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De COP en COP l'urgence climatique ne devient plus un leurre

par Reghis Rabah*

  L'urgence écologique est l'aboutissement d'un processus né en 1972 aux Etats-Unis. Sans illusion d'optique ni anachronisme, une philosophe du nom de Cynthia Fleury a décrypté d'une manière pragmatique les grandes étapes de la conscientisation de la nature en péril. De la création des premiers grands parcs nationaux aux Etats Unis en 1972 à la COP 25, pas à pas, les mondes artistiques ,scientifiques et politiques se sont éveillés. Les citoyens se sont convertis au fil de l'eau mais les marches des jeunes dans de nombreux pays pour le climat il y a un an ont marqué un tournant : pour la première fois, les victimes futures auto-décrétées de notre inaction sont montées sur scène pour demander des comptes. Face à cet enjeu global, les faiblesses démocratiques deviennent dramatiques. Aujourd'hui, plus que jamais, la nécessité démocratique s'est trouvée renforcée par la nécessité écologique.

Les Européens étaient présents en force à Madrid lundi 5 décembre 2019 pour l'ouverture de la 25e conférence de l'ONU sur le climat (COP25) où se sont multipliés les appels à agir vite et fort. « Nous serons les champions de la transition verte », ont assuré de nombreux leaders politiques devant une quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement. Le « Pacte vert » que la Commission européenne sous la présidence de Charles Michèle doit présenter le 11 décembre au Parlement européen « sera un traité de paix avec la nature », dit-on.

« Notre objectif est d'être le premier continent neutre sur le plan climatique d'ici à 2050. Pour atteindre cet objectif, nous devons agir maintenant, nous devons mettre nos politiques en œuvre maintenant », a renchéri la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen au lendemain de sa prise de fonction. L'Union européenne, 3ème émetteur mondial de gaz à effet de serre (GES) derrière la Chine (26%) et les Etats-Unis (13%) avec 8,5% des émissions totales sur les 10 dernières années, était très attendue par les participants à cette COP où les principaux pollueurs n'ont pas envoyé leurs plus hauts représentants.

Pas de Xi Jinping (Chine) ou de Narendra Modi (Inde), pas non plus de Justin Trudeau (Canada) ou de Shinzo Abe (Japon). Personne n'espérait non plus le climato-sceptique président brésilien Jair Bolsonaro, et encore moins Donald Trump, qui vient d'officialiser le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris l'an prochain. Au-delà de déplacements symboliques, « nous ne nous attendons pas à des annonces importantes de la part d'aucun des grands pays, pas la Chine, pas l'Inde, et certainement pas les Etats-Unis ou le Brésil », a commenté Alden Meyer, observateur pour l'Union of Concerned Scientists. Certains observateurs ont même vu de récentes déclarations de Pékin et de Tokyo comme des signes que les deux pays ne réviseraient pas leurs ambitions à la hausse en 2020. Alors c'est l'Europe qui suscite toutes les attentes.

1-Les performances sont jugées très faibles un futur prometteur

Les Européens se sont engagés à réduire de 40% leurs émissions de GES d'ici 2030, comparé aux niveaux de 1990. La Commission européenne prévoit que cet objectif soit dépassé, mais plaide pour une ambition plus forte de neutralité carbone d'ici 2050. Les 28 doivent examiner cette proposition lors d'un sommet la semaine prochaine mais trois pays sont encore réticents (Pologne, Hongrie, République tchèque). Plutôt que la neutralité carbone, les Tchèques se posent comme objectif à long terme de réduire les émissions de 80% d'ici 2050, a indiqué lundi à Madrid le Premier ministre tchèque Andrej Babis, soulignant ses responsabilités envers l'environnement mais aussi envers l'économie. « L'Union Européenne (U E) ne peut pas rester seule comme l'acteur le plus ambitieux dans cette lutte pour adapter son économie au changement climatique » devait il souligner Même si l'UE adopterait la cet objectif de neutralité carbone, elle ne devrait pas présenter avant plusieurs mois une révision de ses ambitions à plus court terme, dans l'optique de la COP26 à Glasgow, comme le prévoit l'accord de Paris. Alors les défenseurs de l'environnement, qui souhaitent que l'UE s'engage sur une réduction des émissions de GES d'au moins 50% d'ici 2030, sont restés sur leur faim lundi à Madrid. « A nos yeux, la performance d'Ursula Von der Leyen a été très faible », a déclaré à l'AFP Lisa Göldner, de Greenpeace. « C'est très problématique que la situation géopolitique soit telle que quelqu'un qui est faible soit en position de leadership ».

Même déception du côté du Climate Action Network Europe, qui a regretté l'absence d'annonces d'actions « face à «l'urgence climatique ». « Les dirigeants actuels de l'UE sont la dernière génération qui peut faire de l'accord de Paris une réalité et empêcher une décomposition climatique », a insisté son directeur Wendel Trio dans un communiqué.

Alors que le mercure a déjà gagné un degré par rapport à l'ère pré -industrielle, l'accord de Paris vise à limiter le réchauffement de la planète à +2°C, voire à +1,5°C. Mais l'ONU a souligné cette semaine que pour atteindre l'objectif idéal de +1,5°C, il faudrait réduire les émissions de CO2 de 7,6% par an, chaque année dès l'an prochain et jusqu'à 2030. Alors qu'il n'y a aucun signe qu'elles commencent à baisser.

1- Trump passe mais les COP's restent

Déjà le 1er juin 2017, le Président américain, Donald Trump, élu le 8 novembre 2016, avait annoncé le retrait des Etats-Unis de l'Accord de Paris sur le climat. Mais, le 4 novembre 2019, c'est le Secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, qui adressait une lettre au Secrétaire général de l'ONU, dépositaire de l'accord. Ainsi, « cette lettre constitue une notification par les États-Unis d'Amérique de son retrait de l'Accord de Paris. Conformément à l'article 28, paragraphe 2, de l'Accord de Paris, le retrait des États-Unis de l'Accord de Paris prend effet à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle vous recevez cette notification ». C'est ce qu'indique la lettre du Secrétaire d'Etat américain. Tel que cité par le porte-parole de M. Guterres dans une note aux journalistes. D'abord, notons que tous les Etats membres de l'ONU adoptèrent cet accord le 12 décembre 2015 dans la capitale française. Ensuite, l'Accord de Paris requiert de la part des pays signataires qu'ils maintiennent leurs émissions de CO2 en dessous de 2 degrés Celsius. Et ce, par rapport aux niveaux préindustriels. Par ailleurs, les Etats-Unis signaient l'Accord de Paris le 22 avril 2016 sous l'administration Obama. « Et exprimaient leur consentement à être liés par l'accord le 3 septembre 2016 », rappelle le porte-parole du Secrétaire général.

Cependant, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 28 de l'Accord de Paris, les États-Unis d'Amérique peuvent se retirer de l'accord à compter du 4 novembre 2019. Et ce, en adressant une notification écrite au Secrétaire général. Ce qu'ils ne se sont pas privés de faire. En effet, dans une déclaration de presse publiée lundi le même jour du début de la COP 25, M. Pompeo apporte des précisions. Il indique que « le Président Trump prend la décision de se retirer de l'Accord de Paris. Et ce, en raison du fardeau économique injuste imposé aux travailleurs, aux entreprises et aux contribuables américains; par les engagements américains pris en vertu de l'accord ». De ce fait, et conformément à l'article 28, paragraphe 2 de l'Accord de Paris, le retrait des États-Unis prendra effet un an après la notification officielle du retrait. Soit le 4 novembre 2020. « L'entrée en vigueur de l'Accord de Paris le 4 novembre 2016 était la plus rapide de tous les accords internationaux ». C'est ce que rappelait pour sa part Patricia Espinosa, la Secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Au final, Mme Espinosa appelle les Etats à continuer « sur notre lancée mondiale pour l'action en faveur du climat ».

2- La lutte contre le réchauffement climatique est avant tout, citoyenne

Pour consolider et fertiliser ce progrès dans la sensibilisation et les acquis déjà obtenus, l'action citoyenne devra constituer un contre pouvoir au lobbysme des multinationales qui n'agissent qu'en fonction de leurs intérêts pour libérer les pouvoirs étatique de leur joug Comme elle applaudit les décisions audacieuses des Etats, elle devra contester d'une manière la plus ostentatoire possible les retards dans les programmes tracés en veillant à leur application tout en surveillant leur exécution. Bien que la stratification sociétale ne soit pas homogène sur le sujet, la recherche des points d'accord restent de mise pour avancer. C'est le seul thème générique qui concerne les citoyens du monde entier et pour lequel les alliances hors frontière sont impératives. En effet, il y a des climato- sceptiques qui pensent que, la terre se réchauffe depuis plusieurs millénaires. Cependant, cela n'est pas suffisant pour justifier une quelconque politique coercitive. Pour eux il s'agit d'une propagande des médias pro-écolos, il ne semble pas que ce soit le cas. En fait, aucun réchauffement anormal n'a été observé depuis 1998. Ils préconisent que l'homme n'est pas le seul responsable mais les chercheurs ont prouvé entre autres les méfaits des rayons cosmiques sur l'évolution du climat .Pour cette approche du dérèglement du climat, l'augmentation du niveau de la mer n'est qu'un stratagème gouvernemental pour les faire peur pour rien. Ils soutiennent que le niveau des océans a toujours augmenté et ce depuis la fin de la dernière glaciation. La vraie question est de savoir si l'augmentation a été plus accentuée ces dernières années et, si c'est le cas, quelle différence cela fera. Par ailleurs, les études ne montrent aucune corrélation entre le réchauffement et la fréquence des ouragans, sécheresses et feux de forêts.

La peur est un bon moyen pour les pouvoirs de faire vendre des votes, les taxes pour continuer de grossir leur empire, les chercheurs scientifiques veulent être publiés et subventionnés, les ONG environnementalistes veulent des dons pour payer leurs salaires exorbitants, les sociétés d'électricité et d'ingénierie veulent vendre des éoliennes et des panneaux solaires, les banques veulent les financer à grands coup de dette. Pratiquement tout n'est qu'imaginaire. Une autre approche conteste la notion de lutte contre le dérèglement climatique mais préconise l'adaptation de l'homme au climat ainsi déréglé. Un autre son de cloche est beaucoup plus alarmiste et épouse la théorie du complot. Les partisans de cette orientation accuse les superpuissances et notamment les Etats-Unis d'orienter la recherche et le développement vers la mise en œuvre des programmes d'émission des hautes fréquences pour dérégler le climat et intensifier leur domination dans des pays en développement et surtout les pauvres. S'agit-il d'une nouvelle forme de colonisation pour asservir et contrôler les pays en fonction de leur stratégie politique. Ils pointent du doigt le programme HARP initié par les Etats Unis et vise la recherche dans les hautes fréquences aux aurores boréales. La dernière approche, probablement la plus importante en nombre prône la sobriété et la persévérance. Pour eux les pollueurs par la négociation continue vont finir par revenir à la raison et réduire progressivement les gaz à effet de serre. La caisse verte est un acquis considérable qu'il faudra « abonder et surtout renforcer son autorité. »

Il faut peut être signaler que l'initiative citoyenne ne devra pas confronter ce débat car les résultats seront contreproductifs et rentrera dans le jeu des multinationales qui financent des chercheurs, des ONG et des partis politiques pour minimiser les effets du dérèglement climatique et diviser les rangs de l'action citoyenne. Par contre qu'elle que soit l'approche ainsi évoquée plus haut, tous sont unanimes autour du constat climatique et au moins une partie causée par le comportement humain : l'accélération de la déforestation est néfaste et doit s'arrêter, l'acidification de la mer ne peut être que l'effet du gaz carbonique, la désertification avance et elle est effective, enfin la mer bouge. Ce sont des phénomènes que nul ne peut contester. La question est en quoi cela touche directement le citoyen d'aujourd'hui et celui de la génération future ? Et quelles en sont les conséquences tangibles ?

Tout le monde admet que cette situation mène droit vers une contraction des ressources (eau, aliments etc.) pour ne pas dire carrément une pénurie Ce manque va ramener les peuples de la terre à s'entretuer pour se nourrir. Ceci va mener l'humanité à régresser en renouant avec les guerres. Est-ce réellement la volonté des citoyens ? C'est vers cette fibre que l'initiative citoyenne doit s'orienter pour une mobilisation mondiale qui fera plier les différentes parties qui hésitent encore de réduire les facteurs qui dérèglent et détériore le climat.

3- L'Algérie reste en folie énergétique

L'élan de rétablissement et de revalorisation des terres agricoles après l'indépendance n'a pas été suivi d'effet. Les différentes organisations de masse sous la bannière du parti unique comme la jeunesse du front de libération national, les scouts musulmans, les anciens moudjahidines, celle des femmes etc. ont fait un travail de reboisement énorme pour réparer les dégâts des 7 années de la guerre de libération par des incendies de napalm et les autres artifices de combat. Le système d'autogestion de l'agriculture a été calqué sur certains pays de l'est mais ne pouvait épouser la culture Algérienne. De nombreux chercheurs, voire même les dirigeants de l'époque déclarent l'avoir choisie par obligation à cause du départ massifs des colons et la vacance des moyens de production et des terres. C'est le premier échec et pas des moindres. L'industrialisation qui devait justement créer des pôles autocentrés et servir à mécaniser l'agriculture a fait fuir les paysans par un exode rural sans précédent. Ils croyaient trouver l'épanouissement et le bonheur dans le milieu urbain après plus de 130 ans d'indigénat. Les circonstances diverses liées à la conduite du modèle économique de développement et sa réorientation en 1982 ont fait que ce paysan a tout perdu : le savoir faire agricole qui a fait de l'Algérie d'antan le grenier de Rome et puis l'industrie qui est devenu selon les propres termes d'un ministre algérien « une veille quincaillerie » Cette situation a rendu l'économie très fragile et mono- exportatrice des hydrocarbures voire carrément rentière sans espoir de diversification. L'ouverture sauvage de l'économie et le désengagement de l'Etat vis-à vis du secteur public des années 90 ont fait du marché algérien un bazard sans aucun contrôle ni maitrise et encore moins une orientation efficace des investissements. En sommes, on est passé d'une planification renforcée et impérative jusqu'à fin des années 80 à une absence total de ce processus dans les années 90. Une absence de prévision, implique aussi celle d'une stratégie et donc les dirigeants naviguent à vue. Conséquence : Secteur public à terre, celui du privé pousse un peu partout sans aucune portée stratégique mais ramasse de l'argent en le plaçant en dehors des frontières. L'informel s'est généralisé avec toutes formes de perversion. Cet état de fait devait être aggravé avec la décennie noire qui a contraint le pouvoir en place à acheter la paix social à tout prix. Le citoyen pour se taire, paye le pain, l'huile, les céréales, l'essence etc., a des prix défiant toute concurrence et les industriels en profitent pour lui prendre la grosse part du gâteau. Prés de 30 milliards de dollars vont annuellement dans les subventions qui bénéficient plus aux industriels qui répercutent en plus toute augmentation aux consommateurs. Cette ouverture est semblable à celle de l'immobilier aux Etats-Unis qui a été la cause de la crise économiques mondiale. En effet, par un semblant de crédit de consommation, on a obligé l'Algérien de vivre au dessus de ses moyens. Il s'est endetté mais a engorgé le parc véhicules au point d'obliger l'Etat d'importer des carburants depuis 2011. Il a fait exploser la croissance interne qui menace l'avenir du développement économique par le manque de recettes. Le mensonge des prix a multiplié le gaspillage de l'eau, de l'énergie et de l'alimentation. A cause des prix bas l'Algérien ne soucie guère de faire son plein de voiture, construit des maisons sans normes, gaspille plus 300 kg de nourriture par an en la jetant à la poubelle. Avec une telle approche, la gouvernance trouve et continue de trouver d'énormes difficultés pour négocier une vision stratégique liées au dérèglement du climat. Il ne peut pour le moment que ratifier toutes les conventions sans en pouvoir appliquer leur contenu ou respecter leur engagement. Il ne pollue pas mais continue à subir les effets de la pollution d'autrui. La preuve l'engagement du gouvernement par biais de Sonatrach de s'en passer du torchage du gaz qui ne peut être traité ou réinjecter dans les puits, n'a pu être respecté dans sa totalité et son délai. Elle a tenté et à réalisé tant bien que mal l'objectif numéro un pour le développement qui est de réduire à moitié entre 1990 et 2015 la proportion de la population qui souffre de la faim comme l'ont fait 37 autres pays de même niveau mais à quel prix : l'Algérien consomme prés 201 Kg de blé tendre et dur contre une moyenne mondiale de 66 kg. Toute la question : Est-ce que l'Algérien consomme réellement cette quantité ou en jette plus que la moitié. Auquel cas, tous les efforts se sont avéré vains.

4-Conclusion

Il faut dire que le seul mouvement qui mérite d'être internationaliser en premier lieu, c'est bien, celui qui se soucie des dérèglements climatiques car le climat n'a pas de frontières précises. Les parties engagées dans la COP ne feront rien sans une pression citoyenne. Cette pression ne peut être efficace qu'au moment de ces événements .La réunion qui se fait à l'intérieur doit faire l'objet d'une pression de l'extérieur par les militants de cette cause.

*Consultant et économiste pétrolier