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La Grèce relève la tête

par Akram Belkaïd, Paris

La nouvelle est pratiquement passée inaperçue mais elle a son importance. La Grèce, par la voix de son gouvernement, entend rembourser par anticipation une partie de sa dette contractée auprès du Fonds monétaire international (FMI). Selon des informations publiées par la presse grecque, le gouvernement du Premier ministre Alexis Tsipras doit s’adresser cette semaine au Mécanisme européen de stabilité (MES) pour obtenir l’autorisation de rembourser par anticipation des crédits contractés auprès du FMI. Dans le détail, le remboursement devrait concerner 3,7 milliards d’euros dont l’échéance est normalement prévue pour 2020. Cela correspond, à peu près, au tiers de ce que la Grèce doit au FMI soit un total de 9,3 milliards d’euros à rembourser d’ici 2024.

Gain d’autonomie

La démarche d’Athènes est facilement compréhensible. Un remboursement par anticipation permet à la fois de réduire le coût de l’emprunt (il y a moins d’intérêts à payer) et de gagner ainsi en marge de manœuvre par rapport à d’autres prêteurs. Pour Alexis Tsipras, c’est d’ailleurs une question de «liberté économique». A ce jour, Athènes rembourse le FMI avec des taux d’intérêt proches de 5% annuellement, ce qui est supérieur aux taux pratiqués sur le marché. Tant que la Grèce n’avait pas accès aux financements des marchés, la question du coût des emprunts contractés auprès du FMI ne se posait pas. Mais, depuis l’année dernière, l’État grec a pu lever des fonds à deux reprises, les investisseurs internationaux étant rassurés par le fait que le programme d’aide à la Grèce est clos depuis 2018. Autrement dit, Athènes rembourse le FMI pour faire des économies, ce qui devrait ravir ses créanciers. Du moins, en théorie…

En effet, le remboursement anticipé ne coule pas de source. Quand il s’agit d’un client particulier, les banques ne sont pas toujours ravies de le voir rembourser son prêt à l’avance car cela peut constituer un manque à gagner. Des dispositions peuvent parfois interdire ou pénaliser les remboursements par anticipation. Dans le cas de la Grèce, ce n’est pas cette logique qui joue même si on ne répétera jamais assez que les taux d’intérêt qui lui ont été appliqués sont scandaleux quand on sait que ce pays membre de l’Union européenne (UE) est censé bénéficier de la solidarité de ses pairs.

Ce qui se joue en réalité, c’est l’autonomie à laquelle aspire Athènes. Des pays européens comme l’Allemagne et les Pays-Bas voient d’un mauvais œil ce remboursement par anticipation car cela signifierait la fin de la tutelle – le mot n’est pas trop fort – du FMI sur la politique économique et financière de la Grèce. «Observateur» du programme de surveillance post-renflouement de la Grèce, le FMI demeure un acteur influent dans les décisions économiques d’Athènes. Pour Berlin, il est la garantie que les errements du passé ne seront pas répétés. C’est donc une question de souveraineté qui est en train de se jouer.

Rembourser pour… s’endetter

L’Algérie a connu une situation presque comparable. Après avoir fait face aux affres du surendettement au début des années 1990, elle a remboursé une grande partie de sa dette extérieure, se permettant même de s’offrir le luxe de prêter de l’argent au FMI. Aujourd’hui, la roue a tourné et des responsables évoquent ainsi un nouveau cycle d’endettement. Cela démontre une chose : le remboursement par anticipation n’a d’intérêt que s’il offre de vraies marges de manœuvres pour un assainissement durable de l’économie. C’est ce qui reste possible pour la Grèce. C’est ce que l’Algérie n’a pu réaliser.