Constitution». Il est remplacé par le directeur de cabinet de la présidence Ahmed Ouyahia «après consultation de la majorité parlementaire». Ouyahia avait occupé le même poste de 2008 jusqu'à 2012. Avant cette date, il a été chef du gouvernement de 1995 à 1998, puis de 2003 à 2006. Ce limogeage coïncide avec le retour de Tebboune aux affaires après une semaine de congé mouvementée où il a été l'objet d'un recadrage en bonne et due forme de la part du président. Pour les raisons et les explications sur le pourquoi du comment, il faut chercher dans les analyses et lectures aléatoires de l'événement.

Si beaucoup d'observateurs pensaient que le désormais ex-Premier ministre n'allait pas être limogé, du fait qu'il avait la «bénédiction» du chef de l'Etat et surtout qu'il devait préparer les prochaines élections locales, d'autres par contre ne pariaient pas trop sur sa longévité à ce poste. Nommé le 24 mai dernier, l'homme n'aura pas résisté à la pression exercée sur lui par certains cercles d'intérêts auxquels il s'est attaqué. A commencer par les puissants lobbies d'importation contrariés par l'instauration des licences et sa volonté de séparer le pouvoir et l'argent des affaires. L'incident protocolaire avec Haddad, le patron du FCE, a fait sortir au grand jour ses adversaires qui se sont ouvertement ligués contre lui. Haddad et Sidi Saïd, le SG de l'UGTA, avaient fait cause commune promettant de s'offrir le scalp de Tebboune.

Le 8 août dernier, soit deux jours après sa rencontre «informelle» avec son homologue français à Paris, et selon le quotidien arabophone Ennahar, le président de la République aurait piqué une véritable colère contre la gestion de son Premier ministre, sommant le gouvernement d'arrêter sa campagne de harcèlement contre les opérateurs économiques. Une campagne qui a exporté une mauvaise image de l'investissement dans le pays. Le journal, qui ne citait aucune source, soulignait que Bouteflika avait demandé qu'on mette un terme à la confusion des initiatives gouvernementales comme il avait exprimé ses regrets sur la médiatisation «exagérée» des récentes décisions du gouvernement qui ont donné l'impression à l'opinion publique nationale et internationale qu'il existe une campagne officielle organisée contre les hommes d'affaires. Le recadrage du Premier ministre par le chef de l'Etat serait intervenu sur la base de rapports reçus faisant état de pressions exercées sur des walis à travers des directives orales et écrites concernant le foncier industriel et l'investissement. Le président de la République aurait même évoqué les commissions d'enquête dépêchées par le gouvernement et composées par des fonctionnaires des ministères des Finances et du Commerce pour investiguer sur les hommes d'affaires et enquêter sur l'opération de distribution de terres agricoles par les pouvoirs publics au profit d'investisseurs privés. Quant à l'instauration des licences, Bouteflika aurait été informé des recours déposés par certains importateurs dont les marchandises ont été saisies. Il a même demandé de libérer ces produits avant l'approbation des licences d'importation en insistant lourdement auprès du ministre des Finances de traiter les dossiers urgents. Et ce qui a été décidé moins d'une semaine plus tard alors que Tebboune n'avait pas encore consommé son congé.

Le Premier ministre a même été sévèrement attaqué sur son entrevue avec Edouard Philippe, allant jusqu'à l'accuser de haute trahison par certains. L'ex-Premier ministre a répondu en précisant qu'il a rencontré son homologue sur instruction du chef de l'Etat et que toutes les institutions, y compris les ambassades des deux pays, avaient été préalablement informées de ce déplacement.