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LFC 2012 : les dépenses de fonctionnement dérapent à 5000 milliards de dinars

par Yazid Taleb

Alors qu'on avait pris l'habitude de la retrouver chaque année au cœur de l'été, la loi de finances complémentaire est en 2012 très en avance sur celles qui l'ont précédée.

Le projet vient d'être adopté par le gouvernement à peine un peu plus d'un mois après la signature de la loi de finances ordinaire par le président de la République.

Cette précocité est expliquée officiellement par la nécessité de prendre en compte dans le budget de l'Etat des décisions qui son intervenues très tardivement au cours de l'année écoulée. C'est ainsi que le communiqué publié la semaine dernière par le Conseil des ministres évoque «les revalorisations exceptionnelles des pensions et allocations de retraites décidées par le Conseil des ministres le 18 décembre dernier». Sans doute pour répondre aux critiques qui ont accompagné l'instabilité législative des dernières années, le gouvernement relève également que la LFC 2012 «introduit une seule disposition législative portant sur la prise en charge, par le budget de l'Etat, de ces revalorisations». Cette disposition permettra une couverture budgétaire du «relèvement à 15.000 DA du minimum mensuel de pensions de retraite directe et de pensions de retraite principale de réversion des ayants droit». Une source au ministère du Travail nous explique que «la fragilité des équilibres financiers de la Caisse nationale de retraite (CNR) ne lui permettent pas d'assumer l'importance des décisions d'augmentation appliquées en janvier dernier qui représentent près de 40% de hausse pour les retraites les plus faibles mais également des augmentations substantielles jusqu'à un seuil de 60 000 dinars de pension». Qu'en sera-t-il de la prise en charge de ce niveau de pension à l'avenir? Le recours au budget de l'Etat s'annonce comme une caractéristique structurelle en raison «de l'augmentation rapide du nombre de pensionnés alors que la plupart des nouveaux emplois sont créés dans l'informel et que plus de 2 millions de salariés ne sont pas déclarés».

PILOTAGE AUTOMATIQUE

En consacrant au total une enveloppe supplémentaire de 317 milliards de DA à la prise en charge des différentes augmentations de revenus décidées à la fin de l'année dernière, la LFC 2012 remet largement en cause la réduction (de 10%) des dépenses budgétaires annoncée voici un peu plus d'un mois. Elle confirme surtout et accentue un peu plus le dérapage des dépenses de fonctionnement qui caractérise les derniers exercices budgétaires. Est-ce une autre raison qui explique que cette annonce ait été différée ? L'année dernière déjà, la loi de finances complémentaire avait enregistré 600 milliards de dinars de dépenses de fonctionnement supplémentaires. En novembre dernier, la mission annuelle du FMI à Alger annonçait des dépenses publiques en hausse de 34% en 2011 et relevait une «augmentation très marquée des dépenses de fonctionnement en 2011, ce qui peut réduire, dans le futur, les marges de manœuvre et laisser moins de place aux dépenses d'investissement". Pour lutter contre les effets de cette hausse des dépenses de fonctionnement de l'Etat, la mission du FMI conseillait au gouvernement algérien d'adopter en 2012 ''une plus grande rationalisation des dépenses courantes". Une maîtrise des dépenses qui ne sera manifestement pas au rendez-vous en ce qui concerne des dépenses de fonctionnement qui sont explicitement présentées comme «incompressibles» par l'exposé des motifs de la loi de finances 2012. D'un montant désormais proche de la barre des 5000 milliards de dinars, les dépenses de fonctionnement seront encore en hausse de près de 15% cette année et représentent désormais largement plus de 60% des dépenses de l'Etat. Pour faire bonne mesure, c'est le ministère des Finances lui-même qui relève également que «les dépenses courantes ne seront couvertes par la fiscalité non pétrolière qu'à hauteur de 41% en 2012 contre 60% en 2009». Pour beaucoup d'observateurs, le niveau atteint par les dépenses de fonctionnement de l'Etat soulève aujourd'hui le problème de la capacité des autorités algériennes à maîtriser leur croissance et à inverser une tendance qui semble réglée sur le mode du pilotage automatique.