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Tant qu'il y aura des sous

par Moncef Wafi

La corruption en Algérie n'est ni une vue de l'esprit ni une attaque sournoise contre les intérêts suprêmes du pays. Elle est présente partout, du dernier des factotums aux plus hautes sphères de l'Etat. Le classement annuel de Transparency International (TI) sur la corruption dans le monde, rendu public hier, ne bouscule pas celui des années précédentes. Les mêmes bons élèves à chercher du côté des démocraties scandinaves et les cancres toujours issus des pays en difficulté économique ou en situation de guerre, Afrique et Etats arabes inclus. L'Algérie, dans tout cela, est fidèle à sa politique. Même si en théorie elle a gagné des places, passant de 100 en 2014, à 88 une année plus tard, son score reflète l'immobilisme chronique enregistré dans la lutte contre la corruption. En effet, ce léger mieux dans le classement de TI est dû plus à une liste relativement compressée comprenant 168 pays contre 175 en 2014, qu'à une réelle volonté des pouvoirs publics de combattre efficacement la corruption, l'Algérie obtenant 3,6 sur 10, la même note d'ailleurs qu'en 2013 et 2014. Que déduire de ces chiffres ? La première conclusion est cette impression que l'Algérie fait du surplace malgré tous les effets d'annonce liés à la création d'organismes nationaux renforcée par une volonté politique de lutter contre la corruption. Ce sentiment est rendu d'autant plus crédible par la multiplication de grands procès où sont jugés de hauts cadres de l'Etat pour corruption. Mais, c'est justement cette façade de fumée que dénonce, dans un communiqué, l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) qui estime que le pays ne pourra pas progresser dans ce classement «tant que le pouvoir continue d'organiser des procès judiciaires sur les gros scandales de corruption où les principaux commanditaires sont épargnés et protégés en toute impunité». Un constat partagé par tous les observateurs, avocats des accusés dans ces procès en premier, qui ont toujours demandé la présence des ministres des secteurs touchés, à l'exemple du procès de l'autoroute Est-Ouest ou encore dernièrement celui de Sonatrach 1. Des demandes restées sans réponse, ce qui a fait dire à l'une des robes noires que le moment n'est pas encore venu pour l'Algérie de condamner un ministre de la République. L'autre reproche porté à la lutte contre la corruption est cette dépendance décriée de la justice à l'appareil exécutif. Pour l'AACC, l'image de l'Algérie sera ternie «tant que l'on continuera à réprimer les dénonciateurs de la corruption». Les exemples ne manquent pas et le plus illustre d'entre eux est le combat que mène Mellouk depuis deux décennies après avoir fait éclater l'affaire des magistrats faussaires. Souvent en Algérie, ceux qui dénoncent la corruption se retrouvent devant la justice, une issue qui refroidit plus d'un patriote. La corruption a de beaux jours devant elle dans notre pays, la crise économique et le laisser-faire aidant, d'autant plus que Sellal vient d'ordonner de ne plus donner suite aux lettres de dénonciation anonymes.