Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les pays de l'OPEP doivent compter sur leur propre réduction

par Reghis Rabah*

Tout porte à croire que l'OPEP en tant qu' organisation puissante qui a fait vibrer les taxieurs des années 70 a perdu tout contrôle sur les prix du baril de pétrole qui est passé ces dernières années soit entre les mains des Américains et maintenant la Russie qui s'impose comme acteur incontournable depuis l'accord noué en 2016 a Vienne entre le cartel pétrolier et les dix autres pays sous le leadership, maintenant visible à l'œil nu de la Russie.

En effet, pendant que les prix du baril ont atteint leur plus bas niveau depuis au moins une année, la discussion d'intervenir pour redresser les prix se limite entre la Russie qui trouve cette situation conjoncturelle et prône la prudence voire même le statut quo et l'Arabie Saoudite pressée par les autres membres de l'OPEP pousse quant à elle vers une baisse de la production. Pendant que se déroule cette chicanerie entre ces deux grands producteurs, les prix du baril continuent de baisser en dépit des assurances chinoises de l'évolution de coronavirus qu'elle dit maitriser maintenant.

Depuis cet événement chinois, le Brent, proche du Sahara Blend Algérien est resté en moyenne de 55, 54 dollars le baril avec un point haut de 56,64 et celui bas 53,11 dollars le baril, un niveau qui a alerté largement les pays dont leurs économies est fortement dépendantes des recettes pétrolières comme à juste titre l'Algérie et le Venezuela. Le WTI référence Newyorkaise est passé au dessous des 50 dollars pour s'établir le 10 févier 2020 à 49,94 dollars le baril. Les grands producteurs pétroliers lit -on (01) sur le site de Challenge.fr, se sont réunis en fin de semaine dernière dans la capitale autrichienne pour tenter d'enrayer la baisse provoquée par l'épidémie de coronavirus qui frappe la Chine pratiquement en vain. Pourquoi ? Pour la première fois depuis 2016, les deux pays forts de l'accord ont semblé jouer des partitions différentes. Si Riyad, de même que les autres membres de l'OPEP, s'est positionnée en faveur d'une baisse de production de 600.000 barils supplémentaires par jour, Moscou s'y est montrée nettement moins favorable, même si le gouvernement russe a fini par se déclarer ouvert à cette nouvelle restriction. Cette « bisbille » russo-saoudienne semble d'abord surprendre les autres membres de constater la Russie s'ériger en leur tutelle influente et puis s'interrogent sur la fidélité de Poutine sur l'accord historique de 2016 qui avait débouché rappelons le sur une baisse de la production de 1,2 millions de barils par jour et qui a donné un souffle au prix du baril à l'epoque. Nombreux sont des observateurs qui pensaient que la Russie n'allait pas respecter les engagements pris à Vienne par ce qu'elle est habituée de manquer à sa parole par le passé.

Les divergences apparues ces derniers jours s'expliquent surtout par le fait que la Russie a besoin d'un baril moins élevé pour équilibrer son budget que d'autres pays dont l'Arabie saoudite qui commence à montrer son impuissance face à l'influence russe. De l'autre côté, les stocks américains, ne semblent pas non plus favorables à une reprise.

Rappelons que le dernier le jour de la publication par l'Agence Américaine d'Information sur l'Energie (EIA) des stocks de pétrole brut aux États-Unis qui ont bondi de près de 7,5 millions de barils lors de la semaine achevée le 7 février, soit plus de deux fois plus qu'attendu par les analystes. Tout cela montre qu'un prix d'équilibre producteurs /consommateurs, ne peut se concrétiser que loin des influences géostratégiques pour revenir à ses fondamentaux dont l'offre et la demande, or les pays de l'OPEP ont une influence sur cette offre, alors qu'attendent ils ?

Pourquoi l'Algérie qui la préside devra agir dans ce sens

Une première solution immédiate pour pallier à la baisse de la production du gaz est le maintien des prix au moins au niveau consensuel c'est-à-dire dans la fourchette 60 -70 dollars le baril. Pourquoi ? Parce que ses clients aussi sont frappés par la crise économique et réduisent leurs demandes. En effet, dans son bilan du premier semestre 2019, le géant italien ENI, principal client gazier de l'Algérie révèle la baisse « dramatique » des exportations Algérienne vers l'Italie durant ces premiers mois de l'année en cours. (01) Ces volumes y compris le gaz naturel liquéfié (GNL) qui étaient de 6,48 milliards de m3 durant la même période en 2018 sont redescendus à 3,73 milliards de m3 de janvier à juin 2019 soit une baisse de 42,4%.

Le rapport relève que cette baisse drastique non attendue, devait le contraindre pour faire de la gymnastique afin de combler ce déficit qui a certainement causé une perturbation dans la programmation de la compagnie italienne qui a réussi à trouver son salut là où on ne s'attendait pas. En effet, la Libye en plein guerre civile et dans une instabilité depuis plusieurs années a fait un effort pour une disponibilité de plus de 1,1 milliards de m3. Les six premiers mois de l'année 2018, elle a fourni aux Italiens 1,80 milliards de m3, elle en a approvisionné durant la même période en 2019, 2,90 milliards de m3. Les autres clients y compris la compagnie elle-même par ses propres moyens sont restés stables voire presque au même niveau avec la Russie qui a fourni durant les six premiers mois 2018 et 2019, 13,29 milliards de m3 successivement.

Cette situation était attendue depuis ces deux dernières années où des déviations des gaz d'injection pour compléter les exportations, souvent sans l'aval de l'Etat (Alnaft, ministère, conseil d'administration), ont porté atteinte aux gisements sur le court terme. Pour rappel, au premier trimestre 2017 les volumes avaient augmentés de 6,6%. La baisse est amorcée à partir du deuxième trimestre de la même année et depuis n'a cessé de suivre cette tendance négative. En volume les exportations ont baissé de 8,4% en 2018 après avoir enregistré une baisse de 3,5% en 2017.

C'est les exportations des hydrocarbures qui ont creusé le déficit en cours

L'APS qui cite la direction générale des douanes, vient d'alerter sur le déficit de la balance commerciale qui a dépassé les 6,1 milliards de dollars avec des importations en moins qui ont-elles mêmes baissées de- 4,30% en gagnant un milliard de dollars dont les produits alimentaires qui ont pris les 50% soit un demi milliard de dollars. Le reste revient à la coupe du programme du montage des véhicules en limitant carrément les importations des kits des CKD/SKD et bien d'autres produits. Ce qui est sûr, c'est que si les prévisions du premier semestre 2020 ne sont non plus optimistes, la dévaluation du dinar devient une nécessité absolue.

La baisse des exportations des hydrocarbures qui selon toute vraisssemblance se poursuit ne pourront plus pouvoir financer les besoins essentiel pour le circuit économique et social, auquel cas, le recours à l'endettement extérieur sera inévitable. Face aux députés dans le cadre du plan d'action du gouvernement, le premier ministre Abdelaziz Djerad est beaucoup plus pessimiste avec les chiffres. Il a fait savoir que la situation financière du pays demeurait « fragile » et tributaire des fluctuations du marché mondial des hydrocarbures, citant « l'aggravation du déficit budgétaire en 2019, la hausse du déficit de la balance commerciale à 10 milliards de dollars fin 2019, le recul des réserves de change de plus de 17 milliards de dollars et la hausse de la dette publique intérieure qui a atteint 45% du PIB contre 26% en 2017 », en sus de « l'incidence financière importante résultant des décisions et engagements pris en 2019, qui s'élève à 1.000 milliards de dinars, en l'absence des financements nécessaires à leur couverture ».

L'OPEP devra sortir du rôle défensif qui lui est imposé

Le prix du baril de Brent, qualité qui se rapproche du Sahara Blend Algérien se maintient difficilement au dessus des 50 dollars . L'augmentation de la production américaine de pétrole, une baisse circonstancielle de la demande et l'entretien des raffineries n'ont pas permis de remédier à la baisse des prix causée par le surplus mondial depuis 2014. Une hausse trop rapide des cours ferait cependant courir à l'OPEP le risque de stimuler la production Le comité ministériel, selon son président actuel Mohamed Arkab, ministre de l'énergie Algérien a demandé au secrétariat de l'OPEP de passer en revue le marché du pétrole et de faire des recommandations d'une éventuelle diminution pour redresser les prix.

Il est possible que les marchés soient déçus et aient attendu de la part du comité qu'il effectue une recommandation immédiate d'extension. Ce n'est selon toute vraisemblance pas le cas car cet accord se limiter uniquement à faire barrage à un prix plancher de 50 dollars le baril. Pourquoi ? Parce que l'effort de réduction fait par chacun des membres n'a pas suffit d'éponger le surplus de prés de deux millions de baril sur le marché. Les marchés réalisent que si l'OPEP produit moins, les Etats-Unis augmentent leur production, ce qui fait que les prix vont baisser. Automatiquement, les membres vont se réunir pour examiner d'autres possibilités, les prix reprendront légèrement et ainsi de suite. De cette manière, les prix du baril resteront plombés dans une fourchette entre 50 et 60 dollars et le panier de l'OPEP dépassera difficilement le seuil des 50 dollars. Cette oscillation des prix dans une fourchette ne dépassant pas les 60 dollars et ne descend pas moins des 50 semble agréer tous les acteurs à l'exception de ceux dont l'économie reste fortement dépendante des hydrocarbures comme l'Algérie. Cette règle dure dans le temps et impose un nouveau modèle qui distribue un rôle à chacun des acteurs. Les producteurs de gaz de schiste réguleront la partie haute c'est-à-dire le plafond des prix et les producteurs dont l'OPEP joueront le goal qui ne laissera pas passer le ballon au-dessous des 50 dollars. A moins qu'il est un événement géopolitique qui chamboulera ce modèle ce qui est peu probable. Le cas de l'attaque américaine en Syrie est édifiant car les prix du Brent ont fait un saut de 4 dollars en une séance. Mais il ne faut pas s'en réjouir car il s'agit d'un simple avertissement.

La problématique est que les premiers, les attaquants font des efforts de recherche immense pour adapter leur tactique : Aujourd'hui, on constate que les compagnies qui produisent le pétrole et le gaz de schiste ont développé des techniques qui leur permettent de produire d'une manière rentable pour un prix de 50 dollars. La défense quant à elle ne fait qu'accentuer sa dépendance des hydrocarbures et, partant mettre leur développement en péril

*Consultant, Economiste Pétrolier

Renvois

01 https://www.challenges.fr/entreprise/energie/chute-des-prix-du-petrole-ce-que-revelent-les-bisbilles-entre-l-arabie-saoudite-et-la-russie_698390

(02)https://www.eni.com/docs/en_IT/enicom/publications-archive/publications/reports/reports-2019/Interim-consolidated-report-June-30-2019.pdf.