Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

«De la passation transgénérationnelle...»

par Houssine Mourad Salim*

Comment ne pas penser à la parabole de Kafka et son «Procès»°1 en ces temps incertains de «pouvoir de vie de mort » qui transcendent et les institutions séculaires de...leur civilisation écrite eurasienne et les consensus tribaux de...notre tradition orale lors de funérailles populaires in situ ?

Au delà de l'interprétation psychanalytique du vécu verbalisé jusqu'à la prospective du penseur d'un scepticisme extra-muros très européen , il y a lieu de s'étonner de cette résurgence des angoisses d'une «élite» locale devant la béatitude des faiseurs de rois et opinions soudain esseulés par l'absence momentanée du retour massifié des ...marcheurs de la fronde populaire ! Il est certain que l'équilibre issu d'une connivence nationale généralisée depuis des décennies ,exacerbé par la diabolisation d'un totem...très bien «encadré», ne pouvait tenir avec cette disette budgétaire prévisible bien avant l'avènement d'une ploutocratie made in Algeria qui demandait la confiance du peuple puisque ses produits à la « naphtaline » étaient bien « nés chez nous » , souvenez-vous !

Et voilà que le ressac d'un « hirak » que l'on pensait spontané et momentané, pour certains à la limite d'un mimétisme de voisinage, devient retour brutal d'une vague de traces mnésiques que la génération de Novembre avait refoulées des décennies dans un déni bien plus pudique que relevant de l'autocensure .L'inconscient collectif des jeunes générations branchées sur la Toile et ses cultures se nourrissait de toutes les lectures audiovisuelles de la saga tant épique que spectaculaire , souvent dramatique et très existentielle des vécus de leurs grands parents pendant les dernières décennies d'une colonisation de peuplement très communautariste et inégalitaire . Le dialogue/choc des civilisations exista bien avant Samuel Huntington, résultante d'une décolonisation qui n'en finit pas à ce jour, dévoyée par des médias où les artifices mnémotechniques remplacent les armes de combat pour...effacer l'adversaire de ses bilans comptables et bancaires !

La seconde crise de confiance entre gouvernants et gouvernés est devenue totale et unipolaire depuis le 22 février 2019 nonobstant les ressources humaines liées organiquement à l'infrastructure civile encore existante et en phase de démantèlement révélé soudain par cette crise du coronavirus devenue alibi à une navigation à vue et au jour le jour. La première crise de confiance des années 1990 était à la limite bipolaire avec des clivages qui avaient frisé une « guerre civile » souhaitée et claironnée par les « nostalgériques » d'une période coloniale révolue .Mais « les événements d'Algérie » de la décennie rouge et noire nous rappelait bien plus les troubles d'Amérique centrale et latine des années 70/80 que ceux de la guerre civile d'Espagne la fin des années 30 , tant dans leurs modes opératoire qu'économique ! Jamais les circuits de communication ne furent interrompus totalement et définitivement en Algérie (Routes, rail, postes, banques, transports de personnes et de marchandises, commerces, eau, gaz et électricité) .Jamais ne furent stoppées les activités de production tant étatiques que privées ! Les activités culturelles furent mises en veilleuse intra-muros...De là à écrire que la première rupture de confiance dans la gouvernance algérienne fût idéologique selon le registre conceptuel eurocentriste , je n'y crois pas ayant vécu cette décennie, lève-tôt à l'aurore rejoignant les jours de cours mon poste de travail distant de moins d'une centaine de kilomètres et retournant souvent la nuit tombée au bercail ! La crise fût constitutionnelle et les dérives ...structurelles avec leurs dizaines de milliers de victimes, souvent collatérales. L'exclusion, l'injustice, un découpage administratif et électoral inégalitaire et biaisé marginalisant et excluant du PNB des populations entières ajoutèrent à l'hémorragie. Les inégalités sociales au niveau du tissu urbain ,suburbain et rural engendrèrent des drames de proximité .Des règlements de comptes eurent lieu aussi pour effacer des ardoises datant de la guerre de libération ...Les campagnes de dénigrement d'icônes de la Révolution suite à l'intoxication d'archives piégées par les élèves du capitaine feu Alain Léger ne purent inverser la vapeur que dégagea le 22 février 2019 le plus grand mouvement populaire et pacifique de l'Algérie contemporaine.

Le jugement des masses fût sans appel et les icônes de Novembre 1954 furent accompagnées et réhabilitées par les jeunes générations d'une amnésie institutionnelle qui avait oublié d'imprimer dans ses librairies pédagogiques les textes du Congrès du FLN de la Soummam du 20 août 1956.

Le flambeau est là à l'image de la flamme olympique éternelle ! La passation transgénérationnelle de consignes entre la seule force structurée et organisée capable de protéger l'Algérie du million et demi de martyrs et un rassemblement représentatif des tendances du mouvement de masses du 22 février 2019 et partis politiques traditionnels.... s'avère urgente pour un gouvernement d'union nationale .

Sinon ...»passer à l'autre « indéfiniment le paiement de l'ordonnance de cette panacée «algériatrique «, l'exercice paraîtra facile, déculpabilisant, à la limite de l'oralité atavique de nos plébéiens préférant Allah à Dieu devant cette «porte de la Loi « qui rechigne à honorer...les icônes de la Révolution de Novembre 1954 !

- Références :

°1 - Le Procès est un roman posthume (1925) de l'écrivain pragois de langue allemande, Franz Kafka. Il relate les mésaventures de Joseph K. qui se réveille un matin et, pour une raison obscure, est arrêté et soumis aux rigueurs de la justice. Ce livre est considéré comme un chef-d'œuvre de la littérature mondiale

°2 - Auteur de « La R-évolution dans la rue ? » publiée le 1er Novembre 2018 aux Éditions Universitaires Européennes.

Lien : https://www.morebooks.de/store/fr/book/la-r-%C3%A9volution-dans-la-rue/isbn/978-613-8-43421-4

*Psychologue et écrivain