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La raison du fou

par El-Guellil

Les fous courent de plus en plus dans les rues et les psy de moins en moins dans les asiles. C'est devenu une réalité que nul ne peut nier. Mais avant de parler d'une histoire de fous, il faut d'abord déterminer les critères du fou. Si c'est cette personne qui a tout perdu sauf la raison, alors nous sommes tous considérés comme des fous dans ce monde maboul.

C'est normal donc qu'autant de fous envahissent la ville et que les psys désertent les maisons de fous, n'ayant plus de malades à soigner.

La folie fait désormais l'unanimité et ses praticiens ne trouvent plus matière à traiter. Elle est vachement drôle cette histoire d'aliénés qui commence vraiment mal. Mais en fait, si le fou n'a pas perdu la raison, c'est qu'il n'est plus malade, donc pas besoin d'être interné. Mais s'il a tout perdu, ne serait-il pas alors mieux dans une maison de fous ? Cette équation me rend dingue.

Récapitulons. Pour entrer dans un asile, il faut perdre la raison et garder tout. Est-ce que cela explique pourquoi les fous courent de plus en plus les rues? Si les psy quittent de plus en plus les maisons de fous, cela veut dire que ces derniers ont perdu la raison et tout gardé en contrepartie. Alors qui est fou réellement? Les gens sans raison ou avec la raison? Des gens sans tout ou avec tout? Je commence sérieusement à me perdre dans la folie. C'est dingue comme la vie est compliquée. On dirait un asile de fous. «T'es maboul toi, dirait cet homme sirotant un café. Moi j'ai tout, el-hamdou lillah. Je vis dans une grande maison comme un prince. J'ai un job. Je mange à ma faim. J'ai une voiture, plein de vêtements dernier cri. Je ne me plains pas. Dieu m'a tout donné, je suis comblé».

«Tu as raison», rétorque l'ami assis à sa table. «Mais bien sûr que j'ai raison !», insiste le premier, cet homme inconnu fel houma.

A ce moment, un fourgon tout de blanc peint s'arrête à leur niveau: trois hommes en descendent, camisole à la main. Ils mobilisent celui qui avait raison, lui enfilent la camisole et l'emmènent.

«Pauvre type: il savait qu'il n'avait pas toute sa raison, dira son voisin. Sa vie est une histoire de fou».