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Crise grecque : Alexis Tsipras indésirable dans l'UE ?

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

A chaque proposition du gouvernement grec, les pays de la zone euro -et d'autres membres de l'UE- exigent encore plus. Et si tout le but de cette négociation est de pousser le gouvernement d'Alexis Tsipras à la démission ?

Le leader de la gauche radicale et chef du gouvernement grec, Alexis Tsipras, le sait, depuis son élection : le «club libéral» de la zone euro (et de l'UE) ne s'accommodera jamais de son arrivée dans leur club. Car, au-delà de la question de la dette publique grecque se pose le rôle que jouera ce pays, au sein des Institutions européennes. Un exemple ? Les votes sur les politiques communes par le Conseil européen, notamment celui réunissant les chefs d'Etat et de gouvernement. Si pour une variété de domaines (Education, Santé, Transport, etc.) il suffit d'une majorité simple, parfois de la majorité qualifiée (55% des membres représentant 65 % des peuples); pour d'autres domaines tels ceux des Affaires étrangères, la Fiscalité, la Défense, etc. l'unanimité du vote est requise pour toute décision commune. Du coup, il n'est pas exclu, voire même certain, que sur ces questions stratégiques que sont les Affaires étrangères ou la Défense, le gouvernement grec bloquera les votes, tant au niveau des Conseils des ministres que celui des chefs d'Etat et de gouvernement, dès lors que les décisions de l'UE iront à l'encontre de sa philosophie politique et sa vision de la construction européenne.

Un exemple plus précis ? La question russe. Quelle sera la réaction (vote) de la Grèce d'Alexis Tsipras, lorsqu'il s'agira de voter le prolongement et le maintien des sanctions économiques et politique contre la Russie de Vladimir Poutine ? Le jeune Chef du gouvernement grec s'est rendu à Moscou, à trois reprises, pour négocier un projet de construction d'un réseau de transport du gaz russe vers? l'Europe. Vladimir Poutine l'a déclaré publiquement : «la Russie est prête à aider la Grèce, si cette dernière en fait la demande.»

Et les voyages de Tsipras se faisaient, alors que son gouvernement menait, à Bruxelles, les négociations sur la restructuration de sa dette. C'est une raison suffisante, pour le reste des gouvernements de l'UE, de douter de la «sincérité» du leader grec pour un compromis sur la restructuration de la dette grecque et surtout de sa volonté d'aller au bout des réformes structurelles, souhaitées par le FMI et ses créanciers européens. De son côté, Alexis Tsipras n'est pas dupe et saisit, tout le rapport, de forces politiques qui lui est défavorable au sein de l'UE. En revanche, il est conscient des risques politiques et stratégiques que court l'UE en excluant son pays de la zone euro et garde l'espoir d'un accord qui évitera, à son pays, plus d'austérité et de privations. Samedi soir, après plus de 8 heures de négociation à Bruxelles, les 19 ministres de la zone euro se sont séparés, sans aucun accord et promis de revenir à la négociation dimanche, en début d'après-midi. Le Sommet européen annoncé pour le dimanche soir a été annulé. Des ministres des Finances, comme ceux de l'Allemagne, la Finlande ou de l'Autriche ont déclaré, leur totale opposition au dernier plan de réformes, proposées par le gouvernement grec. D'autres ministres, tels ceux de la France, l'Espagne ou l'Italie veulent croire, encore, à la volonté d'Athènes de réaliser ce qu'elle promet : réformes des retraites, TVA, gel des recrutements dans la fonction publique, etc. L'Allemagne, meneur du «front du refus» propose, ouvertement, la sortie de la Grèce de la zone euro, pour une période de 5 ans (jusqu'aux prochaines élections générales grecques ?) Personne ne peut anticiper sur les résultats de la réunion de l'Euro - groupe qui se poursuit, ce dimanche, après-midi, à Bruxelles.

Par contre, une certitude : l'Europe libérale et conservatrice ne pourra s'accommoder d'un chef de gouvernement qui s'affirme de gauche-radicale et qui ambitionne d'inverser le cours de la construction européenne commune, en mettant le choix du citoyen européen au centre de toute décision politique. L'Europe conservatrice déploiera toute sa «science» économique et sa propagande médiatique pour mettre hors-jeu, en Grèce, Tsipras et son gouvernement de gauche. Le tout est de savoir quand ?