Dès la prise de parole, Sidi Saïd a averti l'assistance : «Aujourd'hui,
je vais me lâcher ». En fait, le SG de l'UGTA s'est trop lâché, hier, dans la
salle omnisports d'Arzew, à l'occasion de la journée du ?24 février'. Il a,
néanmoins, pris le soin de présenter ses excuses, y compris aux journalistes «
qui sont, après tout, des travailleurs », avant de s'exprimer, sans retenue, au
pupitre. Ce qu'invoquera le Premier ministre avec pondération -et même à
demi-mot, dans certains passages-, le patron de la Centrale syndicale, lui, l'a
crûment exprimé, en cette cérémonie commémorative du double évènement : la
nationalisation des hydrocarbures et de la création de l'UGTA.
Contrairement à l'homme politique, le syndicaliste a été spontané et
terre-à-terre. A l'excès, parfois. « Je n'admets pas qu'on touche à la
stabilité du pays. Les travailleurs sont les soldats de la République, qu'ils
le veillent ou pas », a-t-il dit, en retroussant les manches de son pull, après
avoir, brusquement, enlevé sa veste comme s'il allait en découdre.
Contrairement aux partis de l'opposition -qu'il n'a pas cités, nommément, mais
auxquels il faisait une forte allusion- accusés par Sidi Said d'avoir tenté,
vainement, de faire main-basse sur la date du ?24 Février' appartenant aux
travailleurs, son union syndicale, elle, n'agit jamais violemment, encore moins
contre l'intérêt de la Nation. « Nous, on ne tient pas le bâton du milieu. Car,
en effet, soit on est pour l'Algérie soit on est contre. Pas d'hypocrisie; il
n'y pas un milieu entre ces deux bouts », a-t-il renchéri sur le même ton. «
Nous les connaissons, ils jouent sur les sensibilités de la société pour se
montrer sur les chaînes de télévision et tenter de briser le pays. Alors, je
leur dis: ne jouez pas avec l'avenir du peuple. Où étiez-vous durant les années
de braise ? Nous avons payé un lourd tribut (pendant la période de terrorisme),
où nous avons perdu plus de 500.000 emplois?Nous sommes des hommes de
valeur?Vive Bouteflika ! ». Le nom du président de la République revenait en
boucle, dans l'allocution improvisée et déchaînée du patron de l'UGTA, qui a,
maintes fois, commis l'erreur de montrer de son doigt sa propre image
retransmise sur un grand écran sur l'arrière-plan de la scène et qui lui
faisait dos, en croyant, naïvement, qu'il montrait celle du Chef d'Etat, pour
vanter ses réalisations. «Il est strictement interdit de jouer avec la
stabilité du pays. Il est d'usage, il est de principe, que le mot interdit
n'existe pas dans le lexique du syndicaliste. Mais là, je m'autorise de parler
d'interdit », a mis en garde le secrétaire général de l'Union générale des
Travailleurs algériens.