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Palliatifs

par K.Selim

Se loger est, pour de nombreux Algériens, un souci majeur, envahissant, celui qui empoisonne la vie quotidienne et bouche les perspectives. Mère de nombreux fléaux sociaux, l'absence de logement constitue l'enfer ordinaire d'une bonne partie des jeunes et des moins jeunes qui estiment, à raison, qu'aucun projet de vie n'est viable sans la possibilité d'un toit.

 Un décret vient d'être publié au J.O. en vue d'appliquer les mesures gouvernementales sur la bonification des taux d'intérêts des crédits logement. Ces mesures traduisent une préoccupation justifiée des pouvoirs publics et leur volonté d'apporter des solutions à ce problème lancinant pour des millions de citoyens. La subvention des taux d'intérêts des crédits immobiliers est un moyen de permettre à des catégories ? relativement privilégiées, puisqu'il s'agit d'emprunteurs justifiant de revenus plusieurs fois supérieurs au SNMG ? d'accéder au logement.

 Cela ne va pas pour autant réduire significativement une demande sociale très importante exprimée, hélas, par de larges catégories sociales non éligibles au crédit, même bonifié. Quand l'Etat indique qu'un taux d'intérêt bonifié de 1% est accordé à ceux qui ont des revenus situés entre 12.000 et 72.000 dinars, il est clair que pour les smicards la possibilité est purement théorique. Confrontés au chômage et privés de revenus réguliers, la plupart des mal-logés sont, de facto, exclus du dispositif de crédits concessionnels mis en place par le gouvernement.

 Les moyens nationaux de réalisation restent encore trop faibles pour envisager qu'ils puissent assumer un programme de construction plus important que celui qui est le leur à l'heure actuelle. A ce rythme, et malgré les divers crédits et aides directes ou indirectes, la fin de la crise du logement n'est guère envisageable avant plusieurs décennies. Or, le caractère crucial de la question appelle une prise en charge politique autrement plus significative que des mesures catégorielles, nécessaires sans doute, mais largement insuffisantes.

 La magnitude des problèmes induits par la crise du logement appelle des moyens que la situation financière du pays permet d'envisager. Sans prise de risque inconsidérée et sans recours à l'endettement. La réalisation de deux, voire trois millions de logements par des entreprises étrangères, sur le modèle de ce qui a été fait pour l'autoroute Est-Ouest, ne serait certainement pas une insulte à l'intelligence au vu des contraintes de plus en plus dures vécues par la population, les jeunes en particulier.

 Un programme national de grande envergure permettrait de solder rapidement une situation qui nourrit le désespoir de beaucoup et qui alimente les rancœurs sociales susceptibles d'être récupérées par des extrémismes dont la cautérisation politique est autrement plus coûteuse.

 L'impact économique d'une telle approche, si elle était correctement conduite, permettrait d'impulser une dynamique dans le secteur du BTP qui fait étonnamment défaut sous nos cieux. Ici, l'hypothèse n'est pas une vue de l'esprit. Les pays du Golfe y ont eu recours et ont développé des capacités propres. Celles-ci les mettent aujourd'hui en position d'offrir à leur tour leurs capacités à des pays qui disposent de potentiels humains autrement plus importants. Une solution globale serait plus convaincante qu'une succession de palliatifs sans grands effets sur une crise interminable.