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Un air trouble de déjà vu !

par Mahdi Boukhalfa

Il y a comme un air trouble mais de déjà vu dans ces appels à la grève, ces positions de blocage frontal entre syndicats et gouvernement, ces postures politiques faisant la part belle à une candidature du président Bouteflika à un 5ème mandat. En fait, il y a des fissures de plus en plus évidentes sur le tissu social, des annonces pas totalement rassurantes du gouvernement et des manœuvres politiques éculées de l'ex-parti unique pour s'autoproclamer, comme à son habitude, parrain d'une candidature du président à sa propre succession lors de l'élection présidentielle de l'année prochaine.

L'agitation syndicale de ces dernières semaines est-elle le résultat d'un véritable pourrissement dans les secteurs les plus choyés par l'Etat ou une simple image d'une décrépitude avancée des secteurs de l'Education et la Santé ? Comme par hasard, ce sont les deux secteurs qui ont échappé, par ces temps de crise financière, aux restrictions budgétaires. Pis, ils sont les deux secteurs à bénéficier du grand avantage, refusé aux autres secteurs, y compris dans les entreprises publiques, de recruter une armée de fonctionnaires. Et, comme par enchantement, l'Education et la Santé, où l'Etat dépense sans compter, sont les deux secteurs qui fonctionnent le moins et, surtout, qui sont en train d'amplifier le marasme social. Et, surtout, d'exacerber les tensions sociales, la crise de gouvernance dans un pays où des ministres n'hésitent plus à déclarer, comme c'est le cas pour le ministre du Commerce, qu'il «y a le feu à la maison».

Que des ministres, qui ne songent jamais à démissionner alors que le marasme dans leur secteur appelle à des solutions urgentes et courageuses et non des propositions éphémères et antidémocratiques, aillent jusqu'à faire dans l'apologie de la sinistrose, du défaitisme économique, comme est en train de le faire M. Benmeradi pour justifier un gain absolument ridicule de 1,5 milliard de dollars sur une facture de plus de 40 milliards de dollars d'importations, étonne. D'autant que le gouvernement, appelé sur plusieurs fronts, semble n'avoir pas les ressorts nécessaires pour rebondir en allant vers des territoires nouveaux pour éteindre les feux de la contestation sociale, mais, au contraire, reste sur des postures à la limite rappelant les temps anciens du parti unique, de la décision autoritaire, même si elle ne mène nulle part, plutôt qu'un dialogue serein, responsable, démocratique, loin de la dialectique catastrophique de «la trique».

La proposition du Premier ministre, si tel est le cas, de «soudoyer» les médecins résidents avec une prime pour les forcer à aller dans les zones déshéritées dans le cadre du service civil aura été une bien lamentable manœuvre et l'expression inouïe que les pouvoirs publics n'ont pas encore pris la température de la crise qui lamine le secteur de la Santé. Ailleurs, dans le secteur de l'Education, c'est le même blocage, la même posture d'un ministère qui n'arrive pas à admettre que le secteur traverse l'une de ses pires crises sociales, de gouvernance. Dans l'intervalle, ce sont des millions de parents d'élèves, toutes catégories sociales confondues, qui doivent supporter des états d'âme, d'où qu'ils viennent, une situation tout à fait ubuesque qui va sanctionner au premier chef les enfants du peuple. Ceux-là, personne ne pense à eux, y compris ces syndicats du secteur qui, eux également, semblent beaucoup plus préoccupés par leur carrière, leur confort social, leur petite vie que l'avenir du pays, puisqu'ils ont la responsabilité d'enseigner et d'éduquer les générations montantes. Et, comme la scène politique commence à se réveiller avec l'approche de l'élection présidentielle de 2019, il y a tout lieu de croire et de penser que les partis politiques vont se réveiller pour entamer la danse du scalp et se rappeler qu'ils ont des devoirs envers le «peuple», écrasé par le poids de la crise sociale, les grèves, la hausse des prix, le chômage.