Que faut-il entendre par consommer algérien ? Est-ce qu'acheter un yaourt produit à Tizi Ouzou ou un téléviseur monté à Bordj Bou Arreridj est un acte de patriotisme dès lors que le yaourt comme le téléviseur sont fabriqués avec des composants importés de l'étranger ? Le lait en poudre et les confettis savants électroniques sont des comparses qui viennent d'ailleurs. S'ils offrent la faculté de donner des emplois, il est faux d'affirmer que leur accouchement est algérien.

Consommer algérien doit commencer par le pain que nous mangeons, or toute notre farine nous vient d'ailleurs et à l'écoute de la litanique littérature politique, il est à se demander si les engagements que l'on réclame aux consommateurs au nom d'un patriotisme flou ne s'adresseraient pas à des éberlués qui ignorent l'adresse où ils habitent.

Nul n'est besoin de trifouiller dans les classicismes savants des économies intégrées ni de s'appesantir sur l'infantile satisfaction de ceux qui prônent aujourd'hui une recette farfelue pour un patriotisme qui ne provoque que la franche hilarité. Il est acquis qu'entre le discours et les faits l'abîme est béant et que tous les coups durs qu'a connus le pays n'ont pas servi à démaquiller l'Algérie de ses fards grandiloquents de vieille femme soumise aux quatre vents.

Pour qu'il ne soit pas une chansonnette usée et pour qu'il ne soit pas une ataxie, le patriotisme recommande le sérieux des actes bien réfléchis et l'ordonnancement intelligent de ce que l'on veut et ce que l'on fait. Les vœux malheureusement sont à mille lieues des faits et la pathétique démarche verbale de nos hommes politiques est reçue comme une incitation à un commerce de trottoir ombragé.

Tout le monde sait par quoi et comment il faudrait commencer. Donner libre cours à l'intelligence féconde pour qu'elle puisse se manifester et permettre à une entreprise économique d'être créée en deux jours. Le reste n'est qu'une étouffante prose qui interdit à la pâte de lever. L'Histoire des hommes et de ce monde nous prouve tous les jours que le patriotisme n'est jamais un préalable.