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La peine capitale, un débat venu d'ailleurs

par Aissa Hireche

Un débat semble s'installer dans différents sillons de la vie en Algérie. Chez ceux qui font de la politique leur gagne-pain, chez ceux qui font de la religion leur métier, mais aussi chez tous ceux qui, pour une raison ou une autre, se sentent parfois concernés par ce qui se passe autour d'eux et par-dessus leur tête. Les positions exprimées, ici et là, concernant l'abolition de la peine de mort en Algérie ont donné matière à beaucoup de discussions et, bien sûr, d'opinions. Ces positions et ces opinions sont tellement nombreuses que l'on est tenté de se demander si l'on parle bien de la même chose. Si l'on met de côté les gesticulations de certains politiques, dont il n'est difficile de comprendre ni les colères injustifiées, ni la personnalisation des débats, il y a lieu de rappeler que l'on parle de mort, et que le sujet est forcément grave.

 Parce qu'on ne décide pas, sans raisons valables, de débattre d'un tel sujet, il y a forcément nécessité d'expliquer aux Algériens ce qui pousse à vouloir abolir la peine de mort. Autrement dit, quelles sont les raisons qui nous mèneraient à débattre du problème actuellement? A première vue, il n'y en a pas. Les seules justifications qu'on pourrait trouver à un engouement soudain pour cette abolition serait qu'il y aurait eu beaucoup d'erreurs dans l'application de cette peine ou bien alors que le maintien d'une telle peine serait source de notre sous développement ou de notre retard par rapport à ceux qui nous dépassent. Or, nous ne sommes ni dans un cas, ni dans l'autre.

 La rareté et le caractère exceptionnel de l'application de cette peine empêchent qu'il pût y avoir des erreurs et même si erreur il y a, ce serait des erreurs humaines que l'on ne peut rattacher à la peine elle-même. Quant à la seconde justification, rappelons simplement que les Etats-Unis, qu'on ne peut qualifier d'arriérés ni de sous développés, maintiennent la peine capitale et, il n'y a pas longtemps, elle vient d'y être appliquée.

 Certains nous jettent sur la voie un certain «la peine de mort vient du colonialisme français» comme s'il s'agissait de dire n'importe quoi à n'importe qui. Tout le monde sait que cela n'est et ne peut pas être vrai. Il n'y a pas que les Français qui, en colonisant l'Algérie, auraient condamné à mort et exécuté des gens. La peine existait avant les Français.

 On peut remonter aussi loin qu'on veut dans l'histoire, on trouvera toujours la peine de mort et il serait inutile de chercher à la séparer de ce qui est religieux parce que n'en déplaise à certains, seule la religion peut donner à l'homme la possibilité d'ôter la vie. Pourquoi ? Tout simplement parce que la mort, comme la vie, relèvent de Dieu et de Lui Seul. Et c'est à travers la religion que Dieu a, toujours, transmis ses ordres et ses lois aux hommes. Maintenant, il se peut que certains se soient sentis attirés ou séduits par d'autres sources d'inspiration, il n'y a aucun problème cela ne regarde personne d'autre qu'eux. Il faudrait tout simplement que ces personnes prennent le soin de ne pas vouloir généraliser des points de vue personnels. Qu'ils parlent en leur nom, qu'ils avancent leur position, qu'ils les défendent même, c'est cela aussi la démocratie, même si c'est cette démocratie qui, tel un os jeté à mille lieues de nos véritables problèmes, nous occupe et nous détourne de ce qui nous devrait nous permettre de ressembler à tous les autres.

 Dans un pays qui se dit musulman, chercher à revenir sur la peine capitale est tout simplement un manque de cohérence, une contradiction, une de ces déchirures qui parsèment notre corps et notre âme parce qu'on ne peut être musulman à moitié, selon les saisons ou au gré des arômes partisans.

 A ceux qui prétendent que c'est la peine de mort qui nous retient loin derrière les nations sur les plans économique, social et politique, il y a lieu de rappeler que c'est parce que nous n'avons pas assez respecté notre religion et parce que nous nous en sommes assez éloignés, que nous restons à la traîne. La logique est volontairement inversée par ceux qui comprennent la religion comme bon leur semble, ceux qui veulent reprocher à l'Islam ce dont il n'est ni responsable, ni coupable.

 A ceux qui veulent se faire porte-parole de certaines préoccupations d'ailleurs, il suffit de rappeler que les sociétés qui se sont développées sont celles-là mêmes, qui ont su poser leurs problèmes essentiels de manière correcte et qui ont pu alors les résoudre de manière tout aussi correcte. Ce ne sont pas celles qui posent mal les problèmes des autres dans des sociétés qui n'en sont pas concernées.

 Par ailleurs, il est aisé de constater que dans le monde développé l'opposition exprime ses opinions et apporte ses propositions dans le cadre de l'exercice de son activité alors que chez nous, et ayant échoué dans leur rôle d'opposition, certains s'en vont chercher de gros sujets d'ailleurs pour tenter de justifier leur existence. Cela fait de la peine!

 Ne jouons pas avec la mort. Laissons à Dieu ce qui est à Dieu et occupons-nous de ce qui nous regarde en tant qu'humains.