Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Leadership et communication institutionnelle au temps du Coronavirus : Quel rôle pour les institutions publiques et les médias ?

par Kamel GAROUI*

Développer d'excellentes compétences en communication est absolument essentiel a un leadership efficace. Le leader doit être capable de partager ses connaissances et ses idées pour transmettre un sentiment d'urgence et d'enthousiasme aux autres. Gilbert Amelio.

La présente contribution traite des rôles et pratiques des institutions publiques et des médias en périodes de crises en général ainsi qu'en rapport avec la pandémie actuelle du Coronavirus en particulier afin d'en minimiser les impacts négatifs sur la société et sur la bonne marche des institutions publiques.

En temps de crise, la manière avec laquelle les responsables gouvernementaux se comportent, décident et agissent a une immense influence sur le déroulement, l'issue et l'impact de celle-ci. Les experts de géopolitique s'accordent à dire que les déboires en termes de gestion du Coronavirus en Italie, en Espagne ainsi qu'aux USA sont au premier chef imputables aux mauvaises politiques et décisions prises par leurs gouvernements respectifs, et non pas du tout à leurs systèmes de santé qui sont au surplus excellents ! D'un autre côté, jusque-là les victoires de la Chine, de la Russie, de la Corée du nord, de Cuba et du Venezuela sur la pandémie sont à l'évidence le résultat de politiques et de stratégies efficientes.

La contribution s'imprègne de différents travaux en leadership et surtout de ceux de l'officier supérieur de l'Armée américaine G. Klann - voir bibliographie. Elle insiste sur la nécessaire pratique d'une « politique de collaboration » entre les institutions publiques et les médias en ces moments difficiles pouvant mettre en danger la machinerie constitutionnelle de pays entier.

Les médias constituent l'instrument par excellence du dialogue et de la communication gouvernementale - c'est le premier outil aux mains des gouvernants pour dialoguer avec les publics. Les différentes composantes de la société civile (les syndicats, les organisations patronales, les organisations sportives, les ONG, la mosquée, etc.) constituent d'autres instruments de dialogue.

La communication institutionnelle est définie comme une fonction distincte en management des organisations, qui aide à établir et à maintenir, entre une organisation et ses publics, des lignes de communication, de l'acceptation et de la coopération. Elle aide les responsables lors de la gestion de crises ou d'évenements exceptionnels, elle leur permet d'êtres informés et proactives vis-à-vis de l'opinion publique, et ainsi êtres à l'écoute et servir au mieux l'interêt général. Elle sert comme système d'alerte précoce pour anticiper les tendances. Elle utilise comme principal outil la communication éthique, non manipulatrice.

Dans la définition, le « public » ou parties prenantes est un concept désignant un groupe d'individus se trouvant dans des circonstances similaires. C'est de ces groupes qu'émanent les opinions. Le public est une créature variée et complexe. Les employeurs ou patronats forment un public, et les employés un autre ; le Gouvernement est un public, et les citoyens en constituent un autre. Chacun de ces groupes est un public qui se construit une audience, de la puissance et de l'influence avec ses propres méthodes, outils et techniques.

En communication institutionnelle une autre notion est tout aussi fondamentale, c'est celle d'« image » ou de « réputation » - c'est la perception mentale d'un groupe de personnes à propos d'un individu (amical, honnête, corrompu, efficace, juste, etc.), d'un produit, d'un service, d'un projet, d'une politique ou d'une institution. L'image n'est pas nécessairement vraie, ce n'est qu'une indication sur comment un individu, un produit, un service, un projet, une politique ou une institution est perçu par un groupe de personnes. Une institution dispose toujours d'une image dans l'esprit des publics. Certaines institutions bénéficient d'une image favorable, alors que d'autres bénéficient d'une image défavorable. Une bonne image est nécessaire à une organisation en vue de la concrétisation de ses objectifs.

COMPORTEMENT DES RESPONSABLES DES INSTITUTIONS.

Abordons d'abord brièvement le concept de crise. Aujourd'hui, à travers le monde, les crises sont devenues la norme, et non pas l'exception. Elles n'ont pas de limite ni de frontières, elles peuvent survenir n'importe quand, n'importe où, et dans n'importe quel pays. Elles exigent des réponses urgentes. Les crises constituent souvent un point tournant dans la vie d'un pays ou d'une organisation.

Une crise n'est ni prévue, ni planifiée. Il existe probablement des signaux faibles annonçant sa future survenance, mais dans le flot des activités routinières quotidiennes elle est passée sous silence.

L'effet le plus pernicieux des crises est qu'elles peuvent affecter négativement le comportement des différents publics - dans le présent cas du Coronavirus le public ou citoyens en général et les personnels du corps médical représentent les publics les plus touchés. Ceci constitue le plus grand challenge rencontré par les responsables. Elles donnent généralement lieu à un haut degré d'instabilité pouvant déboucher sur des résultats extrêmement négatifs pour la stabilité d'une organisation ou même d'un pays.

Les crises peuvent aboutir à un haut degré de confusion et de chaos, parce qu'il y'a manque d'informations (ou pire, désinformation) au moment où tout le monde en a psychologiquement besoin pour comprendre le quoi, le pourquoi et les effets potentiels de la situation - il n'y a pas plus néfaste que le vide informationnel et l'ambigüité.

On reconnait trois niveaux de sévérité aux crises, dépendants de leurs conséquences :

Niveau 1 : Le pays (organisme) est embarrassé au niveau national et international.

Niveau 2 : La réputation du pays (organisme) est mise en cause au niveau national et international.

Niveau 3 : Le pays (organisme) est menacé dans ses fondements.

Plusieurs actions doivent êtres entreprises par les responsables aussitôt qu'ils sont informés de l'imminence ou de la survenance d'une crise afin de réduire la peur et l'anxiété qui s'en suivent. En premier lieu, il faut rechercher les faits exacts, parce que souvent les premiers rapports ne sont pas précis. Pour cela, il faut disposer d'agents de terrain sur les lieux et théâtres de la crise avec pour seule et unique mission de collecter l'information et de faire des rapports.

Pour avoir prise sur les événements, le responsable efficace recourt aux trois composantes critiques à toute gestion de crises. Ils doivent se servir de l'outil de la communication, êtres claires quant à la vision et aux valeurs, et afficher sincèrement le respect et l'importance qu'ils accordent aux gens.

1/ La communication.

Communiquer avec clarté durant une crise est essentiel mais difficile. Les lignes de communication, internes et externes, doivent impérativement rester ouvertes et actives afin que les gens soient informés des faits exacts et en conséquence proscrire la rumeur.

Qui informer : En fonction de la gravité de la crise, les responsables doivent décider qui doit être informés, quand et comment. Ces parties prenantes peuvent être les employés et cadres (comme par exemple les personnels de la santé ou des services de sécurité avec la pandémie actuelle du Coronavirus), les médias, les différents publics, les organisations civiles, etc.

Les leaders doivent communiquer aux parties prenantes la réalité se rapportant à l'événement, qu'est ce qui se fait par rapport à l'événement et quels sont les implications potentielles. C'est une grosse erreur que de ne pas informer constamment les groupes impliqués - et notamment les médias - sur les événements, parce qu'ils constituent la meilleure porte voix pour véhiculer la vérité et contrer la rumeur.

En informant les publics, les leaders doivent se tenir aux faits et éviter les conjectures. Au début de la crise, il serait sage de ne pas se prononcer sur ses développements futurs. Le leader ne doit jamais fabriquer ou dénaturer l'information pour des objectifs de déception ou de tromperie, parce que de telles actions ne feraient qu'aggraver la situation.

En temps de crise communiquer avec consistance et clarté avec les médias est plus que critique. En effet, les responsables peuvent par cette voie exercer un puissant et positif impact émotionnel sur les différents publics. Ils peuvent ainsi :

Recueillir et diffuser des informations vitales.

Promouvoir une saine compréhension de la situation.

Combattre la désinformation et la rumeur.

Agir comme un système d'alerte précoce.

Actionner et contrôler les unités de secours (la protection civile).

Fournir des informations sur les activités et le trafic (ex., fermeture d'activités, de routes, d'écoles, etc.).

Alerter les publics sur les dangers possibles.

Il existe des actions spécifiques à mener vis-à-vis des médias et qui sont vitales à l'issue des crises, à savoir :

Rédiger un communiqué de presse, et le distribuer aux médias aussitôt après un événement : Une réponse rapide aide à réduire le flot des informations fausses et négatives, crée des perceptions positives, et réduit les incompréhensions. Plus important, elle réduit la peur et les émotions négatives des parties affectées par la crise. Les responsables des institutions publiques doivent agir en tant que premiers et principaux fournisseurs de l'information - si ce n'est pas le cas les médias chercheront l'information auprès d'autres sources, qui peuvent êtres malintentionnés.

Prendre l'initiative : Rencontrer les médias, notamment en organisant des conférences et points de presse. Diffuser les messages à travers tous les canaux possibles pour en assurer une large diffusion auprès des publics. Les messages doivent êtres clairs et simples et ne pas prêter le flanc à l'interprétation.

Etre crédible, précis et honnête : La conséquence de la tromperie à l'endroit des publics et des médias peut avoir des conséquences désastreuses. En temps de crise, la crédibilité des institutions publiques est d'emblée en jeu, pourquoi garantir sa totale perte en trompant. L'honnêteté et l'ouverture de nos responsables sont des ingrédients essentiels pour la réputation et même pour la survie de notre pays face aux crises.

S'excuser en cas de nécessité : Les publics respectent les responsables qui admettent leurs erreurs et qui promettent de les corriger, et ne respectent pas ceux qui n'ont pas le courage et le caractère d'admettre leurs erreurs. S'il ya mort ou blessure d'hommes lors d'une crise il faut prendre soin des victimes et de leurs familles.

Expliquer clairement : Durant les crises, il est important pour les leaders d'expliquer ce qui ne va pas, pourquoi ça ne va pas, les mesures prises pour y remédier, et ce qui se fait pour éviter la reproduction du problème à l'avenir. Dans les explications, il faut éviter les statistiques fouillés et les détails techniques, et faire en sorte que le message soit crédible, concis et consistant.

Evaluer la communication : L?excès d'information est tout aussi nuisible que son manque. C'est la responsabilité du leader de trouver le juste milieu. L'information qu'ils partagent avec les publics par le biais des médias et la manière avec laquelle ils l'a partage a un grand effet sur la perception de la crise.

Gérer les médias : Ce qui est rapporté par les médias doit être continuellement et scrupuleusement suivi. Si l'information rapportée est incorrecte, elle doit être corrigée pour refléter la réalité. Mais ce n'est pas a cause de cela que la relation avec les médias doit tourner au conflit - la crise ne disparaitra pas en s'aliénant les médias, bien au contraire elle s'enflera.

Comment livrer le message : En face de gens anxieux, Le leader doit adopter un comportement contrôlé, calme et confident. Une crise crée une telle tension que les gens n'écoutent pas attentivement comme en temps normal. Les thèmes et points importants doivent êtres répétés à l'assistance. Avant toute communication, les publics cibles doivent être identifiés avec soin.

Même la mauvaise information est essentielle en temps de crise parce qu'elle décourage la rumeur. L'effet d'une information négative mais vraie est meilleur que celui d'une information positive mais fausse. Les responsables limitent énormément l'impact de la rumeur en partageant l'information disponible avec les différents publics. Ils aboutissent au même résultat positif en n'hésitant pas à parler de ce qu'ils ignorent. Tous des moyens de communication disponibles doivent êtres exploités - conférence de presse, TV, Radio, Presse, Téléphone mobile, site web, réseaux sociaux, e-mails, lettres, etc.

2/ La vision et les valeurs.

Le leadership idéal implique d'être au front et de montrer la voie, en appliquant le principe de « suivez-moi ». Durant une crise, les différents responsables doivent vivre la vision et les valeurs définies et communiquées. Ils doivent donner l'exemple, prendre les responsabilités, et surtout êtres visibles.

Donner l'exemple : Ce n'est pas suffisant d'avoir des valeurs. Le leader doit les appliquer à lui-même pour donner l'exemple. Le leadership par l'exemple - et non pas seulement par les mots - aura un immense impact émotionnel en temps de crises. Les gens observent attentivement les responsables pour s'assurer que les choses sont sous contrôle et s'améliorent. Les leaders doivent apprendre à projeter une image de calme et de confiance quelques soient la gravité des circonstances. S'ils paraissent pressés, inquiets ou nerveux la crise ne fera que s'amplifier.

Prendre ses responsabilités et agir : Lors d'une crise, le responsable doit faire tout pour améliorer les choses, même s'il n'est pas à l'origine de la situation. S'il en est la cause, il doit avoir le courage moral d'endosser publiquement la responsabilité. Les véritables responsables n'attendent pas que la situation s'améliore d'elle-même. Ils la prennent en charge, se renseignent, managent et contrôlent les événements - en clair ils décident et agissent rapidement. Les leaders qui n'adoptent pas de tels comportements fuient leurs responsabilités.

Impliquer les publics : Impliquer les parties prenantes les plus critiques dans les processus de planification et de prise de décision les motivent à appliquer et à défendre les décisions prises. Le simple fait de leurs demander d'envoyer par e-mail leurs idées et suggestion sur les questions en cours suffit à les rendre concernés.

Etres visibles : En périodes de crises, il est très important pour les différents responsables d'êtres présents, visibles et disponibles. Ces trois attributs délivrent un message disant que les responsables sont engagés, concernés et prenant part activement à l'amélioration des choses. Le leader invisible ne fait que soulever des interrogations, augmenter l'anxiété et prolonger la crise.

Célébrer les succès : Reconnaitre et célébrer les avancées lors d'une crise est un puissant facteur pour inspirer et pousser les différents publics à faire du bon travail et à se surpasser.

3/ Les relations humaines.

Une crise menace un certain nombre de besoins humains de base, notamment la sécurité. De bonnes relations humaines entre les responsables et les publics en constituent le meilleur rempart. Lorsque ces besoins ne sont pas satisfaits - ou perçus comme tels - les émotions comme la peur, la confusion, la colère et les griefs naissent et enflent, poussant les gens à se comporter de manière à les satisfaire. Or ces comportements négatifs sont contreproductifs et ne feront qu'aggraver la situation.

La sincérité consolide les relations : La sincérité est à la base de relations humaines saines. Les gens se rendent compte, respectent et s'attachent à l'authenticité. Aucune raison ne pousse les gens à ne pas collaborer avec des responsables à qui ils peuvent parler aisément, qui ne les regardent pas de haut, et qui ne les diminuent pas. De tels responsables écoutent ce qu'ils doivent écouter même si c'est déplaisant, et non pas ce qu'ils veulent écouter. Aussi, ces leaders rient d'eux-mêmes, ont le sens de l'humour et de l'anecdote, prennent beaucoup de risques, et font des erreurs et les admettent. Durant les crises les gens les assimilent à eux-mêmes, comme ayant les mêmes problèmes, concernés par la situation, et travaillant à améliorer la situation.

Les relations doivent durer : Les responsables efficaces affichent continuellement leur attention et leur compassion. Ils construisent et entretiennent un environnement encourageant l'initiative et la participation de tous. Le plus important dans le comportement des responsables est la sincérité. S'ils se comportent en manipulateurs et de façon non sincères, les gens se rendront compte et leur influence en prendra un coup.

Le partage d'expérience fortifie les relations : Des relations fortes et effectives naissent principalement de connections émotionnelles positives. Ces dernières représentent les liens qui se tissent en réponse à de l'appréciation mutuelle, de perspectives similaires et de négociations réussies après une variété d'expériences partagées. Ces opportunités aident les responsables et les publics à développer le sens de la communauté et de la camaraderie. Ce qui facilite une communication efficace, ainsi que la réduction de la peur, de la confusion, et de l'insécurité.

La résolution de problèmes et de conflits : Des compétences en matière de résolution de problèmes et de conflits sont cruciales aux responsables en temps de crises. En effet, le stress et la pression qui naissent durant une crise amplifient les frictions et les tensions entre les parties impliquées, qui à leur tour aggravent la crise.

Les responsables doivent contrôler leurs émotions : Durant une crise les médias peuvent poser des questions embarrassantes, les publics peuvent formuler des griefs extravagants, les leaders d'opinions faire des critiques infondées, etc. En ces temps, les leaders doivent faire très attention à leurs émotions, à leurs réactions au stress, et à comment les autres les perçoivent. Ils doivent adopter un comportement calme et mesuré, ce qui contribue à mitiger la crise au lieu de l'aggraver.

QUEL ROLE POUR LES MEDIAS.

Le rôle primordial des médias en tant que canal de communication entre les gouvernants et les gouvernés n'est plus à démontrer. La télévision, la radio, les moyens imprimés et les nouveaux média sont devenus aujourd'hui des organes vitaux à toute vie politique nationale et internationale. Mais tout indique que les médias ne jouent pas leur rôle comme il se doit.

1/ Les médias ne jouent pas leur rôle.

Tenant compte du fait que les médias devraient jouer un rôle crucial en temps de crise, on est en droit de croire que malgré les efforts et les sacrifices consentis, nombre d'entre eux, en Algérie, ne jouent pas aujourd'hui, pour différentes raisons, pleinement le noble rôle qui leurs sied. Ce qui est présenté aux publics n'est souvent pas la pure vérité, mais le point de vue des acteurs les plus influents au détriment d'autres acteurs. Si la majorité des journalistes sont des experts en matière de couverture d'événements et de reportages d'investigation, une minorité ne dispose pas d'un sens aigu des enjeux et manœuvres géopolitiques ou géoéconomiques internationaux.

L'impression qui se dégage dans l'opinion est que les médias n'accomplissent pas comme il se doit leur travail. Les publics sont poussés à trop s'intéresser aux crises, en raison principalement d'une couverture médiatique souvent provocatrice et sensationnelle. De ce fait, les gens développent une perception d'un environnement beaucoup plus où beaucoup moins dangereux qu'il ne l'est réellement. Effectivement, les medias ont souvent tendance à insister sur le sensationnel et la controverse par rapport aux faits réels, qui plus est, ils versent dans le commerce et la compétition. Informer les publics n'est pas le seul objectif, et le profit devient objectif important.

Les médias poussent le citoyen à se concentrer sur certains aspects de la vie publique au détriment d'autres, ils donnent plus de poids à certains volets de la réalité, tout en amoindrissant d'autres. Les aspects commerciaux ou de profit dominent tellement que certains médias n'hésitent plus à couvrir de manière biaisée les événements et les crises, ou la controverse et la provocation prédominent.

Par ailleurs, si les medias - surtout en temps de crises - ne peuvent pas questionner ou interpeller les politiciens sur leurs actes, alors ces derniers deviendraient pratiquement non redevables des résultats de leurs activités. En outre, souvent trop d'importance est accordée à la vie privée des responsables, alors que des résultats importants de leurs politiques et projets sont carrément passés sous silence, ce qui ne manque pas d'envelopper faussement ces responsables du voile de l'incompétence et de l'irresponsabilité.

2/ La question de l'objectivité.

La télévision, la radio, les médias imprimés, Internet et la téléphonie cellulaire constituent les véhicules de la diffusion de l'information. Ils sont, de ce fait, le prisme à travers lequel les publics apprennent sur les crises, les comprennent et les appréhendent.

Aussi bien, l'objectivité ou l'absence de parti pris est l'aspect le plus important que les médias doivent observer. Mais le concept d'objectivité n'est pas absolu et a ses limites, et il existe des situations exceptionnelles - ayant trait notamment aux relations internationales, à la religion, a la sécurité publique, etc. - ou l'objectivité devient contreproductive au point de vue de l'intérêt national.

La manière avec laquelle les médias couvrent les crises peut altérer la réputation du pays et la façon dont les acteurs étrangers le perçoivent. Qui plus est, par une couverture extensive, les medias ont le potentiel de créer une crise politique à partir d'un fait mineur.

3/ Rôle des médias.

Aujourd'hui l'activité de politique, intérieur et étrangère, est carrément ineffective sans son accompagnement par les médias. Ainsi les gouvernements, à travers le monde, accordent beaucoup d'attention aux voies et moyens leurs permettant d'influer sur les activités des médias. Ces derniers étant indissociables de la vie politique, ils participent, en cela, à la promotion des politiques gouvernementales et au façonnage de l'opinion publique. Si les médias sont considérés en temps normal comme un outil primordial dans la vie politique des nations, en temps de crise - comme aujourd'hui avec celle du Coronavirus - ils acquièrent un pouvoir autrement plus important. En ces moments, ils doivent informer objectivement les publics et demeurer vigilants et immunisés contre toute influence ou pression allant à l'encontre de l'intérêt national. La liberté de la presse est fondamentale au fonctionnement normal de tout pays, mais elle ne peut aucunement être absolue.

Globalement les médias devraient jouer trois grands rôles :

Celui de garde de la société - les anglo-saxons osent utiliser carrement le terme de « chiens de garde », en veillant sur l'environnement par la collecte et la diffusion de l'information rapidement et fidèlement. Ils doivent aussi surveiller les erreurs et les actes de mauvaise gestion des responsables. Cette fonction de surveillance ou de garde profite non seulement aux publics en général, mais elle profite aussi et surtout aux responsables politiques eux-mêmes car elle les pousse à se corriger constamment.

Faire participer le citoyen à la vie publique et aux questions de gouvernance en l'informant et en le formant.

Influencer et orienter l'opinion publique dans le sens de l'intérêt général, notamment lors des crises.

Dans chaque pays il ya un mélange - à des degrés divers - de ces différents rôles. On peut noter aussi, que dans les pays dits « démocratiques », c'est le rôle de garde qui prime ; dans les autres, c'est l'influence qui prend le dessus. Dans quelque pays que se soit, en période de stabilité les médias versent plus dans le rôle de veilleur. Au contraire, lors des moments de crises, ils basculent dans l'influence.

Mais il faut noter que même les gouvernants des démocraties occidentales entrent en collusion avec les médias pour influencer la perception des publics durant les crises. Il n'échappe à personne que dans ces pays les médias les plus influents forment des conglomérats ayant des liens étroits avec les gouvernants. La bonne parole étant infuse par les avis d'experts à la solde ainsi que par des conférences de presse.

Durant les crises, les publics deviennent gourmands en informations. Ils se tournent vers les médias pour s'informer sur ce qui se passe et sur ce qui risque d'arriver. En ces temps difficiles les médias jouent un rôle de premier ordre pour diminuer la tension et informer les publics sur la nature du problème et la manière d'y faire face. Les medias contribuent aussi à minimiser les dégâts lors de la résolution de la crise.

Les médias ont le pouvoir de faire vivre ou de détruire les normes et habitudes culturelles et sociales. Ils peuvent aussi donner de la puissance à certains groupes au détriment d'autres. Ils peuvent nous faire croire que le gouvernement et ses ministres n'exercent pas correctement leurs missions, en focalisant exagérément par exemple sur les affaires de corruption. De même, ils peuvent créer des effets comme augmenter la peur et l'anxiété parmi certaines parties prenantes, comme par exemple les populations et les personnels de la santé aujourd'hui avec le Coronavirus

La télévision, la radio, la presse écrite ont, par ailleurs, le pouvoir de mobiliser et canaliser l'effort des parties prenantes (populations, employés, etc.) dans les domaines politique et économique ou de gestion de crises et de défense de la Nation.

Les médias réalisent aussi des reportages d'investigation. C'est un travail complexe qui aide à la mise en place d'une culture de transparence dans la gouvernance publique tant en temps normal que de crises, rendant, par là même, les responsables aux différents échelons plus redevables de leurs activités.

S'agissant d'individus, les médias jouent un immense rôle dans la construction de l'image des personnalités - ils leur est loisible de peindre en rose une personne, comme, au contraire, ils peuvent la détruire.

D'un autre coté, les médias font face à d'énormes pressions durant les crises - notamment les influences de la part d'acteurs étrangers mal intentionnés - et malheureusement ceux-ci s'y prêtent parfois à ce jeu, à leur corps défendant. Il faut toutefois noter ici que le danger de manipulation des médias ne doit en aucun cas donner lieu à un empiétement, de la part du Gouvernement, sur leur liberté et leur indépendance. Toutefois les médias doivent équilibrer entre, d'une part le droit sacré du citoyen à l'information, et d'autre part l'obligation de préservation de l'ordre public et de sauvegarde de la sécurité des citoyens. L'Algérie a vraiment besoin aujourd'hui, comme jamais auparavant, de médias vraiment conscients de leurs responsabilités. L'extraordinaire quatrième pouvoir des médias - surtout celui de façonneur d'idées sur les situations géopolitiques comme celle d'aujourd'hui avec le Coronavirus - doit être exercé avec mesure et dans le seul intérêt du pays.

Comment les officiels eux-mêmes, les institutions et leur manière de traiter une crise ainsi que la situation politico-économique sont perçus est dans large mesure dépendant du travail des médias. Notre pays a besoin, en ces moments difficiles, de médias proactifs, conscients et responsables, dont la liberté doit être renforcée. Dans le même temps, cette liberté ne doit en aucun cas donner lieu à une exploitation par des acteurs malintentionnés à des fins mettant en péril les intérêts de l'Algérie et des Algériens. Le principe d'objectivité doit être respecté autant que faire se peut avec pour seule ligne rouge la sécurité nationale.

CONCLUSION.

La communication institutionnelle constitue un outil stratégique aux mains de notre Gouvernement dans ses dialogues et négociations avec les publics, ainsi que lors de la présentation et de l'exécution de ses politiques, projets et activités, notamment en temps de crises. En un certain sens les médias sont ses oreilles, ses yeux et sa voix. En conséquence, les responsables des institutions publiques devraient êtres plus sensibilisés à leur caractère stratégique et leur opérationnalité. Ils doivent être, de surcroit, formés à leurs outils et techniques.

Aujourd'hui nos leaders gouvernementaux sont confrontés, comme jamais auparavant, à des problématiques complexes mêlant efficacité des institutions publiques, viabilité socio-économique du pays, et menaces nouvelles. En conséquence, une large collaboration devrait être entreprise avec les médias, de façon à traiter de ces aspects très particuliers mais vitaux à la bonne marche des affaires de l'Etat.

Un autre point, le responsable efficace est transparent concernant ses activités. Il prend un « engagement » visible vis-à-vis des experts externes et du public en général, notamment par le biais des médias. Quand il rend publics ses activités, il se met volontairement sous une pression d'ordre psychologique et se sentira ainsi infiniment plus contraints de les réaliser. En effet, le risque encouru, en termes de notoriété, de réputation et d'image - et en conséquence en terme de bonne marche de ses projets - est tel qu'il est dissuadé de revenir ses déclarations. Un engagement visible vis-à-vis du public lui apporterait, en outre, par le biais du dialogue et de la critique constructive, un formidable surplus extérieur d'intelligence et d'expertise. Pour témoigner de l'extrême importance du concept de transparence, il faut se rappeler que, dans les années quatre vingt du siècle dernier, Mikhaïl Gorbatchev et Iouri Andropov, dans leur tentative de réforme et de sauvetage de l'Empire Soviétique, ont introduit le concept de « Glasnot » dans les activités gouvernementales, terme qui signifie « l'action de rendre public ».

Si les hommes politiques sont comptables de leurs actes en partie en raison de l'activisme des journalistes, ces derniers n'ont pratiquement de compte à rendre personne, sinon à leur conscience. En cela, ils doivent êtres formés en permanence et sensibilisés aux aspects et impacts interdisciplinaire et multidisciplinaire, tant journalistique que géopolitique et géoéconomique, de leur métier.

*Ancien cadre du Ministère de la défense nationale et de l'ex. Ministère de la prospective et des statistiques.

Documentation choisie :

Arjen Boin and Paul't Hart (2003), Public leadership in times of crisis : Mission impossible, Public administration review.

Robert Bolton (1986), People skills, New York, Touchstone Book.

Stephen R. Covey (2006), L'étoffe des leaders, Paris, First Editions (Traduction de l'américain).

Stephen R. Covey (1995), Priorité aux priorités, Paris, First Editions (Traduction de l'américain).

Prabhash Dalei and Kaustubh Mishra (2009), Role of media in a political crisis, Proceeding and E-Journal of the 7th AMSAR on roles of medias during political crisis.

Daniel Goleman (1997), L'intelligence émotionnelle, Paris, Editions Robert Laffont (Traduction de l'américain).

Daniel Goleman (1999), L'intelligence émotionnelle - 2, Paris, Editions Robert Laffont (Traduction de l'américain).

Daniel Goleman, Richard Boyatzis and Annie Mckee (2004), Primal leadership: Learning to lead with emotional intelligence, Boston, Harvard Business School Press.

Ronald A. Heifetz and Donald L. Laurie, The work of leadership, in Harvard Business Review on Leadership (1998), Boston, Harvard Business School Press.

Gene Klann (2003), Crisis Leadership, Center for creative leadership.

John P. Kotter (1998), What Leaders Really Do, in Harvard Business Review on Leadership, Boston, Harvard Business School Press.

James M. Kouzes and Barry Z. Posner (2002), Leadership: The challenge, San Francisco, John Wiley and Sons.

Andrew Szilvasi (2004), Crisis Leadership: How the ability of leadership to communicate affects the outcome of crisis, Master of arts in corporate and public communication.

Samina Yaqoob (2009), A study of Media: Role, Analysis and consequences in the political crisis, Proceeding and E-Journal of the 7th AMSAR on roles of medias during political crisis.