Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Bouée de sauvetage

par Mahdi Boukhalfa

Le plan d'action du gouvernement dirigé par Abdelmadjid Tebboune a bouclé son premier test en Conseil des ministres avant de passer au second, celui du Parlement, qui devrait se tenir lundi dans la soirée. Son plan d'action pour zigzaguer en pleine crise financière et éviter à l'Algérie d'aller vers un endettement extérieur, inéluctable selon des experts si les prix pétroliers ne remontent pas assez vite et durablement, a été validé par le Conseil des ministres. Le président a donné son «feu vert» à un programme de travail, qui, comparé à celui de 2011 de Abdelmalek Sellal, ne diffère que par la mesure de resserrement des importations, l'abandon progressif de la politique de subventions et, très probablement, un recours à la planche à billets. Car, ce qu'il faut retenir du dernier Conseil des ministres, c'est que pour la première fois depuis 2014, on ne se voile plus la face devant la violence des turbulences économiques et financières dans lesquelles l'Algérie est entrée depuis cette date, qui coïncide avec le début de l'affaissement des prix de pétrole. En fait, la crise du pétrole est devenue non pas cyclique, ni conjoncturelle, encore moins passagère comme cela avait été faussement affirmé par le gouvernement sortant, mais structurelle. Liée à un ralentissement de la croissance mondiale. Ce qui impose à l'Algérie une stratégie de «containement» courageuse, un retour à la bonne gouvernance, et une allocation des ressources publiques aux secteurs potentiellement créateurs de richesses et des investissements publics et privés ciblés. Pourtant, les mesures préconisées par le Conseil des ministres, et qui se retrouvent dans le plan d'action du gouvernement que vont débattre et approuver les représentants du peuple, sont une fuite en avant par rapport à l'ampleur des défis à relever pour éviter l'«iceberg». Il s'agit notamment de «la promotion des investissements», «la rationalisation des dépenses», «la valorisation de toutes les ressources et richesses dont dispose le pays». Last but not least, le président recommande le recours aux financements «internes non-conventionnels», pour éviter d'aller frapper aux portes du FMI et la Banque mondiale. C'est une posture qui démontre en réalité que la situation est grave, et que le gouvernement est aux abois, et n'a aucune solution viable. La valorisation de toutes les ressources du pays évoque fatalement l'exploitation de tout le potentiel des hydrocarbures, dont le pétrole et le gaz de schiste. Une politique dangereuse, qui ferait peser de graves menaces sur l'écosystème des bassins d'hydrocarbures du pays, d'une part, et, de l'autre, ruinerait les efforts pour faire remonter les cours pétroliers, l'Algérie participant elle-même à la hausse de l'offre. L'autre mesure, tout aussi hasardeuse, est le «feu vert» donné au gouvernement Tebboune de recourir à la planche à billets, à travers des «financements internes non-conventionnels», pour financer l'économie. Sauf que là aussi, il y a de terribles effets secondaires, dont l'inflation et la dévaluation du dinar ne sont pas les aspects immédiats les plus apparents. Au-delà de cette mesure, c'est l'affaissement complet de l'économie nationale qui est menacé par le recours à la «planche à billet», le stade suprême de la dévaluation du travail, de la production de biens, de la croissance et donc de l'existence même d'une économie, même en situation de déficits. Une démarche terriblement inquiétante, qui engage l'avenir du pays. Ce déprimant plan d'action du gouvernement, qui va être débattu (et approuvé) au plus tard mercredi au Parlement, est déstabilisant, et ne répond aucunement aux attentes des uns et des autres. C'est comme une bouteille jetée dans une mer houleuse.