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Maghnia: L'agriculture souffre du manque de main-d'œuvre

par Cheikh Guetbi

En plus de l'eau qu'il se ruine à puiser à des centaines de mètres à partir de la 2ème nappe phréatique, l'agriculteur, pour qui le métier se complique davantage, se voit confronté au problème de l'indisponibilisé de l'inévitable main-d'œuvre agricole. Même à 850 DA la journée, les producteurs peinent à trouver la main-d'œuvre locale et se voient contraints à se rabattre sur les immigrés clandestins notamment subsahariens, en dépit de leur inexpérience dans le domaine. Selon certains gros producteurs du périmètre irrigué de la plaine de Maghnia, la main-d'œuvre agricole locale représente moins de 10 % du nombre total dont 80% féminine. La rareté de cette main-d'œuvre force les producteurs à la chercher dans les régions environnantes (Tlemcen, Sebra, Sebdou?) avec toutes les conséquences qui en découlent tels leur transport ou leur prise en charge sur le site. Cet apport en ouvriers agricoles représente environ 20%, alors que 30% arrivent principalement de l'intérieur du pays notamment à partir des wilayas relativement enclavées telles Relizane et Tiaret, ainsi qu'à partir de Mostaganem. Tout compte fait, malgré l'apport des clandestins africains, le monde rural accuse un déficit en main-d'œuvre agricole qui tourne autour de 35 % des besoins.

Maghnia est donc fatalement devenue l'un des rares pôles du pays où 60% du nombre total de hallaba sont arrivés de l'intérieur du pays, ainsi que les centaines d'immigrés subsahariens et la main-d'œuvre spécialisée marocaine clandestine principalement dans le domaine du bâtiment et de la boulangerie traditionnelle, ainsi que ceux, séduits par les atouts économiques que sa position frontalière offre, se sont définitivement fixés dans la région. Cette rareté en ouvriers agricoles, avec celle de l'eau est à l'origine de la stérilité des différents systèmes de stimulation de l'agriculture tel le FNDRA lequel n'a pas eu l'effet escompté, comme l'explique ce fellah : « certes, les pouvoirs publics n'ont pas lésiné sur les moyens pour aider matériellement les producteurs agricoles, mais cela a été mal réfléchi car, en face, rien n'a été fait pour encourager la main-d'œuvre agricole ; bien au contraire ; tout est entrepris pour lui faire abandonner ce métier». Cet autre est plus explicite : «ces dispositifs entrepris à outrance pour la création d'emploi tels l'Ansej et la Cnac sont pour beaucoup à l'origine d'une partie de ce déficit en ouvriers agricoles. Au lieu de peiner à la cueillette, l'ouvrier est plutôt attiré par le moins contraignant, moins pénible et plus rentable tels le transport de voyageurs, de marchandise ou encore le créneau de la location de véhicules pour laquelle l'engouement est grand», avant d'ajouter : «ces dispositifs dont le but est d'inciter les jeunes à travailler ont eu l'effet contraire. Ils l'ont incité plutôt au moindre effort, car une fois le camion, le bus ou les véhicules acquis, il recrute le chauffeur ou le gestionnaire et se la joue patron?».

«Un chômeur-patron, bien payé, quoi !», ironise notre interlocuteur. Cette situation est en grande partie à l'origine des prix élevés des fruits et légumes dont la clémence, pour notre interlocuteur, n'est pas pour demain. L'indisponibilité de la main- d'œuvre semble avoir découragé celui-ci, lequel a trouvé l'astuce «au lieu de m'investir dans la production de la pomme de terre, j'ai préféré planter l'olivier, car cela m'affranchit de cette main-d'œuvre devenue perle rare». Cet autre gros producteur est catégorique : «j'ai décidé de vendre mon champ à cause de la parcimonie de main-d'œuvre, son manque de qualification, ainsi que son irrégularité. Je préfère m'investir dans le commerce qui est bien moins contraignant».

Le constat pousse réellement au pessimisme, lorsqu'on sait que des spécialistes agricoles abandonnent le métier et cèdent leurs terres qui seront récupérées pour le blanchiment de l'argent par des cartels du trafic de drogue et que la plaine de Maghnia qui se prête mieux à la production de fruits et légumes est envahie par l'olivier qui, lui, devrait être planté dans des zones accidentées?