Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Mauvaise communication institutionnelle: Programme du gouvernement ou grand bêtisier de fin d'année

par Ghania Oukazi

  Cette fin d'année est marquée par un grand nombre de bêtises faites par le gouvernement Sellal. Pire encore, ce dernier a commis une faute en laissant mourir un journaliste en prison.

Non, l'année 2016 ne s'achève pas en apothéose pour l'Algérie. Les «farces et attrapes» fabriquées par le gouvernement de Abdelmalek Sellal laissent pantois. Nos gouvernants sont dignes de remporter le prix du «grand bêtisier». Habituellement, et dans tous les pays du monde, les grands médias notamment audiovisuels diffusent une rétrospective des bêtises notamment des grandes stars de l'écran durant leur direct. En Algérie, ce sont les cafouillages, hésitations, reculs et avancées irréfléchies de nos officiels qui font le buzz. Il est tout au moins inutile d'en rappeler les moments forts. Les médias s'en chargent bien depuis des mois. Ceci, bien sûr, en l'absence ou plutôt en l'inexistence d'une communication institutionnelle capable d'annoncer les événements en leur temps et d'une manière responsable. Le sujet des vacances scolaires en fait foi même si la ministre de l'Education s'en défend en affirmant que leur date a été rendue publique le 15 septembre dernier, c'est-à-dire il y a trois mois, «mais personne n'a réagi», nous a-t-elle dit en marge de l'ouverture de la 25e foire de la production nationale. Nouria Benghebrit sait depuis son installation à la tête du secteur qu'elle aura à affronter les pires démons de ce pays. Le gouvernement sait surtout que l'éducation n'est pas une simple affaire de calendrier des vacances. Les lycéens sont la cible la plus facile à manipuler. Elle est aussi la plus féroce à calmer. Les syndicats du secteur le conçoivent bien. Recul ou pas, augmentation des jours de repos ou pas, la question est bien plus complexe que ces détails conjoncturels. Si le Premier ministre a accepté d'accorder aux élèves 18 jours de vacances au lieu de 15, c'est certainement pour leur faire oublier leur déception mais surtout donner le temps aux esprits malfaisants de se calmer et éviter que la manipulation ne plonge le pays dans de graves dérapages. Sans ça, ce serait irraisonnable qu'il l'ait décidé juste pour contredire sa ministre? Il sait que la paix sociale est trop importante pour la laisser se détériorer parce que des syndicalistes zélés ont ronchonné sur le temps de repos «habituel» des élèves.

Quand la fainéantise déclasse les aptitudes

Les aptitudes pédagogiques de certains ne peuvent rien devant le caractère feignant de l'Algérien en général - sauf exceptions qui méritent tout le respect et tous les honneurs -. Le corps enseignant ne se rend même compte (n'avoue pas ?!?) que le nombre de semaines pleines couvertes par les cours sont bien au deçà de la normale d'une école moderne capable du vrai apprentissage.

Le tort de la ministre de l'Education, c'est de n'avoir pas communiqué par la voie la plus simple, accessible pour tout le monde. L'annonce du changement du calendrier des vacances a été, en effet, mise sur le site électronique du secteur. Beaucoup ne l'ont pas vue ou le prétextent, peu importe. L'alibi tient bon dans un pays comme l'Algérie où le réseau Internet dépend des humeurs de ses gestionnaires. Un communiqué publié en septembre dans les médias, de préférence avec les explications nécessaires en boucle, aurait mis tous les acteurs du secteur devant leurs responsabilités. D'autant qu'au moindre pas jugé faux par ses détracteurs, la ministre doit s'attendre à ce que cette institution de la République qu'est l'école soit manipulée et prise dangereusement en otage par la rue.

Benghebrit n'est pas la seule responsable à ne pas savoir anticiper les événements. La mauvaise communication institutionnelle cause des dégâts irréparables. La mort de Mohamed Talmat en tant que condamné et prisonnier par une justice qui ignore ses propres dispositions légales est une faute. Elle est pire qu'un crime. Le 25 octobre, six journalistes ont adressé une lettre au 1er ministre lui demandant de les recevoir pour discuter de ce cas «pour raison humanitaire». Le sachant souffrant, ils voulaient que Sellal fasse entendre leur voix auprès du président de la République pour que Talmat bénéficie de sa grâce à l'occasion du 1er novembre. Il l'a bien accordé à de grands voleurs. Cet appel pressant a été malheureusement suivi d'un silence oppressant du 1er ministre. Il y a eu des promesses de réponse mais sans suite. Il en a été ainsi jusqu'au jour du décès du journaliste, le 11 décembre passé. «Le dossier ne dépend aucunement du 1er ministre, ça le dépasse», nous disait-on durant toute cette période. Pourtant, la mort de Talmat n'aurait pas, paraît-il, laissé le chef de l'Etat insensible. Il serait rentré dans une colère noire, selon certaines sources, lui «parce qu'il a promis aux journalistes de ne jamais être jeté en prison pour leurs écrits». Il répétait souvent aux médias étrangers que «notre maison est en verre?».

Ces «délits» impunis des officiels

Il est vrai que le défunt Talmat ne lésinait sur aucun vocabulaire pour tirer sur tout ce qui bouge, insulter, diffamer et jeter les gens en pâture dans une société qui ne pardonne pas. Ces «délits» contre des hautes personnalités de l'Etat avec en tête le président de la République n'emmènent cependant pas en prison. Les lois de la République l'attestent clairement, selon les hommes de loi. Ils imposent simplement une amende. Il est curieux que pendant que l'impunité s'est généralisée tout autant que la corruption, les malversations, les escroqueries, les mensonges et les tromperies, la justice ne s'autosaisit pas alors qu'elle s'empresse de condamner lourdement un «petit» justiciable. Ce rappel s'impose plus en cette fin d'année, quand les officiels n'ont de cesse de brandir depuis plusieurs mois, la nouvelle Constitution comme rempart contre les atteintes des droits de l'homme et les libertés individuelles et collectives. A l'occasion de la rétrospective des événements officiels majeurs ayant marqué 2016, il est souligné publiquement et continuellement l'importance des dispositions garantes de ces grands principes de l'Etat de droit. La faute commise contre Mohamed Talmat n'est pas évoquée. Elle a été ignorée par l'ensemble des responsables, en premier celui en tête du secteur qui se targue du respect de l'éthique et de la déontologie. Il a été avare de simples condoléances à la mémoire du défunt. Sa qualification de «scoop» de la désormais diffusion H24 de la radio El Bahia d'Oran, avec en face son terrible silence sur le piétinement d'un droit sacré qu'est la liberté d'expression et de presse par les dérives de la justice, est un délit. L'on se demande d'ailleurs pourquoi c'est la police militaire qui a mis aux arrêts Talmat et l'a interrogé durant le temps qu'elle veut alors que c'était un justiciable civil qui était accusé d'avoir insulté le président de la République et d'autres responsables. Depuis la neutralisation des «cabinets noirs», la présidence de la République doit pourtant être au courant de qui fait quoi en matière de gestion des plus hautes institutions de l'Etat. Mais si la dérive a dépassé le 1er ministre, c'est que des responsables «hors la loi» ont agi en toute impunité. La construction de la 2e République sur la base de la nouvelle Constitution s'annonce mal. Le premier magistrat du pays qui est le chef de l'Etat est interpellé avec force pour répondre des dépassements de l'Etat qu'il gère. A moins qu'il capitule devant cette effrayante réalité qu'il a découverte en prenant les commandes de l'Algérie.

Vœu pour le nouvel an contre «daâwa» de l'histoire

L'on dit que dès sa première année au palais d'El Mouradia, Bouteflika aurait jugé la situation du pays «complexe et compliquée alors que quand il était loin, il pensait que l'Algérie était facile à gérer?».

L'on aurait donné cher pour l'entendre commenter les inondations qui ont paralysé la capitale et bien d'autres régions du pays dès les premières pluies. Le fameux S de Ben Aknoun laisse en effet sans voix devant l'incompétence des autorités centrales et locales. Le commun des mortels sait qu'une construction penchée et fermée est facilement inondable par les eaux. C'est le cas de toutes nos rues et de surcroît l'autoroute de Ben Aknoun. Les services météorologiques avaient annoncé pour la semaine dernière l'arrivée de fortes pluies. La solution d'urgence la plus simple était de prévoir un aspirateur d'eau sur les grands axes des villes. Il a fallu aux automobilistes trois longues heures pour savoir que la route était inondée. La gestion de la catastrophe a été par défaut ou par l'absurde. Les policiers ont obligé les automobilistes à un demi-tour sur place pour les faire dévier sur une autre tout aussi inondée. Face à l'état permanent d'impunité, l'incompétence fait loi. Le mauvais choix des hommes fait payer à l'Algérie des factures lourdes et immorales.

A défaut d'exiger des comptes et corriger son choix des hommes sur la base de critères fermes, Bouteflika semble accepter son sort et décider à baisser les bras devant ce qui s'apparenterait à une fatalité. Les historiens, certains, pas tous, affirment en effet, que l'Emir Abdelkader a laissé une lettre (testament ?!?) dans laquelle il répondait à son ami de Mascara qui l'avait accusé d'avoir laissé les Algériens seuls alors qu'il les avaient appelés à combattre la France coloniale. L'Emir lui a écrit, selon nos sources, que les tribus l'avaient trahi dans leur quasi-totalité (?), «la Nation algérienne sera incapable de construire un Etat moderne». Il était convaincu qu'elle se débarrassera du colonialisme mais vivra sous le joug du néocolonialisme, et qu'elle sera confrontée à de graves problèmes de gestion. Il était un visionnaire.

C'est certainement cette anticipation de l'Emir Abdelkader sur l'avenir de l'Algérie qui a constitué cette péroraison avancée par nos ancêtres. Les prières, les efforts et le labeur productif pour contredire cette «daâwa» doivent se montrer inlassables et résistants devant tant de gabegie pour que «le sort en soit jeté» de cette terre chère. Ceci est une prière et un vœu sincère à l'occasion de la nouvelle année.