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La leçon de Ban

par Yazid Alilat

Au sommet de l'Union africaine, les dirigeants du continent ont été unanimes à condamner et à manifester leur volonté pour lutter et éradiquer le terrorisme. L'ordre du jour de ce sommet, axé sur trois thèmes (sécurité, virus Ebola et agenda 2063), a été en fait escamoté pour ne laisser place qu'aux discours sur la lutte contre le terrorisme. La menace terroriste, les moyens de l'éradiquer et les stratégies transnationales à mettre en place pour prévenir ce fléau ont dominé les débats. Avec le phénomène Boko Haram sur toutes les lèvres.

Vendredi dans la capitale éthiopienne, un seul cri «Non au terrorisme!» et un seul credo «lutte antiterroriste» fusaient de la salle de conférences avec des discours de chefs de délégations orientés vers ce thème d'actualité sur le continent africain: sécurité et lutte antiterroriste. Car l'Afrique, avec la propagation de nouveaux groupes terroristes, comme Boko Haram, est devenue, sur une carte géographique, l'une des plus grandes zones du monde où pullulent les groupes terroristes, des résidus d'Aqmi à Boko Haram, en passant par les nouveaux EI, les évangélistes de Dieu en Ouganda et autres groupes armés incontrôlés. Le sommet de l'UA s'est en fait focalisé sur la menace que font peser sur la sécurité et le développement économique du continent les groupes armés. Mais, cependant, sans convaincre sur les stratégies à mettre en place pour mettre un terme à une situation qui empire, en particulier dans l'est et le centre du continent.

En montant sur l'estrade pour entamer son mandat d'une année à la tête de l'UA, le «vieux» Robert Mugabe a lancé: «Ce fléau menace tous nos acquis depuis 50 ans. Il faut l'éradiquer ». Et, pour une fois, tous les dirigeants africains ont été unanimes à reconnaître le danger sur la paix et la sécurité en Afrique que représente le terrorisme. Pour autant, et en dépit des déclarations de bonnes intentions des uns et des autres, l'Afrique reste à la traîne. En particulier en matière d'alternance au pouvoir et d'émergence de nouvelles élites. Sinon, comment interpréter cet appel du haut de la tribune du SG de l'ONU, M. Ban, pour que les «vieux» passent la main et ouvrent la voie à l'alternance au pouvoir ? Et, là-dessus, M. Ban donne une leçon de réalisme politique aux dirigeants africains qui ne doivent pas, selon lui, «s'accrocher au pouvoir', et à quitter leurs fonctions au terme de leur mandat. «Je partage les craintes émises vis-à-vis des dirigeants qui refusent de quitter leurs fonctions à la fin de leur mandat», a-t-il dit devant un parterre de vieux dirigeants africains, avant de préciser sa pensée: «Les changements de Constitution non démocratiques et les vides juridiques ne devraient pas être utilisés pour s'accrocher au pouvoir».

Le drame de l'Afrique, selon M. Ban, est que la démocratie et l'alternance au pouvoir l'empêchent de progresser, de se développer. L'image d'un Robert Mugabe, du haut de ses 90 ans, entamer un mandat d'un an à la tête de la présidence de l'UA, ou celle d'un Béji Caïd Essebssi, plus de 89 ans, et même d'un Idriss Deby du Tchad au pouvoir depuis 1990, reflète bien les errements politiques de l'Afrique. L'UA enchaîne les sommets, mais sans sortir avec des décisions qui font bouger le continent, le font changer dans le sens d'une plus grande intégration économique, sociale, technologique et culturelle au monde civilisé. Le discours d'ouverture des travaux de M. Ban reflète en réalité la vision du monde occidental sur l'Afrique et il a résumé crûment la triste réalité de la gouvernance africaine. Sans fard, sans discours lénifiant, mais la réalité d'un mode de gouvernance qui ne change pas et qui a plongé le continent, en dépit de ses énormes potentialités, dans le développement du sous-développement. La misère, la pauvreté..., et le terrorisme.