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Les participationnistes mis en échec : Mokri remplace Soltani

par Salem Ferdi

L'élection d'Abderrezak Mokri à la tête du Mouvement de la société pour la paix (MSP) est nette - 177 voix contre 65 à son concurrent Abderrahmane Saïdi - et elle traduit clairement l'ampleur du rejet de la politique « participationniste » au sein du mouvement.

Abderrezak Mokri, sans rompre avec le mouvement, exprimait sous le règne au bilan sinistre de Boudjerra Soltani, sa profonde insatisfaction à l'égard de cette ligne. S'il ne s'attaquait pas aux dirigeants du mouvement, il tenait un discours très critique à l'égard du pouvoir. D'où d'ailleurs, le reproche constamment fait et refait à un MSP qui, tout en étant au pouvoir, s'offre un discours d'opposant. Le MSP était une sorte de Janus avec la tête de Soltani, d'un côté, et celle d'un Mokri, de l'autre. La première, celle de l'allégeance au pouvoir au nom de la participation, l'emportait totalement sur celle de la contestation qu'exprimait Mokri. Une sorte d'un jeu de rôles où M. Mokri s'oppose tandis que Soltani faisait dans la lèche au pouvoir. Pourtant, il ne s'agissait pas d'un jeu de rôles. Boudjerra Soltani et ceux qui le soutenaient se sont engagés totalement dans des arrangements d'appareils au point de ne plus faire attention à la désaffection grandissante des bases. Le premier choc subi par la base a été du vivant de Nahnah. Il s'est manifesté par un extraordinaire retournement du mouvement. Mahfoud Nahnah, interdit de candidature en 1999, le MSP s'est platement aligné sur le «candidat du consensus» après quelques velléités de contestation.

DES CHOCS ET DES COULEUVRES

La succession assurée par Boudjerra Soltani a été une suite de chocs et de couleuvres que cette base, souvent instruite et disciplinée, a été contrainte d'avaler. La participation à «l'Alliance présidentielle» a été, derrière la vague référence au «programme présidentiel », une contribution, politiquement suicidaire, au gel de la vie politique et partisane dans le pays. Alors que de nombreux cadres et des militants abandonnaient le mouvement où ils «n'ont plus rien à faire», le MSP se complaisait dans cet «entrisme» dont le seul résultat est d'avoir permis à certains de ses membres de devenir ministres. Et de vouloir y rester à tout prix, y compris en quittant le mouvement et en se fabriquant un parti à partir du néant à l'image de M. Amar Ghoul. Le ministre de «l'autoroute» ne faisait en réalité que pousser jusqu'à la caricature, le renoncement politique qui a été le fait du MSP dans le cadre de «l'Alliance présidentielle». Les dernières élections législatives ont consacré la bérézina de cette ligne. Les dirigeants participationnistes du MSP se sont sentis «trahis» par le pouvoir. En réalité, le résultat électoral - le MSP a été l'unique parti «FM» qui échoue lamentablement après le «printemps arabe» - sur fond d'une forte proportion d'abstention ne faisait que traduire la réalité du mouvement. Les arrangements qu'il a conclus avec le pouvoir - contre la démocratie, contre l'existence d'une véritable vie politique ? ont ruiné ses atouts qui n'étaient pas négligeables.

FAIRE DE LA POLITIQUE OU PARTICIPER AU CIRQUE

On ne peut pas devenir une alternative au FIS si on ne maintient pas un niveau d'exigence politique élevé. Et encore moins quand on donne l'image d'un parti sans autre projet que de participer et de faire participer certains de ses membres à l'accès à la rente, à la curée. Signe qui ne trompe pas, dans des quartiers populaires où des militants du Hamas ont tenu tête à un FIS conquérant début 90, le MSP n'arrivait même plus à trouver des candidats pour les élections locales? Quant à trouver des électeurs? Abderrezak Mokri hérite d'un mouvement très affaibli à l'identité trouble et dans un contexte où le régime et ses dépendances ? dont le MSP de Boudjerra ? ont réussi à créer un profond dégoût à l'égard d'une scène politique réduite à des jeux de rôles. Et où il n'y a aucune place à la politique. La seule chose permise étant «l'animation» au sens spectacle de cirque du terme. Mokri part avec un capital personnel positif en raison de son positionnement plutôt critique à l'égard du «cirque». Mais il va devoir faire un inventaire et il constatera probablement que les «participationnistes» Soltani, Ghoul and co ne lui ont pas laissé grand-chose. Ancrer le MSP dans l'opposition ne sera pas chose facile mais c'est la seule option. Avec une légitimité incontestée, Mokri devrait pouvoir le faire. Redonner une crédibilité politique au MSP après la dégradation subie sous Soltani sera une autre paire de manches? Le ministre d'Etat en charge du MSP, Soltani, n'a pas laissé grand-chose. Mokri va devoir reprendre les choses à zéro dans un contexte dégradé.