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Cérémonial

par Brahim Chahed

«Chaque jour nous entendons le bruit des arbres qui tombent. Notre actualité ou notre histoire, ne semblent faites que de chutes et de fracas. ... Mais nul n'interviewe le printemps. On n'entend pas le bruit de la forêt qui pousse. On n'entend pas le clairon de la sève dans nos membres. L'essentiel ou le vital ne font pas de bruit. Soyez silencieux et efficaces comme des printemps : cela n'empêchera pas le bruit des arbres qui tombent, mais vous quitterez la société des fossoyeurs pour entrer dans la compagnie des porteurs de semences. Vous connaitrez les oiseaux».

Jean-Yves Leloup (écrivain, philosophe et théologien).

Tout commence par un sentiment, par un instant, un tout petit instant, de magie. Tout commence par un moment doux d'étonnement, un moment tendre d'échange, un moment sublime de découverte, de rêve et d'espérance. On est loin, je vous le concède, de la connaissance savante, on est dans le sens commun. L'homme bascule entre le beffroi du savant et l'effroi de l'ordinaire. Il est, par un processus continu d'inférence, tout le temps,à la recherche de signification, tantôt par interprétations tantôt par jugement. Il est, dans ses apprentissages des rapports sociaux, entre l'émotionnel affectif et le cognitif.

Mais que vous soyez raisonnés ou intuitifs, après cette chronique, vous ne regarderez probablement jamais le mois de septembre de la même manière. Ce mois synonyme, jusqu'à aujourd'hui, des tracasseries de la rentrée sociale, annonciateur des difficultés de la vie, des cycles infernaux de la circulation peu fluide ou pas du tout fluide et de dépenses douloureuses, est aussi le mois où s'engagent les luttes sociales. Le mois de septembre m'est, personnellement, très cher ; c'est un mois tout particulier, il est l'émanation de la liberté, le creuset des luttes pour l'émancipation et le lit de l'espoir. Ce n'est pas un parti pris, le mois est envoutant, il vous fait respirer la liberté.

Le mois de septembre compte les journées de la charité, de l'alphabétisation, de la liberté, de la démocratie et de la mobilisation contre la guerre et les occupations. Sur le plan international, l'histoire retient que le mois de septembre a vu la signature de traités mettant fin à nombre de guerres, l'indépendance américaine en 1783, la guerre entre Russie et Turquie en 1829, la fin de la seconde guerre mondiale par la signature, en 1945, de l'acte de capitulation du Japon. Il a vu aussi, l'indépendance de malte, du Botswana, du Qatar, de la Guinée Bissau, de Costa Rica, du Guatemala, du Salvador, du Honduras et du Nicaragua.Sur un autre plan, la Nouvelle Zélande a été le premier pays à accorder le droit de vote aux femmes et c'était en septembre 1893.

Le mois de septembre 1957 a vu l'avènement de la déségrégation raciale des écoles aux états unis par l'admission de 9 étudiants noirs à l'école des blancs à Little Rock, dans l'état, gouverné par un ségrégationniste de premier plan, de l'Arkansas.

En interne, le mois a vu la formation, au Caire, du Gouvernement Provisoire de la République algérienne en 1958, de la première Assemblée Nationale élue en 1962, de l'adoption, par référendum, de la Constitution Algérienne et de l'élection de Ben Bella en 1963 et enfin, de l'avènement, en 1964, de l'Assemblée Constitutionnelle.

L'histoire de notre pays, notre histoire, se réfléchit sur un miroir. Le miroir est impitoyable et si en plus il se souvient de vous, il le sera encore plus. Triangulée entre les sacrifices des bâtisseurs et le sacrilège de fossoyeurs animés par le mépris de l'autre et obnubilés par le pouvoir de leurs maitres, qu'ils honorent avec un sentiment de crainte irrespectueuse. Comme jadis les admirateurs de Cesare, flattés par la puissance de leur maitre, ils confondent sa grandeur et la leur. Ces fossoyeurs de malheur, font partie d'un monde baragouiné par des apprentis sorciers inconsistants, un monde où la droiture n'est plus une vertu ni l'honneur un statut.

Ni les feux de forêt, en dépit du lourd tribut payé par nos concitoyens, ni les problèmes de manque d'eau, graves en ces temps, ni l'augmentation intenable des prix des biens et des services, notamment des denrées alimentaires de première nécessité, n'entameront de la volonté de chacun à préparer son année, à arrêter des plans et à adopter des résolutions pour une année meilleure, pour un avenir prometteur.

Ni les plans foireux échafaudés par des séparatistes illégitimes et chimériques, à la solde de cercles aux desseins ignominieux, ni les scénarios de mauvais gout, improvisés par des groupes mafieux sous des sceaux religieux, encore moins les attaques véhémentes d'un voisin peu recommandable, n'atteindront une Algérie unie et indivisible.

Le mois de septembre enfin, je n'aurai pas pu l'oublier, marque le retour au travail de plus de 12 millions de personnes en Algérie, et près de 3.4 milliards de par le monde et nous permet de retrouver ceux qu'on a quitté, ou, plutôt, ceux qu'on a été obligé de quitter momentanément le temps des vacances. Nous sommes nombreux à passer plus de temps avec nos collègues qu'avec nos familles et notre nature, la nature humaine, nous pousse à aller vers les autres et à créer des liens assez rapidement et assez facilement. Ces relations, qui nous aident, pour être plus créatif, à éliminer plus d'obstacles et à développer des réseaux professionnels utiles, restent, comme même, émotionnellement épuisantes en raisons des attentes induites par la complexité des liens qui se tissent et des dépendances affectives qui peuvent s'ériger, se fortifier et parfois même nous commander.

L'Humain, qui est au cœur de tout progrès, a besoin d'interagir avec ses semblables pour trouver son équilibre et plus ses relations avec autrui sont de qualité, plus il parvient à s'épanouir. Cet épanouissement développe son empathie, son sens du collectif, son assertivité, son aisance relationnelle et son intelligence émotionnelle. Ainsi, le plan d'action du gouvernement, adopté, voyez-vous, le mois de septembre, adossé à quantité de chiffres, devrait réfléchir au rôle qu'il veut bien réserver aux femmes et aux hommes qui peuvent, comme il ambitionne, (réanimer) l'économie, (réinventer) la diplomatie, (réinstaurer) la justice sociale, (réintégrer) le politique et enfin se (réapproprier) notre avenir.