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UE-Russie : le gaz et le reste

par Notre Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med

La réunion, lundi dernier, des ministres de l'Energie de l'UE a montré que la crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine n'est pas un simple différend commercial entre ces deux pays. C'est tout l'avenir de la coopération UE-Russie qui est en jeu.

La réunion des ministres de l'Energie de l'UE, tenue lundi à Bruxelles, a mis en évidence que la crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine n'est pas un simple « différend commercial bilatéral » entre ces deux protagonistes. L'UE, qui a voulu réduire la crise à sa plus simple expression, a fini par reconnaître le caractère multidimensionnel de cette crise et ses implications sur son partenariat stratégique avec la Russie, d'une part, et sur sa propre politique communautaire en la matière, d'autre part.

Jusqu'à hier, la reprise des livraisons du gaz russe à l'UE n'était pas encore confirmée dans les faits. Les uns et les autres se sont contentés d'annoncer la signature d'accords et l'imminence de la reprise des livraisons de gaz. Sur le terrain et jusqu'à hier, il restait encore à satisfaire quelques exigences russes. Il s'agit de la présence de leurs observateurs aux côtés de ceux de l'UE à tous les postes de pompage et de transit, y compris ceux se trouvant sur le territoire ukrainien.

Aussi, la rencontre de Bruxelles a été consacrée plus à apporter une aide urgente à des pays comme la Slovaquie, la Grèce, la Hongrie... en livraison de gaz à partir des stocks des pays de l'UE moins exposés à la crise, qu'à influer sur la position russe face à l'Ukraine. Comme nous l'avons signalé dès le premier jour de la crise, la Russie n'est plus tenue, légalement, par un quelconque contrat à moyen ou long terme envers l'UE, et ce depuis décembre 2007, date de l'expiration du premier Accord stratégique sur l'énergie. Peut-être faut-il attendre le prochain Sommet UE?Russie pour relancer un second accord en la matière. Ce qui est certain, c'est qu'un tel accord a de très faibles chances d'aboutir sous la présidence tchèque de l'UE, tant les « animosités » politiques entre la Tchéquie et la Russie sont exacerbées. La Tchéquie, se découvrant comme principal pays vassal des USA (bouclier antimissile), n'est pas bien placée pour calmer les « inquiétudes » russes face aux incursions américaines à ses frontières.

En outre, les ministres de l'Energie n'ont pas, il faut le préciser, la responsabilité de décider de la politique énergétique de l'UE. Celle-ci relève de la compétence des ministres des Affaires étrangères, tant elle est considérée comme « pilier » stratégique de la construction communautaire. Les ministres de l'Energie se réservent au rôle de gestionnaires des quelques segments de coopération entre les Etats membres de l'UE. Cette particularité de la politique énergétique de l'UE tient au fait que c'est un domaine qui relève encore de la souveraineté des Etats membres. Et jusqu'à la Commission européenne (considérée comme le gouvernement de l'Union) qui se limite à un rôle de coordination et de propositions d'axes de travail sur l'avenir.

C'est dans ce sens que son Livre vert sur la stratégie énergétique de l'UE, publié en mars 2006, intervient. L'une des principales propositions de ce Livre appelle à la création d'une structure de coordination de prévention des crises liées à l'approvisionnement énergétique.

Car sur le reste, chaque Etat est lié selon ses besoins et intérêts par un nombre d'accords avec divers pays fournisseurs. L'importance du secteur de l'énergie et les différences d'approche entre les Etats de l'Union sont telles qu'un pays comme la Norvège par exemple ne souhaite pas rejoindre l'UE. La Norvège, deuxième fournisseur de l'UE en gaz (après la Russie et devant l'Algérie), veut garder toute son indépendance sur la question.

Après la réunion de Bruxelles de lundi dernier, très peu d'espace a été réservé à l'événement pas les médias occidentaux. Ils se sont contentés d'annoncer qu'un accord a été signé entre l'Ukraine et la Russie (aucun accord avec l'UE) et que la Russie rassure l'Europe de la reprise des livraisons de gaz. Mardi, les « robinets » étaient encore fermés sur les frontières ukrainiennes. Il est évident que la reprise des livraisons reprendra dans les jours qui viennent. Mais la Russie a annoncé clairement un message politique à l'UE : le Partenariat stratégique avec l'UE doit être global, équilibré et non pas réservé au strict domaine commercial ou énergétique. Il n'y a pas que l'énergie. Il y a aussi la Géorgie, le Kosovo, le bouclier antimissile américain, l'Ukraine, etc.