Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LES DIVORCES ET LE LABEL SOCIAL

par Abdou BENABBOU

Si l'on devait quêter des repères sur la mue profonde de la société algérienne, on devrait regarder de plus près les formes et les configurations que prennent les mariages et les divorces dans le pays. Le chamboulement est révélateur de nouveaux us et coutumes qui s'installent et les statistiques officielles, bien qu'elles étalent des chiffres assourdissants, sont loin de la réalité. Entre le réel et les énoncés, une large marge d'inconnues est installée à la faveur de multiples données culturelles figées par les discrétions familiales et individuelles reposant toujours et inévitablement sur le dogme religieux.

Des milliers de divorces sont enregistrés officiellement chaque année. L'incompatibilité des humeurs comme justification des séparations n'est qu'un faire-valoir superficiel usité voilant une révolution sociale qui montre ses dents. C'est d'un remodelage conséquent du profil de l'Algérien et de l'Algérienne qu'il s'agit. Cette transformation se fait en dents de scie et donne lieu à un curieux paradoxe où la religion et la volonté d'émancipation se télescopent pour produire des situations souvent compliquées et indéfinies. La pression économique et ses exigences pour vivre, les influences culturelles qui ont fini par avoir raison des frontières, le savoir et l'éducation scolaire, ont percuté frontalement la préséance du couple d'antan remettant en cause la suprématie absolue du mâle sur le couple. Curieusement, le courant religieux devenu spectaculairement dense ouvre aussi des brèches à de plus en plus de femmes en mal d'union qui avouent franchement accepter d'être des épouses secondaires pour vivre avec des congénères sous un même toit, l'essentiel pour elles est qu'elles aient le label social de mariée. Emportées par cet essentiel, certaines d'entre elles vont jusqu'à briser le tabou de partager la couche avec un étranger.

De l'ensemble de ces surfaces matrimoniales émane en sourdine un nouveau sens de la responsabilité et celle du mâle est sérieusement grignotée. L'âge adulte n'est plus ce qu'il était et la dextérité dont disposaient les couples pour évoluer dans la vie a été érodée par une multitude de contraintes économiques et sociales inconnues jusqu'ici. Le plus significatif est que la moustache n'est plus un signe de maturité.