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Le fardage n'est-il pas le propre des camelots ?

par Farouk Zahi

« La façon la plus sûre d'être broyé et mis de côté, c'est d'être servile» (Jean-Luc Dion, ingénieur québécois).

Au détour d'un surfing sur la Toile, un groupe de jeunes facebookers d'une poussiéreuse ville du Sud algérois, jadis, joyau du tourisme oasien, annonce la visite du Premier ministre pour le 4 août prochain. La pétition lancée par ces jeunes, en appelle à l'arbitrage du Premier ministre avec, cependant, ce cri de détresse : «51 ans, barakat !» (51 ans après l'indépendance, basta !». La plateforme de revendications d'apparence sans lien l'une avec l'autre, constitue un plaidoyer citadin pour ces jeunes dont la majorité est née après le découpage administratif de 1974 et qui ont entendu dire que leur ville n'avait rien à envier à Bouira, Djelfa, Biskra ou même M'Sila, toutes proches. Ils constatent avec amertume qu'elle occupe une place peu enviable dans ce peloton. Ils revendiquent, pour leur vieille cité, le droit légitime au développement. A la lecture sereine de la liste des besoins exprimés, on constate que la majorité des propositions sont d'ordre structurant, nous citerons, à titre illustratif, quelques uns: Aérodrome d'Eddis, fermé à la navigation aérienne depuis la disparition de Khalifa Airways, inexistence de voies rapides et rail, absence de complexe sportif pour des disciplines qui évoluent en ligues nationales, inexistence d'un centre équestre pour la régénérescence d'un hippisme, jadis, florissant, nécessité d'un marché de gros de fruits et légumes pour le bassin agricole d'El Maadher, réhabilitation du patrimoine matériel et immatériel en perdition et sauvegarde de l'environnement (Assainissement de l'oued, station d'épuration et protection des sablières). Ces dernières font l'objet d'une curée éhontée au vu et au su de tout le monde.

Et enfin, affirmation du statut de l'annexe universitaire récemment programmée. Les loisirs, ne sont évoqués, paradoxalement, que pour les besoins d'épanouissement de l'enfance dans la réalisation d'un parc ludique. Place forte de l'art lyrique saharien ( poésie populaire et chants) et berceau de l'art pictural, légué par Dinet et Vershafelt, la cité foisonne de jeunes talents qui manquent cruellement d'espace d'expression; une maison de la Culture pourrait, à elle seule, atténuer les affres du dépit. «Donnez moi, un théâtre et je vous donnerai un peuple !», cette judicieuse sentence, n'est-elle pas à méditer dans le contexte ?

Quant à la visite, en elle-même, un autre facebooker l'a résumée graphiquement par un joli coffret à maquillage avec sa poudre de riz, son rimmel, ses coloris chatoyants et ses brosses feutrées. Cette image symbolique, prêtant à la dérision, est malheureusement la triste réalité que vivent les profondeurs territoriales de ce vaste pays. Ce jeune a vite compris que ses doléances, seront vite déjugées par la goudronneuse qui s'affaire déjà à colmater les nids de poules, par la balayeuse tractée qui sort d'on ne sait d'où et les échelles de ravalement pour rafraîchir ces façades d'édifices publics pelées. Il a compris que le maquillage n'enlève rien à la laideur, mais il peut la cacher, momentanément, à l'œil du Maître Sévissant, comme de coutume, la duplicité humaine ne s'embarrasse d'aucun scrupule. L'édile qui hier, se plaignait des maigres moyens matériels et financiers mis à sa disposition, se retrouve subitement à manquer de temps pour monter les écheveaux de la mise en scène. Il désertera son bunker de bureau pour le terrain qu'il découvre enfin, dans toute sa nudité. Les points noirs du circuit officiel, feront l'objet d'épilage et de gommage. Ils constitueront, cependant, son cauchemar jusqu'à la date fatidique. Il aurait souhaité être au lendemain de celle-ci, mais l'engrenage est déjà enclenché et il devra assumer jusque là. En attendant, tout est renvoyé sine die.

 Le Chef de daïra quant à lui, pris entre l'enclume d'un cabinet fiévreux et l'enclume indolente élective, il fait se qu'il peut. Il ne cherchera qu'à s'en sortir indemne de cette galère. Lui, à qui on dénie, souvent, l'existence en tant qu'entité administrative se retrouve soudainement dans l'œil du cyclone. D'ailleurs, il n'agit que par procuration limitée. La décision d'inscrire ou de ne pas inscrire des objectifs planifiés, ne lui appartient pas toujours ; il doit en référer aux responsables sectoriels du conseil exécutif et au gourou de la Planification. Et là encore, il doit faire valoir une empathie pour chacun d'eux, pour espérer des renvois d'ascenseur. Et s'il est, courtoisement et réglementairement, exclus de l'acte de planifier, il est par contre tenu, de rendre compte des aléas de la réalisation des objectifs tracés. Son administration, deviendra souvent cette ruche bourdonnante où chacun tentera, par des explications alambiquées de «sauver» sa peau. Il faudrait bien répondre à cette pénurie d'eau potable qui peut aller jusqu'à deux semaines consécutives obligeant ainsi, les abonnés à s'alimenter par citernage privé ou, à ces chantiers qui durent dans le temps et dont les délais de réalisation sont allègrement dépassés. Les regroupements avec la société civile, phobie des responsables, sont de véritables chicanes labyrinthiques où les plus chanceux s'en tireront quitte à compromettre les collègues. Ce sera, le chacun pour soi?

Les VRD, (Voierie et réseaux divers) constitueront, le champ de bataille où s'affronteront, sans merci, les preux chevaliers du simulacre. Quand pourra-t-on revêtir la chaussée ? Quand tous les réseaux, eau, gaz électricité et téléphonie, seront installés. Mais, le gaz ne sera pas encore là. Tant pis, revêtez, on verra après ! Pour l'adduction en eau potable, on a plutôt recours l'acronyme AEP, çà fait technique et élève la barre de compréhension pour le profane. A ce titre, on remontera volontiers au bassin versant, aux précipitations, au ruissellement et à l'alimentation de la nappe phréatique. L'adduction, protégée contre la corrosion et surdimensionnée à une époque faste, demande actuellement, beaucoup de développement, chose impossible à obtenir et par l'appauvrissement de la ressource et l'essoufflement du refoulement. Une étude, est en cours pour régler définitivement ce problème. A la question :

- «Quand comptez-vous inscrire l'opération en réalisation ?»

- «Dès l'exercice budgétaire prochain, Monsieur le...».

L'esprit, momentanément, apaisé on se dit en son for intérieur : «D'ici là, Dieu y pourvoira».