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Le conventionnement, la démarche qualité et l’accréditation, l’évaluation des pratiques professionnelles, la formation médicale continue : Outils essentiels de la remise à niveau de notre système de soins

par Mohammed Cherrak El Ghosli*

1ère Partie

La réforme de notre économie, l’ouverture du pays à l’espace maghrébin, africain et européen vont nous mettre en concurrence avec d’autres pays et nous obligent à une mise à niveau dans tous les secteurs. Ceci est valable aussi dans le secteur de la Santé.

La contractualisation est l’une des voies retenues par les décideurs pour l’aboutissement des réformes hospitalières.

Nous allons essayer d’expliquer dans cette étude comment la démarche qualité, l’accréditation, l’évaluation des pratiques professionnelles, la formation médicale continue et le conventionnement peuvent être des outils essentiels pour atteindre cet objectif.

C’est un lieu commun de dire que notre système de santé doit être réformé tout comme c’est un lieu commun de dire que le dialogue entre caisses sociales et médecins a un besoin pressant de s’établir pour un règlement conventionnel minimal, afin de garantir une obligation de responsabilité et de qualité. Il est clair aussi que suffisamment d’experts nationaux et internationaux se sont penchés sur l’ état de notre système de santé, et que les décisions à prendre sont connues depuis longtemps et inévitables, mais sans cesse retardées comme s’il fallait gagner du temps.

Le temps des choix est donc venu pour notre système de santé : à force de vouloir conserver tout et n’importe quoi, nous risquons de tout perdre. Nous ne pouvons plus faire l’économie d’un discours de vérité; notre système de soins ne s’améliorera pas si éternellement on pénalise toujours ceux qui soignent sans jamais remettre en cause le système de santé. Les dépenses continueront d’augmenter indépendamment des recettes et les médecins n’accepteront plus de jouer les boucs émissaires. Le tout gratuit, le tiers payant sont inflationnistes en actes et en consommation médicale. Il faudra donc mettre en jeu la responsabilité individuelle de chacun, afin d’infléchir les comportements, en préservant une protection universelle dans son principe tout en s’attachant, à partir de considérations médicales, à rendre le système de soins plus efficient, mieux coordonné.

 

La réforme hospitalière



L’évolution des réformes qui se dessine semble augurer de l’avenir que nous souhaitons pour notre système de santé : la réforme hospitalière, du moins telle que nous la comprenons, a pour but de revitaliser le service public hospitalier, à travers une amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi qu’un renforcement des capacités de gestion.

La réforme hospitalière n’est pas du tout un désengagement de l’Etat, car celui-ci va continuer à subventionner les structures sanitaires selon leur niveau dans le cadre de son budget annuel de la Santé.

La solidarité nationale va supporter une partie des charges et soutenir l’usager dans le paiement des coûts des prestations de services. La tarification va permettre l’accessibilité des soins aux populations et surtout aux plus démunies d’entre elles, grâce à l’assurance maladie et le conventionnement.



Le Conventionnement

 

Une réponse aux défis :

Nous pouvons répondre aux défis d’aujourd’hui par la rénovation des principes fondateurs de la sécurité sociale, de l’assurance maladie, de la solidarité nationale et leur donner une actualité nouvelle. Il faut établir avec lucidité ce qui doit être pris en charge par la sécurité sociale et la solidarité nationale. Nos droits et nos devoirs sont identiques, chacun cotisera selon ses moyens et doit accéder aux soins selon ses besoins dans un cadre défini. L’Etat réduira progressivement sa subvention budgétaire, les mutuelles de santé, les assurances, la solidarité nationale pourront contribuer aux coûts de santé et permettront vraiment à la réforme de réussir. Ce droit d’accès aux soins, s’il doit être plus explicite doit être assorti d’une responsabilisation nouvelle de chacun dans son recours au système de soins, recours qui a un coût que nul ne doit ignorer. La responsabilisation financière accrue des ménages doit être assortie d’une solvabilisation à l’accès d’une couverture complémentaire.

 

Les moyens



La contractualisation au niveau des hôpitaux, le système de conventionnement du secteur privé sont les leviers de la réforme engagée. La nomenclature ou la classification des actes médicaux et la tarification en sont les instruments privilégiés et vont constituer une étape majeure pour la modernisation du système de soins. Les informations précises et complètes données par la nomenclature et la tarification constitueront un outil de connaissance plus efficace et seront particulièrement utiles :

À Pour l’organisation d’un système de soins : les médecins et les établissements disposeront d’une vision plus détaillée de leurs pratiques, indispensable pour évaluer leur activité.

À Pour le pilotage des politiques de santé publique et pour l’assurance maladie qui pourra mieux répartir ses financements.

À Pour l’adaptation progressive de la tarification aux réalités et progrès des pratiques médicales.

 

La nomenclature



la nomenclature regroupe l’ensemble des actes dits techniques ou cliniques réalisés par des médecins ou cliniques. Un acte technique nécessite un geste réalisé ou non à l’aide d’un appareillage (radiologie, interventions chirurgicales, anesthésie).

Un acte clinique correspond à l’examen d’un patient avec un interrogatoire, un examen physique, d’éventuelles prescriptions (consultations, visites).

 

Des tarifs plus justes



La tarification sera le reflet de la réalité du travail médical et des charges professionnelles. Ces tarifs seront calculés et revalorisés au regard de la pénibilité, du coût de la pratique et de l’évolution des techniques. La sous évaluation des actes se fera obligatoirement aux dépens de la qualité des soins.

Le tarif de chaque acte prend en compte le prix du travail et le coût de la pratique :

Le travail médical correspond aux ressources physiques et intellectuelles mobilisées par le praticien pour chaque acte médical. Il est une combinaison de durée, de stress, de compétence technique et d’effort mental. Le coût de la pratique : ce sont les charges financières du praticien : frais de personnel, de matériel, de charges locatives.

Les caisses sociales pourront toujours adapter les remboursements en fonction de leurs possibilités financières et élaborer un pool de soins pris en charge par le régime obligatoire de l’assurance maladie, le reste entrant dans le domaine des assurances complémentaires. Cependant, les honoraires des médecins devront toujours être dissociés des possibilités financières des caisses.

 

L'accréditation



Dans son sens courant, l’accréditation concerne des institutions de soins et non des personnes. Elle ne doit pas être confondue avec les procédures d’évaluation des compétences des individus qui peuvent se placer sous la responsabilité de collèges professionnels représentants des disciplines médicales ou de commissions de qualification ou différentes autorités ou du ressort de la formation médicale continue.

 

L’image du médecin



Les professionnels de santé affirmeront toujours que ce qu’ils font est bien fait et sont réduits à argumenter sur la forme quand le débat apparaît sur la place publique.

L’image du médecin décline cependant lentement dans l’opinion publique. Quelques scandales sanitaires et financiers, quelques investigations de journalistes ont ébranlé depuis longtemps la confiance du public en la qualité de la santé. «El-Hakim» de nos grands-parents n’est plus celui de maintenant.

Le malade qui entre à l’hôpital ou dans une clinique se sent autant rassuré que le voyageur qui monte dans son avion ! De ce point de vue, il est intéressant de comparer ce secteur d’activité avec celui du transport aérien. Il existe une différence fondamentale entre les deux situations. En aéronautique, le moindre incident peut s’avérer mortel. Dans le milieu hospitalier, les effets, pour être plus discrets, n’en sont que plus importants : si l’équipage d’un avion partage le sort des passagers, les personnels soignants n’accompagnent généralement pas leurs patients dans la tombe... Comment donc redonner confiance à nos patients dans nos hôpitaux et cliniques et comment remettre à niveau nos structures de santé ? La pratique de la certification, de la démarche qualité et de l’accréditation est devenue fréquente dans les secteurs industriel et des services, mais elle reste exceptionnelle en milieu médical et la rigueur présidant à la préparation du décollage d’un avion ou la mise en marche d’un processus industriel ne s’applique pas encore aux hôpitaux et aux cliniques alors que l’hôpital moderne est devenu une structure d’un tel niveau de complexité technique et organisationnelle qu’il est normal d’y rencontrer des dysfonctionnements.

 

La démarche qualité :



L’accréditation se distingue des démarches d’autorisation, de conformité, d’agrément ou d’homologation qui font référence à des actes administratifs pris par les autorités sanitaires pour la mise en oeuvre ou le renouvellement d’une installation ou d’une activité. La démarche qualité est simple mais définie par des textes assez complexes rédigés par l’Organisation Internationale de Normalisation ISO. L’assurance de la qualité est définie «comme l’ensemble des activités mises en oeuvre... dans le cadre du système qualité et démontrées en tant que besoins pour donner la confiance appropriée...».

Bien que certaines des activités de l’hôpital - l’hôtellerie, la restauration, la stérilisation, la maintenance se rattachent au cadre général des entreprises, il reste que les aspects humains du soin paraissent difficilement codifiables selon des approches méthodologique habituelles. La culture des dirigeants hospitaliers et industriels est généralement différente, y compris en matière financière. Les rapports entre la direction et le reste de l’établissement ne sont pas comparables, car ils doivent généralement passer par le filtre du pouvoir médical, ce qui façonne une culture d’entreprise particulière et peu propice à la pénétration de l’assurance qualité.

Partant de ce constat, il convient de chercher une méthode adaptée aux contraintes, aux réalités et à la culture algérienne sans pour autant perdre de vue le niveau d’exigence technique et la rigueur.

Evaluer, c’est d’abord fournir aux responsables et aux cadres d’un établissement les outils leur permettant de réfléchir et de progresser. L’évaluation doit être donc concrète, basée sur le quotidien.

Dans aucun pays, le débat sur la qualité dans les établissements de santé n’est pas tout à fait neutre, politiquement et économiquement. En ce sens, l’accréditation, même si elle n’apporte pas de réponse à tout, peut être une opportunité à saisir. Les professionnels de santé pourront facilement s’inscrire dans cette démarche de qualité, d’évaluation de leur pratique, à la recherche du juste soin.

Nommer un spécialiste dans un village ou dans une ville d’une région déshéritée et le doter de quelques instruments loin d’une structure hospitalière où, peut-être, cette spécialité n’existe même pas n’est pas productif, abstraction faite encore du niveau de qualification et de compétence du praticien.

C’est l’accréditation des services et l’évaluation des pratiques professionnelles du praticien qui, seules, seront valables pour installer les gens là où ils peuvent être productifs et efficaces. Nous pouvons citer des dizaines d’exemples de ce genre où les praticiens vont passer leur temps à rédiger des rapports d’orientation et d’évacuation ou, pour certains, basculer rapidement dans la dichotomie et l’informel en attendant la fin de leur service civil. Une agence d’accréditation est généralement un organisme indépendant à caractère public. Elle se compose d’un ensemble de professionnels de santé : ce n’est pas une procédure de contrôle, c’est un outil au service de qualité des hôpitaux et l’accréditation restera une démarche volontaire, dont le but est d’améliorer la qualité des soins et du service rendu aux patients par les professionnels de la santé que nous sommes.

 

L’évaluation des bonnes pratiques professionnelles :



L’évaluation des pratiques professionnelles participe aussi à la démarche qualité.

Son objectif est de promouvoir qualité, sécurité, efficacité et efficience des soins et de la prévention dans le respect des règles déontologiques. Elle consiste en l’analyse de pratiques professionnelles, en référence à des recommandations selon une méthodologie élaborée par des professionnels (en France, c’est la haute autorité de la santé). Cette pratique se situe dans une démarche de qualité non plus à l’échelle d’un établissement mais à celui de l’individu, démarche reconnue par les organismes d’assurance maladie, les autorités de tutelle et le public, procurant ainsi au praticien une sorte de garantie contre les contrôles de tout ordre. Cette démarche doit espérer une pratique plus rationnelle donc moins coûteuse, ce que l’Etat et les caisses souhaitent et espèrent. Un homme seul ne pourrait posséder toutes les compétences nécessaires. Des experts et différents professionnels doivent participer à la démarche qualité pour valider des propositions et apporter, chacun dans son domaine, la richesse de leur expérience personnelle. La situation actuelle est nouvelle, car l’intérêt du patient, celui du soignant, de l’établissement et, partant, celui de l’Etat en viennent à converger. Il n’est donc pas surprenant que la notion de qualité des soins soit apparue dans le vocabulaire médiatique, indiquant le souhait des gouvernants de la vérifier.

A Suivre


*Spécialiste O.R.L.- Oran, Président
de l’Association des Cliniques de l’Ouest.