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L'école, le diplôme et ses fantasmes

par M. Abdou BENABBOU

«Dieu m'a gratifié de quatre enfants que j'ai éduqués avec le sérieux qui sied à la pleine responsabilité paternelle. Smicard avec très peu de ressources, il m'arrivait souvent de privilégier l'achat de livres et de fournitures scolaires au détriment du pain quotidien pour leur assurer une scolarité normale. Les enfants me l'ont bien rendu, réussissant tous les quatre avec brio. Toutes leurs scolarités conclues avec des diplômes universitaires.

Depuis et depuis trois ans, ils sont tous les quatre en chômage !»

C'est là une confidence d'un père de famille algérien dont la profondeur suggère de réfléchir sur les véritables tréfonds d'une vie familiale et deviner la suite pour une cellule sociale ayant perdu tout espoir de donner un sens à la vie.

Le désarroi est si grand aujourd'hui qu'on a fini par ne plus savoir à quelle arithmétique il faut se vouer pour affronter l'existence et se faire une petite place honorable dans la société.

Un nombre incalculable de pères de familles algériens patauge en s'engluant dans de dramatiques équations indéchiffrables, coincés entre le formalisme aujourd'hui vide du diplôme et les fantasmes sur ce qu'il était censé procurer pour une aisance sociale. L'école de Charlemagne et de Jules Ferry que nous avons allégrement copiées ont fait leur temps. Changer la couleur des tableaux des classes et troquer l'encrier contre le stylo ne sont plus, depuis longtemps, la panacée pour se préparer à voyager vers un petit bout de bonheur. A l'heure où l'on ressort, une fois encore, le discours sur une autre assise de l'éducation, c'est toute l'école empirique qui est à effacer, sinon à raser.

L'école chez nous et partout ailleurs n'est pas seulement sinistrée. N'ayant pas pu s'adapter à la cadence de la marche du temps, elle est coquille vide.

Les enfants d'aujourd'hui, hommes de demain, se moquent éperdument des contours idéologiques que l'on veut leur imposer au nom d'on ne sait quelle coloration de leurs origines ou de leurs racines. Ce qui leur importe est d'apprendre à façonner des armes qui leur permettent de manger du pain.

Quitte à bannir l'essence même de l'école telle qu'elle existe aujourd'hui.

Ne pas le comprendre ou feindre de ne pas le comprendre serait sûrement un crime. Probablement un crime contre l'humanité.